Dans cette série d’été, vous découvrirez que Narcisse est non seulement un accusé non coupable, mais ce que cache cette injuste condamnation, ce qu’elle révèle de la violence inapparente de notre temps, de la négation du sens originel de la culture.
Nous avons naïvement tendance à croire que les organismes vivants sont composées d’entités stables qui, au jour de leur mort, désagrègent leurs liens et se dispersent. Cette image, on le sait désormais, est globalement fausse. Par exemple, les molécules organiques qui forment nos tissus quittent notre organisme dans une ronde incessante et sont remplacées par d'autres. La vitesse de ce renouvellement est très élevée, même dans des tissus comme l'os qui ont l'apparence la plus solide ; nos cellules sont constamment remises à neuf ; nos globules rouges ont une espérance de vie de 120 jours ; les cellules de nos alvéoles pulmonaires sont remplacées toutes les semaines. L'unité spatio-temporelle, historique, d'un être humain apparaît analogue à celle du bateau de Thésée qui était perpétuellement réparé et dont les sophistes d'Athènes se demandaient, au fur et à mesure que les pièces en étaient modifiées ou remplacées, s'il s'agissait encore du même bateau.
Le sentiment que nous avons tout au long de notre existence de la pérennité de notre corps correspond donc pour une grande part à une illusion. Mais alors, qu’est-ce qui fonde notre identité ? Qu’est-ce qui la maintient vivace au cours du temps ? Qu’est-ce qui fait que le moi est, chaque fois, lui-même ?
Invité : Paul Audi, philosophe, auteur de nombreux ouvrages, qui traitent pour la plupart des relations entre l’éthique et l’esthétique. Son dernier essai "Au sortir de l’enfance" vient de paraître chez Verdier, tout comme "Analyse du sentiment intérieur" qui vient de paraître en poche.