Par Hélène Jouan
Publié le 7 avril 2023
A la fin de l’année, 8 % des Québécois décédés devraient avoir eu recours à l’aide médicale à mourir, autorisée par la loi depuis 2014, au terme d’une longue délibération collective. De nombreuses personnes atteintes d’une maladie incurable et invalidante sollicitent ce « soin ultime », qui donne le droit au médecin, et à lui seul, d’administrer une solution létale. Dans la province canadienne, la démarche est entrée dans les mœurs. En France, la convention citoyenne sur la fin de vie vient tout juste de rendre son avis sur cette question sensible.
« L’éternité, ça ne va pas être un peu long ? Que vais-je faire de tout ce temps ? » A quelques jours de sa mort, programmée en juillet 2022, Ghislaine Lemay, 86 ans, appréhendait le calme à venir. Dans sa coquette maison de Québec, le monde s’était mis à vibrionner autour d’elle : ses filles s’activaient afin de s’assurer que la trousse médicale des trois piqûres requises pour dispenser l’aide à mourir arrive à temps, ses petits-fils aménageaient sa chambre pour qu’à l’heure dite toute la famille y trouve sa place, ses plus anciennes amies se pressaient autour de son lit pour partager un dernier verre et leurs souvenirs. Ses arrière-petits-enfants, enfin, la couvraient de dessins, lui souhaitant un « bon voyage au paradis ». « Malgré ses interrogations, ma mère n’a jamais flanché ni paniqué, se souvient, quelques mois après son décès, sa fille Geneviève Gagné, 62 ans, qui l’accueillait chez elle depuis vingt ans. Quand elle a su qu’elle était autorisée à partir, elle est même devenue euphorique. »