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Dessin Dessin Jeanne Macaigne
Talos le robot, Médée la «hackeuse», la mythologie met déjà en scène le rêve de la toute puissance et de l’immortalité via la machine. L’historienne américaine, basée dans la Silicon Valley, met en garde contre ceux qui veulent «jouer à dieu» avec l’intelligence artificielle, sans pour autant renoncer au progrès.
Il y a plus de 2 500 ans, les mythes grecs décrivaient déjà des robots-combattants, des arcs aux flèches intelligentes, des trépieds autonomes qui viennent vous servir du nectar ou de l’ambroisie. Ils mettaient même en scène des formes d’intelligence artificielle : des assistantes automatisées dotées de conscience, ou un robot aux allures de femme souriante, envoyé par un dieu pour tenir compagnie aux hommes. Dans Gods and Robots(Princeton University Press, novembre 2018, non traduit), Adrienne Mayor invite la Silicon Valley à voyager dans le temps pour relire toutes les histoires d’amour, de guerre et de vengeance racontées par les anciens. Cette chercheuse en lettres classiques et en histoire des sciences, à l’université Stanford, montre que les mythes ont posé, de manière visionnaire, les interrogations éthiques qui nous déchirent et nous divisent encore aujourd’hui. Il y est question de robots qui se retournent contre leurs maîtres, de pièges technologiques tendus par des tyrans, de quêtes d’immortalité qui tournent mal. Ces intrigues, bien que saupoudrées de magie, prouvent que nos aspirations technologiques d’aujourd’hui répondent à des «rêves culturels» très anciens. Et suggèrent qu’il nous faut les poursuivre avec prudence : les robots fonctionnent mieux chez les dieux que sur Terre et, pour les hommes, l’histoire se transforme bien souvent en tragédie.