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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

lundi 21 janvier 2019

«Jadis, la France était un royaume où les filles pouvaient hériter...»

Par Fabrice Drouzy et Sean James ROSE — 
A l'abbaye de Fontevraud, le gisant polychrome d'Aliénor d'Aquitaine.
A l'abbaye de Fontevraud, le gisant polychrome d'Aliénor d'Aquitaine. ActuaLitté / Flickr


L'universitaire Eliane Viennot revient sur la mise à l'écart des femmes au Moyen Age. Et la réécriture de l'Histoire par les clercs, inventeurs notamment de la fameuse Loi salique, censée régir les successions au trône.

Qui se souvient d’Amalaswinthe qui, au VIe siècle, régna sur l’Italie? De la guerre que se livrèrent Frédégonde et Brunehilde pour le contrôle du Royaume franc? De toutes ces reines mérovingiennes, carolingiennes, ottoniennes, qui gouvernèrent l’Occident ? Il fut un temps où les femmes partageaient le pouvoir et les responsabilités avec les hommes. Une réalité longtemps occultée, comme le décrypte l’historienne Eliane Viennot dans son livre la France, les femmes et le pouvoir. L’invention de la Loi salique (Perrin, 2006). Entretien.
Vos travaux montrent qu’entre le VIe et le XVIIe siècle de nombreuses femmes dirigèrent le pays…
En effet, il y a eu pendant longtemps des femmes au pouvoir. Cela commence à la première génération des rois francs, avec Clotilde, qui a dû régner une quinzaine d’années entre la mort de Clovis et l’entrée en scène de ses fils. Deux générations plus tard, on croise des femmes à la tête de parties du «Regnum» : Brunehilde et Frédégonde. Et puis c’est Nanthilde, la veuve de Dagobert, et puis Bathilde, l’épouse de Clovis II… En cas d’absence ou de déficience du roi, l’équipe au pouvoir n’hésitait pas à soutenir la reine, quel que soit son statut. A chaque succession, d’ailleurs, on observe des guerres entre héritiers et les reines sont liquidées au même titre que les rois. Dans l’empire d’Orient également, jusqu’au XIIe siècle, les femmes jouent un rôle de premier plan.

École de masculinité : bonne ou mauvaise idée ?


LES 400 CULS


(MISE À JOUR : )
Les garçons éduqués uniquement par des femmes pourraient-ils souffrir d’un trauma lié au manque du modèle masculin ? Sous prétexte que les garçons réussissent moins bien à l’école que les filles, les défenseurs la virilité prônent un retour à des pédagogies musclées.
En Russie, une École de la masculinité offre aux mères de transformer leurs garçons en vrais «hommes russes» à coup d’entraînements proto-militaire et d’initiations «à la vie» par des enseignants 100% mâles. «Selon l’un des fondateurs de cette école, la masculinité est “la capacité d’avancer sans égards pour la peur, la douleur ou d’autres obstacles”, mais elle est menacée par les mères russes. Trop de mères, dit-on, auraient élevé ou élèveraient seules leurs garçons […]. Les fils n’apprendraient pas à devenir de vrais hommes, car les mères les auraient élevés comme des filles, problème aggravé par l’école, où les femmes sont majoritaires dans l’enseignement primaire et secondaire. Selon Oleg Chagin, directeur de l’Institut de recherche d’anthropogenèse sociale, “l’hormone mâle” n’est plus produite dans ces conditions, ce qui entraîne une “perversion de genre”.»
«Les femmes, ça élève des filles»
Dans un ouvrage intitulé La crise de la masculinité, Francis Dupui-Déri, professeur de l’Université du Québec, fait «l’autopsie d’un mythe tenace» : quand les sociétés sont féminisées, les hommes perdent-ils leurs repères ? Souffrent-ils de ne plus être éduqués à se battre et à conquérir ? Prenons le cas de l’école russe, par exemple : que penser de son programme ? Il est basé sur un slogan simple, mis au point par Oleg Chagin : «Les femmes, ça élève des filles». Traduisez : «Les femmes ça fait des fiottes». «En partenariat avec l’École de la masculinité, il organise donc un camp d’été pour garçons où ceux-ci doivent se soumettre à des exercices physiques en tenue militaire et apprendre à lancer le couteau et à manier le fusil laser.» En 2015, un journaliste du Moscow Times enquête sur l’Ecole de la masculinité et révèle qu’Oleg Chagin a lui-même 13 enfants qu’il élève suivant des principes stricts : «Les mères sont des manipulatrices qui couvent leurs fils avec excès. Pour qu’un enfant devienne un homme, il faut créer des situations de stress. Si un homme arrête de se battre il devient un baba (poussin).»

