Propos recueillis par Nathalie PicardPublié le 16 janvier 2021
Non, le « burn-out » n’est pas réservé à la sphère professionnelle. Des parents épuisés n’arrivent plus à s’occuper de leurs enfants. Pour la psychologue Isabelle Roskam, il est temps de soigner la souffrance des familles.
Lorsque Isabelle Roskam ouvre la ligne d’urgence SOS Parents durant le premier confinement belge, elle ne s’attend pas à recevoir autant d’appels : plus de 700 en deux mois et demi. La spécialiste de la parentalité, chercheuse et professeure en psychologie à l’Université catholique de Louvain (Belgique), alerte sur la souffrance des familles.
À la demande de l’ARS Île-de-France et avec le concours de l’AP-HP, le GHU Paris psychiatrie & neurosciences (ex-Sainte-Anne, 14e arrondissement de Paris), a créé en avril dernier « Psy Île-de-France ». Cette plateforme d’écoute est dédiée aux patients souffrant de troubles psychiques, afin de leur apporter une aide sur mesure pendant la période du confinement. Les répondants sont des professionnels de la psychiatrie : infirmiers psychiatriques (répondants de « première ligne ») et psychologues du Groupement Hospitalier Universitaire (répondants de « deuxième ligne »). Aujourd'hui pérennisé, ce numéro d'appel gratuit (01 48 00 48 00), opérationnel 7 jours sur 7, de 11 heures à 19 heures, est destiné à tous, et non plus en priorité aux personnes ayant un proche souffrant d'un trouble psychique, comme c’était le cas au départ (voir notre article). Nous avons interrogé le Dr Liova Yon, psychiatre et coordinateur de Psy Île-de-France, pour en savoir plus sur le fonctionnement et les objectifs de ce dispositif. Mais aussi pour se faire une idée plus précise de la détresse psychologique des Français en période de crise sanitaire.
Quelle est la genèse du dispositif Psy Île-de-France ?
Dr Liova Yon : Le projet initial était le suivant : soutenir les patients, mais aussi surtout leurs proches (familles, amis etc…) dans le contexte de l’émergence de la crise sanitaire et du confinement. La période était très anxiogène, avec de nombreuses incertitudes. On craignait un raz de marée psychiatrique. On s’est donc demandé ce qu’on pouvait mettre en œuvre rapidement et facilement pour les patients et leurs proches. C’est ainsi que ce dispositif téléphonique est né.
Santé, crise sociale, écologie… Quelles seront les grandes préoccupations pour l’année 2021 ?Pour tenter d’y répondre, Philosophie magazinea interrogé plusieurs philosophes émergents. Aujourd’hui : Elsa Godart, qui vient de faire paraître une trilogie passionnante sur la Métamorphose des subjectivités (Hermann, 2020). Pour la philosophe et psychanalyste, notre époque sécularisée est régie par d’innombrables mécanismes de culpabilisation, qui produisent des effets de « soumission volontaire ». Comment vivre avec la culpabilité sans que celle-ci n’inhibe l’individu ?
L'ONI a débuté son année sur les chapeaux de roue le 14 janvier par une Matinale intitulée comment préserver la santé et le bien-être au travail des infirmiers au temps du Covid-19 ? A cette occasion, il a annoncé lancer une grande enquête multicentrique (France, Belgique et Suisse) pour identifier les facteurs protecteurs qui ont permis aux infirmiers de rester dans leur profession malgré les difficultés engendrées par leur implication dans la gestion de la pandémie de Covid-19.
Un nombre important de personnes sont confrontées à un accident important pour elles-mêmes ou pour des proches. Il en résulte parfois un handicap définitif. Christine Mirabel-Sarron sait de quoi elle parle. À peine diplômée médecin, elle a été victime d’un très grave accident de la route qui l’a laissée polytraumatisée et aveugle. Elle a dû abandonner sa carrière de chercheuse en médecine et a entrepris alors des études de psychiatrie. Elle s’est spécialisée dans les thérapies comportementales et cognitives. Elle est devenue la responsable du Centre de psychothérapie universitaire de l’hôpital Sainte-Anne de Paris. Elle a été un temps la présidente de l’Association française de thérapies comportementales et cognitives (AFTCC) et aussi de la Société médico-psychologique. Elle a enseigné à l’université Paris V et dans d’autres universités. Ainsi sa trajectoire de vie a été, malgré un lourd handicap, une réussite étonnante. Seule ou en collaboration, elle a publié des articles scientifiques et plusieurs ouvrages, notamment sur le traitement des dépressions. Le petit livre Bien gérer son temps (Odile Jacob, 2012) avait fourni une série d’astuces à l’efficacité étonnante.
