Depuis le début du XXe siècle, les adversaires de l’égalité hommes-femmes reprochent aux féministes de nier la différence des sexes. L’historienne Christine Bard estime, dans un entretien au « Monde », que cette vision naturaliste est, aujourd’hui encore, très présente dans les discours de l’extrême droite et des populismes ultra-conservateurs.
Christine Bard, spécialiste de l’histoire des femmes et du genre, est professeure d’histoire contemporaine à l’université d’Angers. Avec ses collègues Mélissa Blais, sociologue à l’université de Genève, et Francis Dupuis-Déri, politiste à l’université du Québec à Montréal, elle a dirigé l’ouvrage collectif Antiféminismes et masculinismes d’hier à aujourd’hui (PUF, 510 pages, 24 euros), qui analyse les différentes formes d’expression de l’antiféminisme, du XIXe siècle à nos jours. Christine Bard a codirigé avec Frédérique Le Nan l’ouvrage Dire le genre. Avec les mots, avec le corps (CNRS éditions, 304 pages, 24 euros).
De Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865) à La Manif pour tous en passant par l’Action française ou les mouvements familialistes-natalistes de l’entre-deux-guerres, les différents chapitres montrent la pluralité de ces contre-mouvements, qui ont la particularité de s’inscrire dans un large spectre politique. Ce livre, qui interroge en creux les ressorts de la domination masculine, a aussi pour ambition d’inciter le monde universitaire à s’intéresser davantage à ce phénomène en pleine expansion.
Les masculinismes et les antiféminismes sont-ils, selon vous, des idéologies ?
L’antiféminisme désigne un mouvement de pensée et d’action assez difficile à circonscrire car il s’exprime, de manière non autonome, au sein de différents courants philosophiques, politiques ou culturels. C’est tout de même une idéologie dans le sens où il propose une interprétation du monde social à travers une certaine lecture des relations entre les sexes.