Dans «l’Usage du vide», le philosophe fait l’éloge du «wuwei», concept taoïste intraduisible qui, à contre-courant de l’agitation volontaire et du sens de l’effort valorisés dans nos sociétés, prône de ne rien faire pour réussir, de ne pas chercher pour trouver. Aussi bien le sommeil que la grâce, le bonheur, l’amour. A mettre en œuvre en temps de confinement ?
A deux semaines du déconfinement, le directeur du laboratoire Pasteur-TheraVectys, Pierre Charneau, affirme avoir développé un test de sérologie qui permet d’identifier les individus protégés du Covid-19. Il pourrait être rendu accessible aux particuliers après le feu vert des autorités.
Depuis le début de la pandémie, un spectre hante l’avenir de façon insistante: celui de la poursuite et du renforcement des politiques des morts-vivants ragaillardies par la crise du COVID. Un exemple avec la réforme du financement de la psychiatrie.
Depuis le début de la pandémie, nous sentons à quel point notre présent est indéterminé et notre capacité à penser la suite est fluctuante.
Tout au long de ces semaines confinées, un spectre hante l’avenir de façon insistante : que les politiques des morts-vivants d’aujourd’hui se poursuivent et se renforcent, ragaillardies par la crise du COVID.
Nous le disions dans un précédent billet : la psychiatrie est sensible aux catastrophes. S’y côtoient le pire et le meilleur. Et nous concluions qu’il ne tenait qu’à nous, collectivement, de faire pencher la balance pour le second terme.
Or, le pire se propage.
Rappelons nous de ce directeur général de l’ARS Grand Est qui dit tout haut ce que les autres font plus bas : les lits qui doivent poursuivre leur inexorable fermeture… Ce directeur a été limogé mais pas d’inquiétude, il pourra encore faire des rapports accablants au sein de l’IGAS avec ses compères.
Rappelons nous de la direction d’un grand hôpital psychiatrique lyonnais qui continue sa politique de fermeture de lits pour éponger le déficit de son hôpital, comme si de rien n’était, comme si nous n’étions pas dans un autre temps. A contrario du directeur de l'ARS Grand Est, le directeur de cet établissement n'est toujours pas limogé pour ces pratiques déjà effectives. Comble de l'absurde, il est même le président de l'association des directeurs des établissements psychiatriques (ADESM) et il se félicite de la réforme du financement de la psychiatrie. Dans ce contexte, il est utile de nous rappeler du courage des personnels de cet hôpital qui viennent de réaliser une action coup de poing pour dénoncer cette infamie.
Un coup de fil et un témoignage fort. Gaëtan* est soignant dans un des Établissements publics de santé mentale (EPSM) du Nord. Il s'inquiète. Alors que la France vit confinée et qu'il travaille au contact de patients, interdiction lui a été faite de porter un masque par sa direction.
"On nous interdit de porter des masques, qu'ils soient chirurgicaux ou FFP2. Ils nous avaient d'abord expliqué que c'était une question de gestion des stocks, mais parallèlement, ils nous interdisent de porter nos masques personnels sous prétexte que ça créerait de l'inégalité entre les soignants", déplore-t-il.
Une situation que confirme Emma*, aussi soignante dans l'un des EPSM. "On nous empêche clairement de porter des masques alors que selon nos échos, l'EPSM en a en stock". Contactée à plusieurs reprises, la directrice des EPSM de Lille métropole et des Flandres n'a pas souhaité répondre à nos questions.
D'habitude en psychiatrie, les patients, petits et grands, viennent chercher un lieu accueillant, parce qu'ils ont été éjectés ou se sont éjectés de toutes les autres institutions, en premier lieu celle du langage. Ils connaissent la distanciation sociale en permanence, et comptent sur des structures de soin pour essayer de parler, serrer des mains, faire un collectif, au moins à quelques-uns. Les «gestes barrières» et le confinement ont brutalement obligé les soignants à faire tout le contraire.
Psychiatre et chef du pôle de psychiatrie adulte d’Asnières (Hauts-de-Seine), Mathieu Bellahsen s’inscrit dans une filiation avec les fondateurs de la psychothérapie institutionnelle, dont le principe est qu’il faut prendre soin d’une institution qui se donne pour tâche de soigner. Quand je lui ai demandé ce que le confinement avait changé dans sa pratique, le Dr Bellahsen m’a répondu : « On fait juste l’inverse de ce qu’on fait d’habitude. » C’est ce qu’il appelle une nouvelle forme d’antipsychiatrie : « Une antipsychiatrie « covidienne », qui nous impose de revenir en arrière sur tout ce que nous considérons comme possiblement thérapeutique en psychiatrie. » Les patients doivent en effet rester dans leur chambre et les visites des proches ont été suspendues. La connexion WiFi est passée en libre accès et les entorses à la loi Evin ont été officialisées : les patients sont autorisés à fumer dans leur chambre accompagnés d’un soignant.
