Par Rachel Mulot le 18.10.2020
Journée mondiale de la ménopause : dans un essai réfléchi et revigorant, la psychanalyste et psychosociologue Catherine Grangeard s’insurge contre ceux qui prétendent assigner les femmes de plus de 50 ans -14 millions en France- à la retraite sexuelle.
Catherine Grangeard, psychanalyste auteure d'Il n'y a pas d'âge pour jouir".
MARTINE ERASLE
Ce dimanche 18 octobre est la journée mondiale de la ménopause, un sujet très peu médiatisé. Quant à la sexualité des femmes de plus de 50 ans - des ménopausées donc - elle est encore plus taboue. Comme si les joies d’en bas*, le désir, le plaisir ne les concernaient plus. Qu’elles devaient naturellement prendre leur retraite sexuelle à ce moment-là. Eteintes parce qu’obsolètes, selon certains ignares. Cet âge de la vie des femmes est très, trop peu étudié. Car elles ont toujours une vie amoureuse, prennent l’initiative du divorce à 60 ans, utilisent des applications de rencontre, des sex-toys, "mènent une vie sexuelle selon qui elles sont, chacune individuellement et non selon leur catégorie d’âge telle que définie par l’Insee" raconte la psychanalyste et psychosociologue Catherine Grangeard. Tout en souffrant, parfois, du poids des préjugés… Nous parlons là de plus de 14.282.966 françaises, selon le recensement INSEE de 2019 ! "Une belle majorité silencieuse à réveiller" écrit la psychanalyste dans un essai de 218 pages publié chez Larousse où elle interroge le désir, l’amour, l’hétérosexualité et rétablit quelques vérités à rebours de nos représentations sociales. Entretien
Sciences et Avenir : Est-il encore besoin d’écrire aujourd’hui en 2020, que "la retraite sexuelle n’aura pas lieu" et qu’ "il n’y a pas d’âge pour jouir" ?
Catherine Grangeard : Ce livre est né suite aux propos, en 2019, d’un chroniqueur de télévision malotru disant que le corps des femmes de 50 ans était invisible pour lui. Il a eu énormément de buzz et un retentissement jusque dans la vie de mes patientes, car il a libéré une parole misogyne. Dans les ateliers, les magasins, leurs collègues masculins leur lançaient : "Tu vois, tu n’y peux rien, chérie, tu es périmée". Des quidams, des anonymes se sentaient justifiés. "Les femmes ont lutté pour ne plus être des objets sexuels"
J’ai voulu creuser ce qu’était "l’invisibilité sexuelle". La question est complexe. Les femmes ont lutté pour ne plus être des objets sexuels et devenir des "sujets " sexuels. Alors pourquoi sont elles perturbées lorsqu’on décrète qu’elles ne sont plus des objets désirables à partir d’un certain âge ? "L’écho des gynécos", un podcast imaginé par le Collège national des gynécologues et obstétriciens français, le dit : "pour beaucoup d’ignorants sonne le glas de la féminité quand cette période arrive. Pourquoi une telle représentation archaïque ?" La réponse des chercheurs est claire : "A cause de la persistance de la domination masculine ".
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