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samedi 9 janvier 2010




Comment prendre en charge les malades mentaux ?

Le débat est une fois de plus relancé sur l’encadrement des déséquilibrés dangereux mais déclarés irresponsables par la justice.

Samedi, un homme de 27 ans a mortellement blessé un octogénaire et poignardé deux autres résidents d’un immeuble de Roquebrune-Cap-Martin où lui-même avait habité avec sa famille. Cinq ans plus tôt, il avait lardé d’une vingtaine de coups de couteau le gardiende cette résidence. A la suite de ce drame, le jeune homme, souffrant de graves problèmes psychiatriques, avait été jugé irresponsable de ses actes. Le meurtre de ce retraité par ce déséquilibré relance une fois encore le débat sur la prise en charge des personnes dérangées mentalement par le secteur psychiatrique une fois qu’elles ont été déclarées irresponsables de leurs actes par la justice.

Jusqu’à la loi du 25 février 2008 sur l’irresponsabilité pénale, ces personnes pouvaient être, soit hospitalisées d’office par décision préfectorale, soit laissées en liberté. Cette loi, votée après un fait divers dramatique en 2004, a créé une audience particulière, appelée « mini-procès », devant les chambres de l’instruction. Mardi les magistrats de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris ont considéré qu’Adel Amastaibou, un schizophrène qui, en novembre 2003, avait tué son ami, Sébastien Sellam, était « irresponsable pénalement ». Une décision que la famille de la victime n’accepte pas.

Une carence de moyens

Pour le porte-parole du ministère de la Justice, Guillaume Didier, la loi de 2008 « a permis de combler une lacune en permettant à la justice d’ordonner une hospitalisation d’office puis des mesures de sûreté lorsque l’hospitalisation est levée », a-t-il indiqué mardi àFrance-Soir.

Depuis la promulgation du texte, une cinquantaine de décisions d’irresponsabilité pénale ont été prises et les chambres de l’instruction ont prononcé vingt hospitalisations d’office, après avis des experts, a souligné Guillaume Didier.

Le Dr Louis Albrand, auteur d’un controversé rapport sur le suicide en prison, commandé par la Chancellerie, estime au contraire que ces faits divers à répétition sont la conséquence logique d’un manque flagrant de moyens pour la psychiatrie de secteur et regrette que le gouvernement ne fasse rien à ce sujet (lire l’interview ci-dessous). Dans l’affaire de Roquebrune-Cap-Martin, l’agresseur, qui avait été hospitalisé d’office, avait bénéficié d’un « régime de sortie d’essai », avalisé par la préfecture.

Louis Albrand, médecin : “La prise en charge des malades mentaux est catastrophique”

Médecin gériatre, Louis Albrand avait été chargé par l’ex-garde des Sceaux Rachida Datid’un rapport sur la prévention des suicides en prison. En avril 2009, il avait boycotté sa remise, en désaccord avec la politique pénitentiaire du gouvernement.

FRANCE-SOIR. Le drame de Roquebrune-Cap-Martin pose-t-il une nouvelle fois la question de la prise en charge des malades mentaux dangereux ?

LOUIS ALBRAND. On n’a pas fini de poser cette question, tant cette prise en charge est catastrophique en France. Depuis les années 1970, près de 30.000 lits ont été supprimés en hôpital psychiatrique. Du coup, on a mis en prison ou relâché en pleine nature des personnes psychotiques graves, des paranoïaques, des déséquilibrés lourds… Or la rue comme la prison ne sont pas les lieux pour soigner ces personnes.

Que préconisez-vous ?
Il faut arrêter d’envoyer en prison des malades mentaux ! Aujourd’hui, il y en a plus de 15.000 derrière les barreaux. En détention, ils ne sont pas soignés, et quand on les relâche personne ne les prend en charge. Dehors, ils se clochardisent, ils s’alcoolisent, ne prennent plus leurs traitements neuroleptiques. Ils commettent des délits, retournent en prison, ressortent… C’est un yo-yo infernal avec parfois le pire qui survient, comme à Roquebrune. Il faut absolument recréer une véritable psychiatrie de secteur. Il faut créer des postes de psychiatres et réformer le placement d’office qui ne fonctionne pas bien. Tout ça est une affaire de volonté politique et de moyens financiers. Un malade mental en prison coûte 80 euros par jour à la société ; le même en hôpital psychiatrique coûte 400 euros par jour.

La loi de février 2008 sur l’irresponsabilité pénale a-t-elle changé les choses ?
Elle montre déjà ses limites avec ces faits divers qui se multiplient. J’avais proposé à Rachida Dati une grande réforme d’ensemble de la psychiatrie et de la prison, mais je n’ai pas été suivi par la Chancellerie. C’est dommage, car l’opinion publique est de plus en plus sensible à ces questions car elle comprend que la sécurité de tous n’est plus assurée. Il faut que les gouvernants réécoutent les praticiens, les médecins qui savent de quoi ils parlent, et pas seulement une technocratie coupée de la réalité.

Edition France Soir du mercredi 6 janvier 2010



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