Oxfam : «Les inégalités entre riches et pauvres sont un choix politique»

Par Christian Losson — 
Winnie Byanyima, directrice d'Oxfam International, en avril 2016 à Washington.
Winnie Byanyima, directrice d'Oxfam International, en avril 2016 à Washington. Photo Mandel Ngan. AFP .  

Pour Winnie Byanyima, directrice d’Oxfam International qui publie son rapport annuel sur les inégalités, le néolibéralisme économique est à la racine des titanesques disparités de ressources entre milliardaires et milliards de pauvres. La solution : taxer davantage les ultrariches pour financer les services publics.

Figure de proue de la défense des droits des femmes et de la gouvernance démocratique et de la consolidation de la paix, l’Ougandaise Winnie Byanyima est la ­directrice générale d’Oxfam International, qui publie ce lundi son rapport annuel sur les inégalités, et auquel Libération a eu accès.
RETROUVEZ ICI L’INTÉGRALITÉ DU RAPPORT D’OXFAM

Que nous apprend le rapport d’Oxfam  ?

Que les inégalités sont un choix politique. Les gouvernements ont aidé à créer la crise des inégalités. Ils peuvent y mettre fin.
Les nouvelles pistes de réflexions qui y ­figurent  ?
Primo : les inégalités sont hors de contrôle. Les fortunes de milliardaires ont augmenté de 2,5 milliards de dollars par jour en 2018 alors que des dizaines de milliers de personnes meurent chaque jour faute d’accès aux soins. Deuzio : les gouvernements sous-taxent les plus fortunés quand, dans le même temps, les services publics cruciaux, comme la santé ou l’éducation, s’effondrent faute de financement, affectant en premier lieu les femmes et les filles. Tertio : les gouvernements doivent faire en sorte que les plus nantis participent plus activement à la justice fiscale afin de mieux s’attaquer à la réduction de la pauvreté.

La joie maligne, ce plaisir coupable

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« Ne te réjouis pas de la chute de ton ennemi, et que ton cœur ne soit pas dans l'allégresse quand il chancelle », nous recommande la Bible. Et pourtant, Dieu sait que les mésaventures d’autrui sont une source infinie de réjouissances. C’est à ce sentiment légèrement mesquin, que l’on appelle « joie maligne » ou « joie mauvaise », que l’historienne britannique de la culture Tiffany Watt Smith consacre son dernier ouvrage. Son titre, Schadenfreude, vient d’un mot que les anglophones ont emprunté à la langue allemande et qui est construit à partir de schaden, « dommage », et freude, « joie ». « Watt Smith envisage la question dans la longue durée. Elle retrace l’existence à travers les âges et les cultures de ce sentiment sournois », commente Heller McAlpin dans The Los Angeles Times.

dimanche 20 janvier 2019

Enfants placés : « Face à cette honte nationale, nous avons la responsabilité d’agir »

L’Aide sociale à l’enfance est à bout de souffle et peine à remplir sa mission de protection, déclare, dans une tribune au « Monde », Lyes Louffok, ancien enfant placé et membre du Conseil national de la protection de l’enfance.
Par Lyes Louffok Publié le 18 janvier 2019

« Près de 300 000 mineurs, soit plus que toute la population de Nantes, sont pris en charge au titre de la protection de l’enfance. »
« Près de 300 000 mineurs, soit plus que toute la population de Nantes, sont pris en charge au titre de la protection de l’enfance. » CHARLIE ABAD / Photononstop

Tribune. Il se lève en France un vent d’indignation sur le sort que la République réserve aux plus faibles : les bébés, les enfants et les adolescents dont elle a la charge car leurs familles sont défaillantes ou maltraitantes. Près de 300 000 mineurs, soit plus que toute la population de Nantes, sont pris en charge au titre de la protection de l’enfance.
La lumière se fait enfin sur les difficultés de placement et sur des institutions parfois corrompues, où la sécurité et le bien-être des enfants sont secondaires. Violences, agressions sexuelles, insécurité, humiliations, défauts de soins et autres manques sont hélas récurrents dans le cadre d’une Aide sociale à l’enfance à bout de souffle.
Celle-ci sauve des vies, mais elle doit faire plus que cela. La France fabrique des générations d’enfants victimes plusieurs fois, à l’instar de ces enfants subissant des violences sexuelles dans les foyers et obligés de cohabiter avec leurs agresseurs, ou de ceux qui sont violentés dans leur famille d’accueil. Face à cette honte nationale, nous avons la responsabilité d’agir et des solutions existent, dont certaines ont déjà fait leurs preuves.

