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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

jeudi 9 avril 2020

Avec les malades du coronavirus dans un centre d’hébergement d’urgence

Publié le 8 avril 2020

EN IMAGES Le photographe Augustin Le Gall a pu rendre compte des conditions de travail au sein d’un des plus grands centres d’hébergement d’urgence de France, à Nanterre.

Créé en 1887, le Centre d’hébergement et d’assistance aux personnes sans abri (Chapsa), à Nanterre (Hauts-de-Seine), intégré à l’hôpital Max-Fourestier, est un lieu historique d’accueil des sans-abri, l’un des plus grands de France. Chaque fin d’après-midi, les sans-domicile-fixe (SDF) arrivent de la capitale par bus, affrétés par la RATP ou la brigade spécialisée de la Préfecture de police de Paris.

Accueillis pour une nuit, ils dorment dans des chambres de quatre à six personnes, avant de repartir le matin, avant 10 heures. Mais l’épidémie du Covid-19 a bouleversé ce rituel : les 230 personnes accueillies, dont plusieurs sont positives au coronavirus, y sont désormais confinées.

Une antenne spéciale « Covid » équipée de quarante-huit lits a donc été ouverte dans une aile de l’hôpital pour isoler les personnes atteintes du virus, avec une équipe médicale composée d’un médecin, d’une infirmière, d’une élève infirmière, de deux aides-soignantes et d’un agent hospitalier.


Le 2 avril, trente et une personnes confinées étaient suivies par cette équipe. C’est durant cette journée que le photographe Augustin Le Gall a pu rendre compte des conditions de vie et de travail au sein du Chapsa.

Le Dr Daculsi examine un des usagers du centre, atteint du Covid-19.
Le Dr Daculsi examine un des usagers du centre, atteint du Covid-19. AUGUSTIN LE GALL POUR « LE MONDE »


Covid-19 : l’occasion de reconsidérer la fin de vie dans la dignité ?

Départ d’un TGV réquisitionné pour les patients atteints du Covid-19, en gare d’Austerlitz, le 1er avril.
Départ d’un TGV réquisitionné pour les patients atteints du Covid-19, en gare d’Austerlitz, le 1er avril. Photo Thomas Samson. Pool via AP


Le Rivotril, dont la délivrance vient d’être autorisée en pharmacie, évite aux personnes agonisant en ville et dans les Ehpad de mourir dans les souffrances de l’asphyxie. La précipitation dans laquelle cette autorisation a été accordée serait-elle le signe que la pandémie amène enfin à reconsidérer les problèmes de la maladie et de la souffrance à la fin de l’existence ?

Tribune. L’infection au Covid-19 n’aura pas fini de mettre en lumière nos erreurs et nos manques de réflexion en matière sanitaire. Cette politique de l’autruche ne date pas d’aujourd’hui, ni même d’hier, mais d’avant-hier. Trop longtemps nous avons fait confiance aux technocrates et aux idéologues libéraux de la santé.
Après le manque de soignants par le blocage du numerus clausus (1971), après la diminution drastique des lits d’hospitalisation au nom d’une vision mercantile (moins de 40 % de lits en cinquante ans), nous découvrons
le manque possible de médicaments du fait de la course au profit maximum des entreprises pharmaceutiques qui ont délocalisé leur production.

Aujourd’hui, nous faisons également mine de découvrir les problèmes posés par la fin de vie. Notre société n’a jamais voulu réellement aborder les insuffisances de la loi française, dite Claeys-Leonetti, qui, pour limiter le recours à la «sédation profonde et continue», impose l’hospitalisation et refuse aux médecins généralistes la possibilité de se procurer en ville les produits nécessaires à cette sédation (en novembre, l’un d’entre eux a été suspendu pour avoir aidé des malades à mourir à leur domicile en utilisant du midazolam que son épouse hospitalière lui avait procuré). Cette loi n’avait pas prévu non plus l’impossibilité d’hospitaliser des malades âgés par manque de lits d’hospitalisation.

