Agen. Détenus: vers une psychiatrie à visage humain
hôpital la candélie
Gérer la maladie mentale en prison n'est pas une mince affaire d'autant que des facteurs de polytoxicomanie, de sevrage substitutif ou de manque corsent le phénomène, rendant la cohabitation en milieu carcéral, complexe. Une problématique qui se heurte également à la promiscuité, à des cellules saturées jusqu'à six détenus et plus.
Aussi le Centre hospitalier departemental (CHD) la Candélie est régulièrement appelé à la rescousse par la maison d'arrêt d'Agen et le centre de détention d'Eysses pour gérer des détenus en phase de crises aiguës, en proie à des épisodes suicidaires ou des bouffées délirantes… 20 % de la population carcérale souffrent de maladies psychiatriques lourdes : « Des psychopathes à la base avec des troubles de la personnalité associés qui deviennent psychotiques. Des pathologies de plus en plus compliquées et aggravées par la prise de substances illicites, ce qui pose des soucis de prise en charge », explique le docteur Fabien Aubat, chef de pôle à la Candélie et expert psychiatre respecté près la cour d'appel d'Agen.
« ÉTHIQUE DE SOINS »
Des patients accueillis dans des conditions qui sont loin d'être idéales, admet spontanément la direction de la Candélie, pointant l'enfermement, l'absence de parloirs, de détecteur de métaux, sans compter les répercussions sur les autres résidents pris « en otage » dans des pavillons verrouillés qui abritent les fameuses chambres d'isolement. Une demande constante auprès d'un hôpital qui a bien conscience de ses limites. Deux fugues récentes de personnes « sous main de justice » sont là pour rappeler que le système a des failles. Sans parler du potentiel de dangerosité de fugitifs psychotiques», s'inquiète le docteur Aubat.
UNITÉ SÉCURISÉE ET OUVERTE
Une situation à risques qui aurait dû faire décréter un état d'urgence et bouger les lignes. « Les détenus sont confinés dans des chambres d'isolement de 9 m2, ce qui est inhumain, intenable et indigne de notre éthique de soins », s'emporte ce psychiatre qui précise que les patients vivent l'enfer durant plusieurs semaines et demandent à retourner en détention.
Responsable de la coordination des soins aux détenus, cet éminent spécialiste plaide depuis 12 ans déjà pour qu'une structure plus vaste (un périmètre sécurisé) soit enfin aménagée, offrant terrain de sports, espaces de déambulation à l'air libre. Un bâtiment « à l'architecture intelligente qui serait construit dans l'enceinte de la Candélie qui dispose de réserve foncière et qui ne ressemblerait pas à l'univers carcéral clos », préconise le porteur du projet. Une unité sécurisée de soins intensifs en psychiatrie, une USIP, émanation décentralisée de l'UMD (unité de malades difficiles) qui compte à peine 4 structures en France. Un lieu d'une dizaine de lits dédié aux soins et à l'évaluation de détenus, mais aussi à l'admission de patients médico-légaux (déclarés irresponsables) ayant agi en état d'aliénation mentale lors d'homicides et pour des malades ponctuellement dangereux ou agités.
Le dossier est pris très au sérieux. Pour preuve, il figure comme projet prioritaire de la commission médicale d'établissement. Un comité de pilotage planche sur la question avec une ouverture espérée à l'horizon 2 014. Une unité qui reste subordonnée à la recherche fructueuse de partenariats et de financements d'État.
Appelée à accueillir de manière constante des détenus souffrant de troubles psychiatriques, la Candélie envisage de créer au plus vite une unité sécurisée à visage humain.
« Le but est de faire sortir les détenus dans cet espace sécurisé, leur apporter de l'humanité. La situation actuelle est scandaleuse. »
Le chiffre : 22
évasions > de patients. Ou sorties sans autorisation (tous profils confondus) en 2011 contre 31 fugues en 2010.
« suivis de la prison à la liberté recouvrée »
Dans l'idée du Dr Aubat, la structure qu'il voulait novatrice à l'origine, aurait pu prendre la forme d'un pôle d'action de soins prodigués à la fois en détention (même si des consultations y sont assurées par un psychiatre, des psychologues et des infirmiers de secteurs), mais aussi proposer un suivi des anciens détenus à l'extérieur et la mise en œuvre des obligations de soins. Un projet ambitieux adossé à la formation des personnels soignants amenés à faire face à la violence et à la dangerosité. Ce médecin a été le premier à soulever le problème, douze ans en arrière : « Résultat, il existe une USIP au fin fond de la Corrèze et toujours pas chez nous ».