Coronavirus, une conversation mondiale | Un virus cherche simplement les moyens de se développer. Que ce soit de corps en corps ou de réseaux en réseaux, la viralité trouve toujours un allié pour arriver à ses fins : l'humain. Faut-il pour autant être fataliste ? Pas pour le philosophe italien Maurizio Ferraris.
Dès le début du confinement l’équipe duTemps du débata commandé pour le site de France Culture des textes inédits sur la crise du coronavirus. Intellectuels, écrivains, artistes du monde entier ont ainsi contribué à nous faire mieux comprendre les effets d’une crise mondiale. En cette rentrée, nous étoffons la liste de ces contributions en continuant cetteConversation mondialeentamée le 30 mars. En outre, chaque semaine, le vendredi, Le Temps du débat proposera une rencontre inédite entre deux intellectuels sur les bouleversements actuels.
Maurizio Ferrarisest philosophe et enseigne à l'Université de Turin. Il a consacré nombreuses de ses recherches à la questions des traces qu'il a théorisé autour des études de la "documentalité", sujet de son dernier livre paru en janvier 2021 aux Editions du Cerf. Les deux pieds dans l'époque, juste critique de la technique, il rappelle à chaque fois les humains à leurs facultés dans ce monde qui bouge vite, très vite. Pour la Conversation Mondiale, il propose un constat, et une solution, pour ne pas rester les bras croisés à regarder les nouvelles vagues numériques nous submerger
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Il a ainsi « approuvé le remboursement des soins de psychologues en libéral, notamment pour les enfants, afin de le rendre accessible au plus grand nombre ».
Il a également souhaité que soient abordés au cours de ces Assises les sujets de tarification et le renforcement de la médecine scolaire.
Le chef de l’État a par ailleurs approuvé le lancement au printemps d’une enquête nationale sur la santé mentale des jeunes et des enfants, qui sera conduite par Santé Publique France.
Les spécialistes lui ont fait part de la hausse continue du nombre d’enfants souffrant de troubles depuis quelques années.
Les étudiants de Lyon-III qui ont lancé le collectif Génération Covid pour «redonner un peu de vie, de sociabilité aux étudiants».Photo Hugo Ribes pour Libération
Isolement, angoisse liée à l’enseignement à distance, précarité… Syndicats et enseignants s’alarment de l’état de détresse des jeunes. Jean Castex et Frédérique Vidal doivent recevoir ce vendredi les représentants de la communauté universitaire.
Selon le président de l’Université de Bordeaux, un tiers d'entre eux ont "des indicateurs d'anxiété ou de dépression". Face à ce mal-être, le manque de psychologues est criant. Après dix mois de crise, l’ARS annonce des fonds supplémentaires pour proposer plus de consultations.
« J’ai complètement décroché », avoue cette étudiante à l’Université de Bordeaux Montaigne qui tient à garder l’anonymat. « Déjà que cette formation m’a laissé avec une grosse dépression, ce deuxième confinement m’a complètement fait perdre les pédales ». Une souffrance bien réelle, vécue dans le plus grand isolement.
Le sujet sera évoqué ce soir par Jean Castex, lors de sa conférence de presse à 18 heures. Il est au cœur des préoccupations, tout du moins des discours. Le sort des étudiants. Lors des questions au gouvernement, la sénatrice EELV de la Gironde Monique de Marco, a alerté sur la nécessité de proposer plus de cours en présentiel pour rompre l’isolement des jeunes. « Il nous semble urgent de recruter davantage de psychologues », a-t-elle martelé.
Le Dr Patrice Schoendorff, psychiatre aux hospices civils de Lyon et en détachement à l’hôpital de Thonon-les-Bains (Haute-Savoie), lance un cri d’alarme sur la situation psychiatrique en France.