Le stress post-traumatique promet de frapper les soignants mais peu en parlent encore

Publié le 08/04/20 

Face au Covid-19, les retours de Chine le confirment : le trouble de stress post-traumatique touche de plein fouet les personnels de santé. En France, les psychiatres constatent toutefois une sous-utilisation des hotlines. Trop nombreuses et pas assez coordonnées, les soignants s'y perdent. Leurs appels risquent de se faire sur le tard, à différé.
En Chine, 71,5% des soignants présenteraient des symptômes de détresse post-traumatique, 35% à un niveau maladif voire même 42% pour ceux en première ligne face au coronavirus.
En Chine, 71,5% des soignants présenteraient des symptômes de détresse post-traumatique, 35% à un niveau maladif voire même 42% pour ceux en première ligne face au coronavirus.

La donnée brute interpelle. Selon une étude chinoise parue le 23 mars dans le Journal of the American Medical Association (ou Jama) et menée entre le 29 janvier et le 3 février sur 1 257 soignants, ils sont dès cet instant 71,5% à afficher des symptômes de détresse post-traumatique. Sur des professionnels de santé au front face au coronavirus, ils "embolisent tout", commente le Dr Nathalie Prieto, psychiatre référente nationale des cellules d'urgence médico-psychologique (Cump) qui opère elle-même aux Hospices civils de Lyon (HCL, Rhône). Elle est intervenue ce 7 avril à l'occasion d'un premier retour d'expérience proposé par la Société française de médecine d'urgence (SFMU) et Samu-Urgences de France (SUDF) précisément sur cette question du soutien psychologique aux soignants. Côté symptômes, les soignants chinois font également état pour 50,4% de dépression, 44,6% d'anxiété et 34% d'insomnies. Ces éléments deviennent même pathologiques et donc maladifs s'agissant des troubles de stress post-traumatique, chez 35% des personnels voire 42% s'ils sont en première ligne face au Covid-19. Concernant, la dépression, l'anxiété et l'insomnie, les taux ici relatés sont respectivement à 14,8%, 12,3% et 7,8%. Certes, ces éléments sont "grossièrement" évalués, reconnaît la psychiatre, mais ils éclairent sur ce qu'il risque d'advenir en France.

Une enquête se penche sur la santé mentale des internes pendant la crise sanitaire

Amandine Le Blanc
| 08.04.2020


Le soutien psychologique pour les soignants pendant et après cette crise sanitaire est primordial. Et le cas des internes ne fait pas exception, bien au contraire.
En lien avec le Centre national d’appui, créé pour prévenir les risques psychosociaux chez les étudiants en santé, l’Intersyndicale nationale des internes (Isni) annonce la mise en place d’une équipe « pour organiser le réseau des structures d’appui aux étudiants en santé sur l’ensemble du territoire ». L’objectif est notamment de diffuser une liste des structures d’appui pour l’ensemble des régions, de se servir de l’expérience de celles déjà existantes pour soutenir celle en développement et de constituer un réseau de référents locaux. La liste des structures d’appui sera disponible sur l’espace Notion et le site du CNA. 

