En faisant écran à nos désirs profonds, la quête de l’égalité pourrait entraver celle du bonheur.
Il arrive qu’un livre intéresse autant pour sa thèse iconoclaste que pour la richesse des critiques qu’il suscite. Tel est le cas du bref mais polémique « De l’inégalité », de l’Américain Harry Frankfurt. Comme le résume l’économiste Robert Frank dans The American Interest, le nouvel essai du philosophe de Princeton s’attache à démontrer que « l’égalité n’a en soiaucune signification morale ». Frankfurt se livre, pour le prouver, à un raisonnement par l’absurde : imaginons un monde où tous seraient pauvres, mais parfaitement égaux. Ce monde nous semblerait-il plus désirable que celui où nous vivons ? Non ? C’est que l’inégalité n’est pas le vrai problème. On peut regretter que les disparités soient héritées ; on peut déplorer et vouloir corriger leurs conséquences négatives, comme la captation de la démocratie par des intérêts privés. Mais en elle-même, l’inégalité est moralement neutre.