Par Bruno Jeandidier (Pédiatre à Aulnay-sous-Bois et à l'hôpital Jean Verdier à Bondy)
De tous temps, dans le domaine politique, l'homme attend le « grand soir » et apprend à ses dépens que cette quête, source d'espoir, s'entache souvent d'illusions voire de dérives tragiques. L'émergence au XXe siècle d'une médecine technico-scientifique a enfin permis à l'homme d'influer sur sa propre destinée en lui donnant les moyens, de maîtriser sa fécondité et les conditions de sa naissance, de modifier l'évolution spontanée de certaines maladies, et de retarder son trépas. La révolution génétique et le décryptage du génome entretiennent l'illusion de connaître l'homme en lui permettant de scruter le moindre recoin de son ADN, et engendre chez lui l'attente du « grand jour » où il deviendra ainsi totalement maître de sa destinée. L'homme n‘a pas encore conscience des limites de cette vision réductrice, des illusions des injustices et des dérives tout aussi tragiques qui découlent de cette vision. L'homme finit par être embarrassé par ses gènes.
Ma pratique pédiatrique a été profondément marquée par l'émergence de cette unité de mesure de l'homme, le gène, unité de mesure quantitative et qualitative qui voudrait définir la normalité. Le gène finit par me « gêner ».