Voir son psy en période de confinement, c'est possible

Slate.fr

Daphnée Leportois — 

Lecture en confinement

ActuaBD

7 avril 2020


CONFINEMENT. Tout porte à croire que nous sommes « dans le dur » de la crise sanitaire. Le bilan provisoire a dépassé 70 000 morts à travers le monde, 4 milliards de personnes sont confinées, le nombre de malades continue d’augmenter même si cette hausse commence, à peine, à marquer le pas dans les principaux pays européens touchés. La sortie sera longue et ses conséquences probablement peu réjouissantes... Alors, accrochons-nous une fois encore à la lecture et à l’art : cela apporte un peu de lumière dans le tunnel.
Comme beaucoup de pensionnaires d’institutions de santé, les artistes de La « S » Grand Atelier sont particulièrement touchés par le Covid-19. C’est une raison supplémentaire, mais dont nous nous serions bien passés, pour découvrir leur travail que l’on peut ranger du côté de l’art brut - classification aussi large que réductrice, chaque artiste ayant son histoire, sa personnalité et son œuvre.
Lecture en confinement #22 : "OR BOR" 1 à 4 - Par Annabelle Dupret - Éditions IMAGEs / La "S" Grand Atelier
© Pascal Leyder/ Annabelle Dupret / IMAGEs / La S Grand Atelier 2019
Annabelle Dupret, fondatrice des Éditions IMAGEs, avec le soutien d’Anne-Françoise Rouche, directrice de La « S », et la complicité de Justine Müllers et Lorenz Ohrmer, propose grâce à sa revue OR BOR une porte d’entrée très accessible dans le travail de quelques-uns des artistes déficients mentaux accueillis par l’association de Vielsalm. Chaque numéro - le premier date de la fin de l’année 2019 - est constitué d’une feuille format A2 faisant office à la fois de poster et de dépliant et se consacre à un seul artiste, à rencontrer à travers quelques images, un article et une notice biographique.
Le premier numéro est dédié à Gabriel Evrard, dessinateur compulsif et presque hypermnésique. Il puise son inspiration dans le culture pop - cinéma, dessin animé, musique, télévision - et griffonne avec acharnement. Privilégiant le stylo à bille, il fait naître des figures expressives et des personnages tordus qui relèvent autant du totémisme que du recyclage rageur.

Olivier Véran valide les cinq premières mesures d'un plan d'urgence contre l'isolement

Publié le 08/04/20

Deux semaines après avoir été chargé d'une mission sur l'isolement social des âgés pendant l'épidémie de Covid-19, Jérôme Guedj rend sa copie, première pierre d'un plan d'urgence avec déjà cinq mesures validées par le ministre de la Santé. De nouvelles solidarités sont attendues tout comme un plan d'action territorial.
La mission d'urgence pour lutter contre l'isolement des personnes âgées poursuit son travail pour ancrer durablement de nouveaux modes de solidarité.
La mission d'urgence pour lutter contre l'isolement des personnes âgées poursuit son travail pour ancrer durablement de nouveaux modes de solidarité.

Missionné le 23 mars, Jérôme Guedj a remis le 6 avril à Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé un premier rapport contenant 42 propositions pour lutter contre l'isolement des âgés, exacerbé par l'épidémie de Covid-19 et le confinement obligé (lire notre article). Dans ce dossier, tout semble aller très vite. À peine les premières conclusions posées et diffusées publiquement, Olivier Véran annonce par communiqué cinq recommandations présentées comme étant d'ores et déjà validées (lire encadré ci-dessous).

Un isolement social à combattre

Leur mise en œuvre doit permettre d'engranger le plan de mobilisation nationale contre l'isolement proposé à plus long terme par Jérôme Guedj. Le nom rappelle étrangement au passage celui de la démarche Monalisa* lancée en 2014 par Michèle Delaunay, alors ministre déléguée aux Personnes âgées et à l'Autonomie dans le cadre de la loi d'adaptation de la société au vieillissement. Actuellement l'heure n'est pas encore à une nouvelle loi mais à gérer l'urgence et tout particulièrement les conséquences désastreuses pour les plus âgés du confinement. De nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer cette problématique en attendant les conclusions de la mission de l'ancien parlementaire (lire nos articles ici et ).