Candide aux Cordeliers par Pierre Sidon

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Le 29 septembre dernier aux Cordeliers, à l’occasion de l’anniversaire des trente ans de la mort de Jean Delay, a eu lieu un colloque intitulé : « Jean Delay aujourd’hui : Pour une éthique du décloisonnement entre psychanalyse, psychiatrie et neurosciences ». J’y étais.  

      Difficile de me souvenir… mais c’était justement à propos de la mémoire, je crois ! Un vieux monsieur, prix Nobel, un certain Éric Kandel, qui avait été psychiatre, évoqua son grand souci de l’avenir de la psychanalyse. Il avait bien connu la fille d’un célèbre psychanalyste… mais c'était aux États-Unis et c’était Kris. Cherchant l’inscription cérébrale de l’inconscient freudien, il avait, chemin faisant, dit-il, découvert certains mécanismes de la mémoire cognitive et de l’oubli. Selon lui, une seule voie de salut pour la psychanalyse : consentir à s’évaluer scientifiquement et localiser la causalité psychique dans le neurone. En bon conférencier américain, il amusa son public : pour entretenir sa mémoire, avant il nageait, désormais il marche – à cause d’une hormone qui vient des os, expliqua-t-il. C’est surtout ce qui me reste de son propos : il avait voulu nous faire marcher. 

     Bien que le colloque annonçât un rapprochement des neurosciences et de la psychanalyse, deux neuroscientifiques intervenaient à sa suite. Le premier, Raphaël Gaillard, regard glacé, responsable de la psychiatrie universitaire dans un CHU parisien, expérimente sur des souris kétaminées qu’il compare, paraît-il, à des humains schizophrènes. Ses théories complexes sur la conscience des rongeurs et la suppression des souvenirs s’appliqueraient à l'homme. Comme il a publié avec Stanislas Dehaene, qui préside le Conseil Scientifique de l’Éducation Nationale, il m’a fait un peu peur. Certes, il n’a pas dit que les humains sous kétamine ressemblent à des souris, mais j’ai réprimé une image horrible : nos enfants traités en rats de laboratoire. Le second, John-Dylan Haynes, plus chaleureux, a interagi avec le public, mais pas pour rire – il n’est pas américain – : il s’est s’étonné qu’une bonne moitié de l’assistance (à l’instar du grand public, note-t-il) ne croie pas à l’inscription cérébrale de l’esprit et qu’on puisse encore être dualiste. Il lit dans nos pensées à l’aide de l'IRM et espère, dans vingt ans, en savoir assez sur le libre-arbitre pour contrecarrer « 2500 ans de philosophie ». Candide aux Cordeliers par Pierre Sidon Le 29 septembre dernier aux Cordeliers, à l’occasion de l’anniversaire des trente ans de la mort de Jean Delay, a eu lieu un colloque intitulé : « Jean Delay aujourd’hui : Pour une éthique du décloisonnement entre psychanalyse, psychiatrie et neurosciences ». J’y étais. Difficile de me souvenir… mais c’était justement à propos de la mémoire, je crois ! Un vieux monsieur, prix Nobel, un certain Éric Kandel, qui avait été psychiatre, évoqua son grand souci de l’avenir de la psychanalyse. Il avait bien connu la fille d’un célèbre psychanalyste… mais c'était aux États-Unis et c’était Kris. Cherchant l’inscription cérébrale de l’inconscient freudien, il avait, chemin faisant, dit-il, découvert certains mécanismes de la mémoire cognitive et de l’oubli. Selon lui, une seule voie de salut pour la psychanalyse : consentir à s’évaluer scientifiquement et localiser la causalité psychique dans le neurone. En bon conférencier américain, il amusa son public : pour entretenir sa mémoire, avant il nageait, désormais il marche – à cause d’une hormone qui vient des os, expliqua-t-il. C’est surtout ce qui me reste de son propos : il avait voulu nous faire marcher. Bien que le colloque annonçât un rapprochement des neurosciences et de la psychanalyse, deux neuroscientifiques intervenaient à sa suite. Le premier, Raphaël Gaillard, regard glacé, responsable de la psychiatrie universitaire dans un CHU parisien, expérimente sur des souris kétaminées qu’il compare, paraît-il, à des humains schizophrènes. Ses théories complexes sur la conscience des rongeurs et la suppression des souvenirs s’appliqueraient à l'homme. Comme il a publié avec Stanislas Dehaene, qui préside le Conseil Scientifique de l’Éducation Nationale, il m’a fait un peu peur. Certes, il n’a pas dit que les humains sous kétamine ressemblent à des souris, mais j’ai réprimé une image horrible : nos enfants traités en rats de laboratoire. Le second, John-Dylan Haynes, plus chaleureux, a interagi avec le public, mais pas pour rire – il n’est pas américain – : il s’est s’étonné qu’une bonne moitié de l’assistance (à l’instar du grand public, note-t-il) ne croie pas à l’inscription cérébrale de l’esprit et qu’on puisse encore être dualiste. Il lit dans nos pensées à l’aide de l'IRM et espère, dans vingt ans, en savoir assez sur le libre-arbitre pour contrecarrer « 2500 ans de philosophie ». 

