Adolf Wölfli, Bangali Firework (Bänggaalisches Feuerwärk), 1926, Crayon de couleur sur papier, 18.5 x 24.5 inches (47 x 62.2 cm)
Bien que les racines des arts autodidactes ou Outsider Art s'étalent sur des milliers d'années, il convient de jeter un coup d'oeil sur son plus récent précurseur, l'Art Brut, pour comprendre ses articulations vitales. Dans son manifeste de 1947, l'artiste français et collectionneur Jean Dubuffet a défini ainsi le terme d'Art Brut: « Nous entendons par là [Art Brut] des ouvrages exécutés par des personnes indemnes de culture artistiques, dans lesquels donc le mimétisme, contrairement à ce qui se passe chez les intellectuels, ait peu ou pas de part, de sorte que leurs auteurs y tirent tout (...) de leur propre fond et non pas des poncifs de l’art classique ou de l’art à la mode ».
Dans un livre phare de 1972 consacré à l'Art Brut, Roger Cardinal lui donnera le nom d' « Outsider Art », que l'on peut traduite de plusieurs façons: Art marginal, autodidacte, indiscipliné, création hors réseaux... « Je crois qu'un facteur primordial dans la définition critique de la création autodidacte, c'est que l'artiste devra faire preuve d'une impulsion expressive qui s'extériorisera ensuite d'une manière non contrôlée défiant la contextualisation historique et artistique classique. »
Dubuffet et Cardinal ont écrit essentiellement sur des artistes européens se trouvant dans les limites extrêmes de la marginalité: des psychotiques, des médiums, des excentriques. Ce qui est à l'origine d'une idée fausse associant Art Brut et pathologies, alors que la caractéristique principale de ces artistes marginaux est tout simplement leur manque de connaissance en histoire de l'art ou sur les tendances du monde de l'art.
Au fil des ans, les paramètres de l'Art Brut tel que le conçoit Cardinal se sont considérablement étendus pour inclure une plus grande variété d'artistes partageant le dénominateur commun de la « créativité brute ». Ces artistes proviennent de tous les milieux, de toutes les cultures, de tous les groupes d'âge.
Ces dernières années, les artistes d'Art Brut ont surpassé en nombre les artistes initiés au monde de l'art et reconnus comme tels par la critique d'un art « d'élite » qui rend cependant compte de l'expérience humaine avec de moins en moins de clarté et de pertinence. La description de Dubuffet de l'art officiel n'a jamais été aussi pertinente: «c'est l'Art que tout le monde asperge aussitôt de champagne et que les conférenciers promènent de ville en ville avec un anneau dans le nez. C'est le faux Monsieur Art »