Profiter de cette crise pour repenser l'économie de demain

L'INVITÉ(E) DES MATINS par Guillaume Erner
Le 08/04/2020

Sortir de la crise liée à l’épidémie de COVID-19 en garantissant une sécurité sanitaire, écologique, sociale et économique. Voilà les propositions de l’ONG WWF pour préparer la reprise économique. Ce scénario relève t-il de l'utopie ? Pour le savoir, Eloi Laurent est l'invité des Matins.
Doit-on profiter de cette crise pour repenser l’économie de demain ?
Doit-on profiter de cette crise pour repenser l’économie de demain ? Crédits : Andriy Onufriyenko - Getty
L’épidémie de COVID-19 continue d’asphyxier l’économie mondiale. Le Ministre de économie et des finances Bruno Le Maire expliquait récemment que la France va vraisemblablement connaître la pire récession de sa croissance depuis 1945. Outre-Atlantique, les Etats-Unis enregistrent une hausse record du taux de chômage grimpant au mois de mars à 4,4 %, sa plus forte hausse sur un mois depuis janvier 1975. Les chefs d’États sont montés au créneau ces dernières semaines pour annoncer des plans de relance qui ne masquent pas l’inquiétude d’une crise économique brutale. La croissance doit-elle passer obligatoirement par des indicateurs économiques ? Sommes-nous d’ores et déjà en train de reproduire les erreurs des crises précédentes ?
L’économiste à l’OFCE et auteur du livre « Sortir de la croissance : mode d’emploi » aux éditions Les Liens qui Libèrent, Éloi Laurent est l’invité des Matins.

Coronavirus N’espérez rien des huiles essentielles et compléments alimentaires

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Publié le : 10/04/2020 

Que ce soit pour purifier l'air intérieur ou renforcer ses protections contre le coronavirus, inutile de se fier aux remèdes naturels (huiles essentielles, compléments alimentaires, etc.). Même s'ils sont activement promus, ils n'ont pas fait leurs preuves.
En période de pandémie, la crainte d'être contaminé par le coronavirus SARS-Cov-2 est grande. Certains vendeurs d'huiles essentielles, compléments alimentaires et autres probiotiques ont profité de l'aubaine pour proposer leurs différents produits censés renforcer les défenses immunitaires, aider à gérer le stress ou encore purifier l'intérieur. Certaines pharmacies elles-mêmes se livrent à de telles pratiques (voir photo ci-dessous). Faut-il croire à cette communication qui cible le confinement et l'épidémie de Covid-19 ?
Coronavirus huiles essentielles complements alimentaires pure essentielle
Ce présentoir de pharmacie propose différents moyens de se protéger du Covid-19, parmi lesquels huiles essentielles, propolis et vitamines. Leur efficacité n'a pas été démontrée.
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mercredi 8 avril 2020

Yuval Noah Harari : « Le véritable antidote à l’épidémie n’est pas le repli, mais la coopération »

L’auteur de « Sapiens. Une brève histoire de l’humanité », rappelle que l’humanité est parvenue, au cours du dernier siècle, à faire reculer l’impact des épidémies.

Publié le 5 avril 2020



A l’hôpital Walter Reed à Washington, pendant l’épidémie de grippe qui a infecté un tiers de la population mondiale, ici en novembre 1918.
A l’hôpital Walter Reed à Washington, pendant l’épidémie de grippe qui a infecté un tiers de la population mondiale, ici en novembre 1918. LIBRARY OF CONGRESS / AP