Marianne : Vous êtes psychiatre dans la région lyonnaise et vous dénoncez une situation de burn-out…
Dr Patrice Schoendorff : Oui, sur le plan de la psychiatrie, la situation française est très préoccupante. Pour que les choses soient parlantes, avec le Dr Didier Charrassin, chef du pôle psychiatrie du Chablais, nous avons regardé les chiffres du secteur de Thonon les Bains, une zone qui va du Lac Léman jusqu’aux stations de ski de Morzine d’Avoriaz. Tous les indicateurs sont au rouge ! En 2020, nous enregistrons +12% de consultations psychiatriques extrahospitalières. Du jamais vu. A l’hôpital de Thonon, sur les deux derniers mois, en décembre et novembre, nous avons eu 30 hospitalisations ce qui est là aussi du jamais vu. Nos deux unités de 20 lits, qui ont par ailleurs en charge leurs patients chroniques, sont totalement saturées.
Est-ce un constat général ou une situation propre à cette région des Alpes ?
Je discute avec des collègues psychiatres du reste de la France, c’est partout pareil. Et comme la psychiatrie est le parent pauvre de la médecine française, cet afflux massif de nouveaux patients intervient alors que le secteur hospitalier dans ce domaine est déjà sinistré. A Thonon, sur 5 postes de psychiatres, deux sont vacants… L’hôpital doit appeler en urgence des intérimaires.
Au terme de ce minutieux parcours une évidence fait relief : la psychanalyse ne guérit pas, elle sauve ! Là, est la promesse - Postface de Marc Lévy.
L’expérience analytique, qu’elle soit abordée par la clinique ou à partir des apports théoriques de Freud ou de Lacan, nous conduit à une béance où gît le réel. Cela se manifeste par l’absence de rapport sexuel. Le dernier enseignement de Lacan, que Jacques-Alain Miller nous a permis de découvrir et d’approfondir, loin d’en faire un échec, en fait le pivot de la cure dans une clinique orientée par le réel.
Comment les jeunes confiés à la protection de l’enfance, pris dans des situations de déplacements contraints, parviennent-ils à unifier leurs expériences de vie et à construire leur singularité ?
Les épreuves de la sortie des institutions font l’objet d’un intérêt croissant dans la littérature en sciences sociales. Dans ce même mouvement, les études sur la sortie de la protection de l’enfance se multiplient. Dans un contexte de démantèlement du dispositif d’accompagnement à l’âge adulte des jeunes sortant de la protection de l’enfance, cet ouvrage s’intéresse aux recompositions des liens d’affiliation qui s’opèrent pour les jeunes confiés au temps du passage à l’âge adulte. De quels supports disposent-ils pour se définir ?
Chaque année en France, 50 à 100 femmes décèdent d’une cause liée à la grossesse, à l’accouchement ou à leurs suites, soit une tous les 4 jours en moyenne. Santé publique France et l’Inserm publient aujourd’hui les résultats du 6ème rapport de l'Enquête nationale confidentielle sur les morts maternelles (ENCMM) pour la période 2013-2015.
SÉRIE De Claire Marin à Michael Foessel ou Eva Illouz, « Le Monde » a publié fin 2020 une série d’entretiens avec des philosophes, des écrivains et des historiens qui pensent les élans et les blessures de la vie, à l’heure de la crise sanitaire et de l’extension des mesures sécuritaires. Nous les avons rassemblés ici.
La crise due au nouveau coronavirus a autant affecté notre santé que notre intimité. La présence de la maladie a aussi bien exacerbé nos failles et nos fragilités que révélé certaines ressources cachées, et forces insoupçonnées. Cette crise a mis en relief une génération de penseurs qui s’attachent à comprendre tant le passé que le présent grâce à l’étude des émotions. Inspirés par les historiens Alain Corbin et Arlette Farge, les anthropologues François Laplantine et David Le Breton, la sociologue Eva Illouz et le philosophe François Jullien, ils ont pris acte du passage de l’histoire des mentalités à celle des sensibilités. Et accentué le tournant émotionnel de la vie intellectuelle.
