De «Fantômas» aux «Yeux sans visage», d’«Elephant Man» à «Eyes Wide Shut», le masque prolifère en une multitude de films, de rôles et de métamorphoses, objet fétiche de séduction, de terreur ou de révolte. Eloge de la figure dissimulée à l’écran.
«L’Homme invisible» de James Whale (1933). Photo Collection Christophel . Universal Pictures
Sortir à sa guise. Retrouver sa liberté de mouvements dans l’espace public - car pour nombre d’entre nous, les cinquante-cinq jours de confinement furent vécus de facto comme un enfermement. Enfin libres ? A condition de respecter les fameux gestes barrières auxquels s’adjoint, à présent, la recommandation - voire l’obligation quand la distanciation physique s’avère impossible - de porter un masque protecteur. «Le corps est un tombeau», écrivait Platon. Désormais suspect, il est ce qu’on protège et ce dont on se protège. Et le petit carré de tissu dont on est prié de recouvrir la moitié de son visage forme un nouveau sas entre soi et le monde. Le cinéma n’aura pas attendu la pandémie et la gestion biopolitique de la crise sanitaire pour faire du masque un fétiche cinégénique hautement fascinant, ne serait-ce que par les liens qu’il tisse avec les autres arts, le théâtre, la peinture [à lire, l’analyse du masque dans l’art contemporain dans Libération du 9 mai], la photographie. Le masque du comédien, persona en latin, c’est l’instrument des identités labiles et changeantes. Il est aussi ce qui fait écran, une page vierge, un mystère insondable, une surface réfléchissante, qui à l’intérieur du plan se fait métaphore du cinéma lui-même.