Tribune. Face à l’épidémie due au coronavirus, beaucoup accusent la mondialisation et prétendent que le seul moyen d’éviter que ce scénario se reproduise est de démondialiser le monde. Construire des murs, restreindre les voyages, limiter les échanges. Et pourtant, si le confinement, à court terme, est essentiel pour freiner l’épidémie, l’isolationnisme, à long terme, provoquerait un effondrement de l’économie sans offrir aucune protection contre les maladies infectieuses. Au contraire. Le véritable antidote à l’épidémie n’est pas la ségrégation, mais la coopération.
Les épidémies ont tué des millions de gens bien avant l’ère de la mondialisation. Au XIVe siècle, il n’y avait ni avion ni bateaux de croisière, ce qui n’a pas empêché la peste noire de se répandre de l’Extrême-Orient à l’Europe occidentale en guère plus de dix ans, tuant au moins un quart de la population. En 1520, au Mexique, il n’y avait pas de trains, pas de bus et pas même d’ânes, et, pourtant, une épidémie de variole a décimé en six mois à peine un tiers de ses habitants. En 1918, une souche particulièrement virulente de grippe parvint à se répandre en quelques mois jusque dans les coins les plus reculés de la planète. Elle contamina plus d’un quart de l’espèce humaine et causa la mort de dizaines de millions de personnes en moins d’une année.
« La meilleure défense dont les hommes disposent contre les pathogènes, ce n’est pas l’isolement, c’est l’information »
Au cours du siècle qui a suivi, l’humanité est devenue encore plus vulnérable aux épidémies par l’effet combiné d’une amélioration des transports et d’une croissance des populations. Aujourd’hui, un virus peut voyager en classe affaires à travers le monde en 24 heures et infecter des mégapoles. Nous aurions donc dû nous attendre à vivre dans un enfer infectieux où des fléaux mortels se seraient répandus les uns après les autres.
Or, l’ampleur et l’impact des épidémies ont, en réalité, considérablement diminué. Malgré des virus abominables comme le VIH ou Ebola, jamais depuis l’Age de pierre les épidémies n’ont causé aussi peu de morts, en proportion, qu’au XXe siècle. C’est parce que la meilleure défense dont les hommes disposent contre les pathogènes, ce n’est pas l’isolement, c’est l’information. L’humanité a remporté la guerre contre les pathogènes parce que, dans la course aux armements à laquelle se livrent les pathogènes et les médecins, les pathogènes comptent sur des mutations aveugles et les médecins sur des analyses de données scientifiques.

Coronavirus. Etienne Klein : "Enfin savoir où on habite"

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(Crédits : Hamilton / Réa)
LE MONDE D'APRES Le temps "ralentit", "freine", "est suspendu", "s'interrompt". De nouveau, une fois la période de confinement parachevée, il reprendra sa "frénésie", sa "course contre la montre", il exercera de nouveau son pouvoir, jouissif ou démoniaque, "d'accélération"... Ce moment de double claustration spatiale et temporelle, chez qui donc ne soulève-t-il pas de sentiment extatique ou angoissé, n'insuffle-t-il pas de telles expressions traduisant espérance ou résignation, fatalisme ou harangue ? Et pourtant, comme l'explique le physicien et philosophe des sciences Etienne Klein dans cette lumineuse leçon sémantique, il n'y a pas là d'enjeu, puisque "une minute fait toujours soixante secondes", que l'on soit assis dans un avion de chasse, sur une bicyclette ou dans un fauteuil. Notre relation au temps est en réalité perception, que définit maladroitement ou imparfaitement le contenu, l'impression du contenu dispensé dans cet espace temps. Et en découle "LA" question cardinale, à laquelle chacun est, dans ce moment de confinement, dans ce "pas de côté intérieur", comme jamais confronté : que "fais-je" de mon temps, "moi qui suis chez moi mais ne sais plus où j'habite" ? Peut-être est-il temps, invite Etienne Klein, de consacrer son temps à explorer les trésors, mésestimés, même pourchassés par la tyrannie utilitariste, d'un temps injustement arrimé à l'inutilité : celui de l'ennui, ce "loisir non chronométrique" sous l'écorce duquel germine l'opportunité, rare, de s'explorer, de se démasquer, de se déshabiller, de serpenter sans hâte dans les interstices de sa conscience, de découvrir ou d'exhumer une créativité, une inspiration, une disposition émotionnelle, une faculté empathique insoupçonnées ou enfouies. "En ces temps de confinement, l'expérience spirituelle d'un certain vide ressemblerait-elle à un alpinisme de l'âme ?", "nous" questionne-t-il.