Dans l’unité d’hospitalisation comme dans les structures ambulatoires, Mathieu Bellahsen privilégie les groupes de parole qui réunissent les soignants et les patients. Les décisions concernant la vie du service sont prises en concertation. Quand ils ne sont plus hospitalisés, les patients peuvent se rendre au centre médico-psychologique (CMP), en ville, pour aller voir leur psychologue. Il y a aussi le centre d’accueil thérapeutique à temps partiel (CATTP), qui, à Asnières, comprend notamment une webradio, Radio Sans Nom, et un journal, Et tout et tout.
LES SOIGNANTS FACE AU CORONAVIRUS, épisode 32. Le Dr Noël Pommepuy est pédopsychiatre et chef de service à Ville-Evrard. Chaque jour, un soignant témoigne dans « les Echos ».
« Comme nous sommes dans un département, la Seine-Saint-Denis , très touché par l'épidémie, nous avons très vite eu des patients atteints de coronavirus jusqu'à devenir l'établissement psychiatrique le plus touché de France.
Mais notre discipline n'était pas prioritaire pour les autorités de santé : nous étions classés en troisième ligne derrière les unités Covid, les CHU et devant les Ephad. Nous n'avions pas de matériel de protection et aucune recommandation sur la conduite à tenir, mis à part l'obligation de fermer nos accueils de jour. Alors, nous avons tout de suite monté, au niveau national, un groupe ressource entre hôpitaux psychiatriques pour nous entre-aider.
Le confinement se poursuit. Malgré la réorganisation des équipes soignantes dans les CMP, le soutien des acteurs du médicosocial pour ceux qui en bénéficient, les tensions montent ainsi que les ruptures de soins. Votre quotidien d’aidants devient de plus en plus complexe. En cela, vos propos recoupent de nombreux articles parus dans les quotidiens de ces derniers jours. Blocage du processus d’autonomie de votre proche, angoisses qui flambent, un confinement qui vient augmenter les problématiques d’addiction et les situations d’incurie...autant de problématiques qui sont très lourdes à porter dans le contexte d’isolement social que nous vivons.
Les recommandations applicables à l’organisation des prises en charge en ambulatoirdans les services de psychiatrie et les établissements sanitaires autorisées sont sorties.
Entretien |Pour Philippe Moati, économiste à l'Université de Paris et co-fondateur de l'Observatoire Société et Consommation, la crise accentue le clivage entre deux manières de consommer : le "moins mais mieux" d'un côté, et la frustration de ne pas pouvoir consommer ce que l'on veut de l'autre.
Que va changer la crise du Covid-19 à nos manières de consommer ? Pour évaluer la portée de ces changements, L'Obsoco (l'Observatoire Société et Consommation) réalise depuis le début de la période de confinement des enquêtes qualitatives et quantitatives sur ce que consomment les personnes interrogées, mais aussi sur leur rapport à la consommation. Car ce que l'on achète dit beaucoup de ce que l'on est. Dans cette optique, à quoi ressemblera la société de consommation des "jours d'après" ? Entretien avec le co-fondateur de l'Obsoco, professeur d'économie à l'Université de Paris, Philippe Moati.
L’espace urbain est source de stress permanent pour les personnes souffrant de schizophrénie. Le chercheur Ola Söderström plaide pour l’élaboration de « plans urbains de santé mentale ».
Propos recueillis par Cécile PeltierPublié le 20 avril 2020
Ola Söderström enseigne la géographie sociale et culturelle à l’université de Neuchâtel (Suisse). Il est responsable depuis 2014 d’un programme de recherche sur l’expérience des jeunes psychotiques dans l’espace urbain.
Notre travail c'est de normaliser le fait de nous appeler : c'est normal d'avoir besoin d'évoquer une situation qui nous a fait monter en colère ou en stress avec un professionnel
Le Dr Laurine Aigreteau est psychiatre au sein de la cellule d'Urgence médicale-psychologique d'Indre-et-Loire.
Hier, elle se rendait à l'Ehpad du CHU de Tours L'Hermitage pour rappeler l'existence de la cellule psychologique aux soignants. "C'est important d'y aller maintenant pour dire aux soignants que même s'ils sont dans l'action il faut pouvoir se questionner sur ce qu'on ressent pour ne pas s'épuiser rapidement".