La philosophie a opéré sa mue et s’intéresse autant aux affects qu’aux concepts. Elle est revenue à des questions existentielles qui furent les siennes dès la Grèce antique, et qu’elle avait parfois délaissées. Renouant également avec Montaigne et Rousseau, qui pensaient à partir de leur propre vie et expérience, « la philosophie s’enracine davantage dans le vécu », avance la philosophe Claire Marin. L’intime et le sensible sont partout. D’où l’envie de rencontrer et de faire découvrir ces penseurs de l’intime au moment où l’histoire universelle affecte chacun au cœur de sa vie personnelle.
Le Monde a réuni ici l’enquête réalisée par Nicolas Truong sur le sujet, ainsi que les entretiens qu’il a menés avec neuf personnalités, parus entre le 21 décembre 2020 et le 1er janvier 2021.
Je ne vivrai jamais que ma vie, et les autres seront des autres. Comment rompre avec ce solipsisme? Autrui est le titulaire du regard posé sur moi et qui me fige. Il est le cas-limite de mon enlisement dans l'Être : mon corps, ma situation, mon dehors, tout cela concourt à ce que le regard d'autrui m'enveloppe tout entier. Je suis exposé à ce regard.
Que devraient faire les médecins lorsque leurs patients sont mésinformés sur leur santé ? En ces temps de pandémie et de désinformation, la question préoccupe. Au point qu’un atelier virtuel a été proposé au sein de la faculté de médecine du Duke’s Social Science Research Institute destinés aux praticiens et aux acteurs du système de santé. « Le problème n’est pas nouveau, a reconnu le Dr Brian Southwell, un expert sur le sujet, mais il est aujourd’hui exacerbé par les réseaux sociaux, avec des conséquences parfois dangereuses ». Quelques idées clés des réponses à son interview récemment paru dans le JAMA.
À quels types de fausses informations sommes-nous confrontés ?
Nous sommes aujourd’hui exposés à une somme considérable d’informations et de mésinformations qu’il est très facile de partager rapidement avec un très grand nombre de personnes. « Cela donne l’impression que toutes les informations sont équivalentes en termes d’utilité et de crédibilité ». À cela s’ajoute la volonté de certains, de façon individuelle ou organisée, de disséminer de façon virale et volontaire de fausses informations. C’est ce que l’on appelle la désinformation. Ces fausses informations sont pour les patients d’autant plus difficiles à déceler qu’ils ne savent pas les apprécier en fonction de la source.
A la tête de deux salons de coiffure parisiens, Delphine Courteille coiffe anonymes et personnalités de la mode et du cinéma. La crise sanitaire l’a poussée à être plus présente sur les réseaux sociaux, avec des live réguliers sur Instagram.
Jamais on n’avait autant parlé de cheveux que depuis le premier confinement et la fermeture brutale des salons de coiffure, fréquentés chaque jour par un million de clients soudainement livrés aux caprices de leur chevelure. Mal vécue par de nombreux Français, cette crise capillaire a eu le mérite de redorer l’image d’une profession trop souvent dévalorisée. « Les cheveux, c’est l’une des premières choses que l’on voit et c’est encore plus vrai avec le port du masque », constate Delphine Courteille, formée il y a vingt-cinq ans par Charlie, coiffeuse superstar de la décennie 1990.
À la demande de l’ARS Île-de-France et avec le concours de l’AP-HP, le GHU Paris psychiatrie & neurosciences (ex-Sainte-Anne, 14e arrondissement de Paris), a créé en avril dernier « Psy Île-de-France ». Cette plateforme d’écoute est dédiée aux patients souffrant de troubles psychiques, afin de leur apporter une aide sur mesure pendant la période du confinement. Les répondants sont des professionnels de la psychiatrie : infirmiers psychiatriques (répondants de « première ligne ») et psychologues du Groupement Hospitalier Universitaire (répondants de « deuxième ligne »). Aujourd'hui pérennisé, ce numéro d'appel gratuit (01 48 00 48 00), opérationnel 7 jours sur 7, de 11 heures à 19 heures, est destiné à tous, et non plus en priorité aux personnes ayant un proche souffrant d'un trouble psychique, comme c’était le cas au départ (voir notre article). Nous avons interrogé le Dr Liova Yon, psychiatre et coordinateur de Psy Île-de-France, pour en savoir plus sur le fonctionnement et les objectifs de ce dispositif. Mais aussi pour se faire une idée plus précise de la détresse psychologique des Français en période de crise sanitaire.