On a l'habitude de dire que la différence entre l'espace et le temps tient en ce que nous pouvons nous déplacer librement à l'intérieur du premier, c'est-à-dire l'arpenter à notre guise (du moins en principe), alors que nous ne pouvons pas changer volontairement notre position au sein du second. L'espace nous est ainsi présenté comme le lieu de notre liberté, et même comme son symbole le plus éloquent, tandis que le temps serait une étreinte vis-à-vis de laquelle nous ne pouvons être que passifs : nous sommes temporellement "embarqués", comme eût dit un certain Blaise. Cela a une conséquence importante, de portée philosophique : notre liberté, si tant est qu'elle existe vraiment, n'est pas légère comme la grâce, car nous sommes irrémissiblement enchaînés au présent, confinés en un point de la ligne du temps, un seul à la fois.
Le temps, mine de rien, est une prison sans barreaux à lui tout seul.
Mais, comme chacun d'entre nous l'éprouve en ces jours si particuliers, notre expérience du confinement lié au petit coronavirus modifie à l'évidence les rapports que nous entretenons avec l'espace et avec le temps. Nous parlons de cette assignation à résidence collective comme si elle était une affaire exclusivement temporelle : "combien de temps cela va-t-il diantre durer ?", nous demandons-nous. Alors que, concrètement, elle s'impose d'abord et surtout comme un phénomène spatial ; notre espace vital, soudain borné par quelques murs trop proches, se trouve radicalement rétréci. D'un coup de gong, nos logements se sont métamorphosés en cages.
Y compris dans la vie de ceux qu'elle n'a pas directement touchés, l'épidémie se montre ainsi pour ce qu'elle est : une "étrange tyrannie", selon les justes mots d'Albert Camus, devenu à l'évidence notre plus grand contemporain. Car nous voilà tous doublement confinés : dans le temps présent, comme d'habitude, et aussi, en plus, dans un petit volume d'espace, devenu lui aussi, pour le coup, une prison.

Comment ne pas devenir fou avec René Descartes

RADIOGRAPHIES DU CORONAVIRUS

06/04/2020


Les philosophes en crise |Vous qui lisez ces lignes, êtes-vous sûr que vous n’êtes pas en train de rêver ? Vérification avec Adèle Van Reeth qui nous raconte comment, à 44 ans, Descartes vit un moment de crise : il remet tout en question. Existe-t-il une vérité infaillible ? Et si tout n'est que doute, alors tout s'effondre ? Armé d'un peignoir, isolé devant un feu de cheminée, il médite sur la vie, remet en cause les fondements mêmes de la pensée, et bouleverse l'histoire de la philosophie avec son "Je pense donc je suis."

Comment ne pas devenir fou avec René Descartes
Comment ne pas devenir fou avec René Descartes Crédits : CSA-Printstock - Getty

Comment ne pas devenir fou ? Moi qui ne vois plus personne hormis par écran interposé, comment être sûre que j’existe encore ? Que les autres ne sont pas des pantins ? Et que je ne suis pas moi-même en train de disparaître ?

Le risque de l’effondrement

Descartes a 44 ans lorsqu’il prend la question au sérieux. Pendant quarante-quatre années, il a, comme tout le monde, appris à parler, à compter, à lire, à écrire, et à réfléchir. Mais depuis quelques temps, il s’est rendu compte que parmi les choses qu’on lui avait enseignées, ou qu’il tenait pour acquises, se trouvaient beaucoup de fausses opinions.

Par exemple : comment être sûr que ce que je vois ou ce que j’entends est vrai ? Ne vous est-il pas arrivé mille fois de prendre une chose pour une autre ? De vous tromper de personne, de confondre une voix avec une autre ? Et il en va de même pour tous les sens. Descartes s’interroge, et se demande s’il existe un type de vérité qui serait absolument infaillible. C’est une question de survie : et s’il découvrait que rien, absolument rien, ne résiste au doute ? Alors le sol s’effondrerait sous ses pieds, et en plein siècle baroque où les peintres et les auteurs multiplient les jeux de perspectives et jouent à égarer le public et à perdre le lecteur, c’est la philosophie toute entière - et avec elle, la raison humaine - qui seraient englouties dans le précipice du doute.