     J’ai enfin respiré à nouveau grâce à Catherine Malabou, philosophe, qui distingue la trace psychique et la lettre de la trace neuronale : « les arrangements neuronaux ne sont pas une grammaire : on ne décrypte pas l’histoire d’un individu dans ces structures visibles ». Elle a cité François Ansermet et Pierre Magistretti dont les noms ont résonné toute la journée, et aussi Lacan, avant de conclure lapidairement : « Est-ce que l’inconscient n’est pas devenu ce que Freud craignait : le non-conscient ? » Pertinent ! 

     On a entendu ensuite un professeur de psychologie, Olivier Houdé, comparer l’apprentissage à « la psychothérapie » en utilisant la métaphore – mais en était-ce vraiment une ? – des réseaux neuronaux.


PSYCHOTHÉRAPIE COMPORTEMENTALE ET COGNITIVE

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Formation organisée conjointement par les Universités de Genève, Fribourg et Lausanne qui en assure la gestion.

PUBLIC CONCERNÉ

Le MAS s’adresse aux psychologues et aux médecins psychiatres, en formation et/ou désireux∙euses d’enrichir leurs compétences psychothérapeutiques dans l’approche comportementale et cognitive.
Pour les psychologues, le MAS permet l’obtention du titre postgrade fédéral en psychothérapie selon les standards de l’Office Fédéral de la Santé Publique (OFSP).
Les médecins psychiatres y trouveront un approfondissement de la formation en psychothérapie dans l’approche cognitivo-comportementale, en synergie avec leur spécialisation FMH.
Le MAS est une formation en cours d’emploi et il est prioritairement destiné à des personnes au bénéfice d’une pratique clinique régulière. Durant la formation, il est nécessaire que le∙la participant∙e puisse réaliser des psychothérapies sur son lieu de travail. Ces interventions, supervisées de manière intensive, font partie intégrante du cursus.

L’inconscient et le cerveau : rien en commun par Yves Vanderveken

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Les 13-14 juillet prochains, nous nous réunirons à Bruxelles pour PIPOL 9, V e Congrès européen de psychanalyse organisé par l’EuroFédération de Psychanalyse (EFP) sous le titre : « L’inconscient et le cerveau : rien en commun ». Yves Vanderveken, directeur du congrès, a donné à El Psicoanálisis* une interview. Lacan Quotidien en publie la traduction. 

El Psicoanálisis — Pourriez-vous expliquer brièvement la force de cette affirmation « rien en commun » lorsque d’autres courants de la psychanalyse semblent miser sur une confluence ? 

Y. Vanderveken — Si nous nous fions à l’expérience même de cette pratique à nulle autre pareille qu’est la psychanalyse, cette thèse « L’inconscient et le cerveau, rien en commun » est d’évidence. Nous n’avons pas le choix si nous voulons préserver le soc tranchant de sa vérité – pour reprendre une expression de Jacques Lacan dans sa profonde et continue relecture freudienne. Toute autre voie conduira à sa disparition ou au ravalement, maintes fois prévenu et combattu par Lacan, de la psychanalyse au rang d’un psychologisme, aujourd’hui revigoré par les cautions dites scientifiques, par les habits scientistes, dont il se pare. 
    Nier avec passion la subversion de la découverte freudienne n’est pas l’apanage de ceux qui choisissent de l’ignorer. Ce penchant habite aussi ceux qui peuvent s’en réclamer. Ce n’est pas nouveau – là aussi, Lacan l’a régulièrement démontré. Il prend aujourd’hui des atours nouveaux avec le développement des progrès techniques de l’imagerie médicale, particulièrement cérébrale, mais c’est la poursuite, avec une puissance renouvelée par ce support, de la déviation postfreudienne de l’ego psychology, que Lacan a rectifiée par son enseignement. Il suffit d’écouter ou de lire ceux qui prônent un rapprochement entre la psychanalyse et les neurosciences, ou qui pensent voir se confirmer l’hypothèse de l’inconscient par et dans l’activité cérébrale, pour saisir immédiatement qu’ils ont une conception de l’inconscient qui le réduit au non-conscient : ce n’est pas la conception de Freud, pas celle de Lacan, absolument pas. 
     Le mot même d’inconscient prête le flanc à cette confusion, Lacan a pu le regretter.