Quelle est la genèse du dispositif Psy Île-de-France ?
Dr Liova Yon : Le projet initial était le suivant : soutenir les patients, mais aussi surtout leurs proches (familles, amis etc…) dans le contexte de l’émergence de la crise sanitaire et du confinement. La période était très anxiogène, avec de nombreuses incertitudes. On craignait un raz de marée psychiatrique. On s’est donc demandé ce qu’on pouvait mettre en œuvre rapidement et facilement pour les patients et leurs proches. C’est ainsi que ce dispositif téléphonique est né.
Une commission d’enquête officielle a rendu, mardi, un rapport sur ces institutions catholiques dans lesquelles plus de 9 000 bébés sont morts de 1922 à 1998.
C’est un moment historique pour l’Irlande. Un siècle après son indépendance, la République affronte un passé sombre et pas si lointain : sa société fut, jusqu’à la fin du XXe siècle, profondément catholique et rurale, mais surtout brutalement misogyne. Après cinq années de travail, une commission d’enquête officielle a rendu, mardi 12 janvier, un énorme rapport (3 000 pages) décortiquant le fonctionnement de dix-huit « maisons pour mères et bébés », la plupart gérées par des congrégations catholiques, où ont été placées des dizaines de milliers de femmes sur le point d’accoucher entre 1922 et 1998.
Rejetées par leur famille et par les géniteurs des bébés, les jeunes femmes (parfois encore des enfants, et pour la plupart issues de milieux pauvres) y cachaient des grossesses considérées comme honteuses. Elles étaient durement traitées et souvent les enfants étaient placés ou adoptés sans leur consentement.
En 1921, P. T. Selbit sciait Betty Barker sur la scène d’un théâtre londonien ; un classique de la magie qui a aussi contribué à propager l’image sexiste de l’assistante glamour.
Sur la scène du Finsbury Park Empire Theatre de Londres, le 17 janvier 1921, l’illusionniste anglais P. T. Selbit − de son vrai nom Percy Thomas Tibbles − invite Betty Barker, son assistante, à grimper dans une boîte en bois. A l’intérieur, la jeune femme est attachée par une corde au cou, à la cheville et au poignet. Une fois le couvercle refermé, le magicien se munit d’une grande scie à main et s’affaire… Quelques longues minutes plus tard, stupeur : sous les yeux ébahis du public, Berry Barker sort indemne du processus. Le tour connaît un succès immédiat.
Le téléphone portable est le symbole de notre époque, selon le philosophe allemandPeter Sloterdijk, qui a livré une analyse en ce sens lors de son intervention au festival international de philosophie phil.cologne 2020. Pour lui, cet objet symbolise un renversement dans notre modèle de surveillance : alors que la discipline des individus fut, des siècles durant, dévolue à la conscience, sorte de regard divin intériorisé, les régimes contemporains en reviennent à des modes de surveillance externes. Explications.
Dans votre dernier ouvrage, Den Himmel zum Sprechen bringen(Suhrkamp, 2020, à paraître en mars prochain chez Payot en trad. fr. par O. Mannoni sous le titre Faire parler le ciel. De la théopoésie), vous soutenez que les hommes ont toujours cherché à faire parler les dieux.
Peter Sloterdijk : Oui. Vous ne permettez au ciel de se taire qu’un moment ; s’il reste muet trop longtemps, vous le faites parler. Les cultures de l’Antiquité ont toutes développé des méthodes pour piéger l’au-delà, pour l’obliger à faire des déclarations. Certaines cultures font par exemple parler les entrailles des animaux sacrifiés. L’objet le plus impressionnant que nous conservons et qui atteste de ces pratiques est une « carte » en bronze étrusque qui permettait aux prêtres de lire le foie d’un animal sacrifié comme un livre ouvert. Plus tard, d’autres ont commencé à voir le ciel comme une bibliothèque de signes qui nous parlent – pensez aux constellations, aux signes du zodiaque, imprégnés d’innombrables histoires populaires. D’autres cultures ont développé l’usage rituel de drogues pour forcer les dieux à s’exprimer à travers un véhicule individuel. Bref, les dieux n’ont jamais été laissés en paix !