Méditer pour mieux se transformer ?

Descartes se sent prêt à regarder en face la possibilité de devenir fou. À quarante ans passés, l’heure n’est plus au coup de tête adolescent : il estime que son esprit est assez mature pour organiser une cellule de crise au cœur de sa raison.

Caroline Eliacheff : "Les gens ont des ressources, parfois des ressources qu'ils ne connaissaient pas"

Le 06/04/2020

Peut-on en sortir grandi, tant individuellement que collectivement ? Pour en parler nous recevons Caroline Eliacheff, pédopsychiatre et psychanalyste.

La vie confinée soulève le problème de l'isolement et de la perception de la pandémie
La vie confinée soulève le problème de l'isolement et de la perception de la pandémie Crédits : sestovic - AFP

Les épreuves communes peuvent aussi révéler le meilleur, comme l’ont prouvé de nombreuses inventions collectives. Les applaudissements de 20h pour soutenir les soignants, la confection artisanale de masques, l’adaptation de l’activité de certaines entreprises... Elles mettent en lumière la plasticité ainsi que la résilience dont peut faire preuve l’être humain.

Caroline Eliacheff : "Parents, foutez la paix aux enfants !"

06/04/2020


Tandis que le débat sur l'école à la maison mobilise la communauté éducative, la psychanalyste Caroline Eliacheff, invitée des "Matins", bouscule le discours dominant sur le défi imposé aux parents de faire la classe : selon elle, la qualité de la relation parent/enfant doit passer avant le reste.

 Crédits : RichVintage - Getty

Ecole à la maison, comment faire ? Et comment faire au mieux ? Cette question, depuis que les écoles sont fermées en raison de l'épidémie de Covid-19, tous les parents, mais aussi les spécialistes de l'éducation, les enseignants et les psychologues se la posent. Le défi que représente l'encadrement des devoirs scolaires par des parents qui n'y sont pas préparés engendre dans de nombreuses familles une source de stress supplémentaire en cette période où le confinement met déjà les relations intra-familiales à rude épreuve. Au risque d'aggraver souvent des tensions déjà existantes, notamment avec les adolescents. A rebours des discours qui imposeraient à tous les parents de faire toujours plus et toujours mieux quels que soient leurs moyens, voire de se substituer aux enseignants, la pédopsychiatre et psychanalyste Caroline Eliacheff, invitée des Matins de France Culture au micro de Guillaume Erner ce lundi, vient faire entendre un discours dissonant, afin de déculpabiliser les parents, de rendre à chacun la fonction qui lui incombe, et de remettre en tête de la liste des priorités la qualité de la relation entre parents et enfants.
En tant que pédopsychiatre et psychanalyste, que pensez-vous du dispositif qui a été mis en place depuis le début du confinement et qui demande aux parents d'encadrer le travail scolaire de leurs enfants ?
Caroline Eliacheff : Pour les parents qui peuvent s'y consacrer facilement, ou qui arrivent à le faire sans trop de difficultés, pourquoi pas ? Mais je voudrais dire aux parents que, s’ils n’y arrivent pas, s’ils s’énervent, il vaut mieux lâcher l’école plutôt que d’engueuler ses enfants. Les parents ne sont pas des maîtres, et encore moins des maîtres d’école. Et je pense qu'ils ont autre chose à faire que de faire la classe. Dans cette situation de confinement, c’est avant tout la qualité de la relation avec l’enfant qui doit être privilégiée. Et passer avant les devoirs scolaires. C’est pourquoi j’ai envie de dire "Foutez la paix aux enfants !"