samedi 19 janvier 2019

Costumes et parures, les corps comme support dans l'Art Brut

SUISSE Lausanne
le 17 janvier 2019

Eijiro Miyama, Yokohama (Japon).
Parures, costumes et vêtements de cérémonie - Parader dans la rue Droit au Brut / 56 min. / le 03 janvier 2019

Des créateurs d'Art Brut comme Eijiro Miyama, Helga Goetze ou encore Vahan Poladian, utilisent leur corps comme support d'expression. Ils revêtent des parures extravagantes qu'ils ont créées et se livrent à des parades ubuesques dans la rue. Décryptage.

Eijiro Miyama
Vêtu de plusieurs robes superposées et arborant une fière poitrine (des faux seins), Eijiro Miyama est paré de son attribut majeur: l'un de ses hauts couvre-chefs, confectionnés par ses soins à partir d'objets récupérés – fleurs artificielles, jouets de pacotille et autres bibelots dénichés dans divers marchés aux puces ou au rebut.

Myiama a travaillé la plus grande partie de son existence comme manœuvre journalier, émigrant de ville en ville dans tout le Japon. Aujourd'hui retraité, il loue une chambre minuscule dans un foyer vétuste pour indigents, situé à Yokohama, près de Tokyo. Chaque samedi, il enfourche sa bicyclette ainsi costumé, gagne le quartier chinois, animé et touristique, et sillonne les rues, sourire aux lèvres, faisant fi des moqueries.

Le dénuement et la précarité de sa vie, un sentiment d'oppression et la conscience de la fin qui approche l'ont incité à passer à l'acte. Conscient de transgresser les normes, mais indifférent au qu'en dira-t-on, il répond à un besoin intérieur aussi intense, selon ses termes, qu'une énergie sismique. Ses aventures publiques extravagantes ont ainsi une double fonction, exutoire et provocatrice.

Helga Goetze
A quelques milliers de kilomètres de Yokohama, à Berlin, Helga Goetze elle aussi portait de singulières parures – grand manteau et couvre-chef – réalisées avec attention. Ainsi vêtue, elle se rendait chaque jour, été comme hiver, pendant vingt ans, sur le parvis de la Gedächtniskirche au cœur de Berlin ou près de l’université, proclamant haut et fort: "Ficken ist Frieden" ("baiser, c'est la paix").

Un vêtement de Helga Goetze.

Mariée très jeune avec un banquier, elle avait élevé sept enfants. A 52 ans, elle décida de s'intéresser à sa sexualité, quitta sa famille, multiplia les expériences et se mit à créer de surprenantes broderies. 


Cinéma Adolpha, l’autre star nordiste à l’affiche du film « Les Invisibles »

Claire Lefebvre 


L’histoire d’Adolpha Van Meerhaeghe a inspiré un livre, mais aussi la comédie sociale sortie mercredi où elle partage l’affiche avec l’actrice roubaisienne Corinne Masiero. Chez elle, à Lille-Sud, cette ancienne sans-abri nous raconte comment on passe de la rue au grand écran.

Adolpha, à l’affiche du film «
Les Invisibles
», a connu la violence, la rue et la prison avant de trouver un toit. PHOTO BAZIZ CHIBANE
Adolpha, à l’affiche du film « Les Invisibles », a connu la violence, la rue et la prison avant de trouver un toit. PHOTO BAZIZ CHIBANE
Des affiches du film Les Invisibles sont punaisées au mur. En face d’une photo de l’abbé Pierre. La télé va à fond : c’est la rediffusion d’une des émissions qu’Adolpha a tournée la veille à Paris pour la promotion. « C’est moi, regarde mon brushing ! »