La peur de transmettre le virus à ses proches
Valérie Aubron est psychologue au Centre hosptalier de Tours. Elle est frappée par le nombre de ses collègues très angoissés par la crainte de transmettre le virus à leurs proches. "Ils ont besoin de parler des conséquences de cette crise qui dure sur leur vie personnelle."
Elle raconte : "Parfois, il y a des situations qui se compliquent parce que le conjoint ne comprend pas les angoisses du soignant qui a peur de ramener le virus à la maison. Alors le soignant s'isole pour ne pas contaminer sa famille. Cela a des répercussions psychologiques importantes parce que pour les soignants, leur famille est une ressource importante sur laquelle ils peuvent compter. "
Dépression, anorexie, troubles bipolaires, phobies, schizophrénie… Actuellement, 12 millions de Français souffriraient de troubles psychiques. Pourtant, les maladies mentales restent encore l’objet de préjugés tenaces qui stigmatisent les patients et les isolent à la fois socialement et professionnellement. Or, d’après les professionnels, changer le regard sur ces maladies permettrait d’agir positivement sur le rétablissement et l’intégration des malades.
Les chiffres font froid dans le dos : selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), un Européen sur quatre sera touché par un trouble psychique au cours de sa vie. En France, les maladies mentales, qu’il s’agisse de dépression, d’addiction, de bipolarité ou encore de schizophrénie, affectent « une personne sur cinq chaque année et une sur trois si l’on se réfère à la prévalence sur la vie entière », précise la fondation Fondamental. Très variées, ces pathologies se situent au troisième rang des maladies les plus fréquentes après le cancer et les atteintes cardiovasculaires. Parmi les principales prédominences observées, on peut citer l’anxiété généralisée (13 %), l’épisode dépressif (11 %) ou le syndrome d’allure psychotique (2,8%). Toutes se caractérisent par des troubles du comportement souvent associés à des problèmes cognitifs (difficultés de concentration, mémoire déficiente), s’accompagnent d’une grande souffrance psychique et perturbent la capacité des patients à s’adapter à leur environnement. Les conséquences sont parfois dramatiques : chaque année en France, environ 9 000 personnes se suicident et 200 000 attentent à leurs jours. Les jeunes, chez qui le suicide est la deuxième cause de mortalité, sont particulièrement touchés par les maladies mentales : dans plus de 70 % des cas, les premiers signes apparaissent entre 15 et 25 ans, et même avant 3 ans pour les troubles du spectre de l’autisme.
En première ligne dans la gestion de l’épidémie, les agences régionales de santé font face à diverses critiques. Enquête sur ces administrations contestées depuis leur création en 2010.
Pénurie de masques, médecins généralistes sans boussole, Ehpad en déshérence, difficultés dans le lancement des tests… Le coupable de tous les maux de la crise du Covid-19, pour les élus comme pour les soignants, est souvent tout désigné : les ARS. Il y a quelques semaines, ces trois lettres familières des professionnels du secteur l’étaient encore peu du grand public. Créées voilà dix ans, les Agences régionales de santé sont en première ligne de l’organisation sanitaire. Pour le meilleur, parfois. Pour le pire, aussi, si l’on en croit les critiques qui fleurissent.
« L’ARS est débordée, ça ne suit pas », cingle ainsi le maire (LR) de Reims, Arnaud Robinet. « L’ARS forme une élite qui ne rend de comptes à personne et qui prend des décisions technocratiques, loin des besoins concrets des territoires », railleSyamak Agha Babaei, médecin urgentiste à Strasbourg et élu écologiste. La charge est lourde, répétée, polyphonique, trouvant des artilleurs dans tous les partis, jusque dans la majorité. « Les ARS ont trop de pouvoir et ne sont pas soumises au contrôle parlementaire », ajoute Sacha Houlié, député (La République en marche, LRM) de la Vienne.
Boulets de la crise pour leurs contempteurs, les ARS sont plutôt un bouc émissaire, estiment d’autres voix. L’ancienne ministre de la santé Marisol Touraine (PS) joue les avocats de la défense. « Je suis frappée par cet “ARS bashing”. Je n’en comprends pas le sens ni les enjeux. Moi j’en ai un avis plutôt positif, même si on peut toujours s’améliorer. Elles ont fait au mieux dans cette crise. Je ne sais pas si elles étaient dimensionnées pour, mais rien ne l’était. Je trouve ces critiques excessives et injustes », juge-t-elle. « C’est facile de s’en prendre aux ARS. Elles font ce qu’on leur demande de faire. Les ARS, c’est l’Etat », constate quant à lui Thomas Mesnier, député LRM de Charente et urgentiste.