Des bonnes ondes pour les malades mentaux
Sandrine Cabut
28/01/2010 |
Animée par des patients, une radio diffusée sur Internet veut changer les regards sur le handicap psychique.
Pour l'une, participer à cette radio est l'espoir que «les bien portants comprennent notre différence, qu'ils voient aussi la richesse qu'il y a en nous, la grande sensibilité des malades psychiatriques». Pour une autre, c'est «un moyen de rentrer dans la société en ayant une parole propre». Un troisième y voit «un outil qui aidera à nous intégrer, à nous faire admettre, à ne plus être rejetés». Depuis quelques mois, ces trois patients atteints de troubles mentaux, et bien d'autres, animent Radio Citron. Diffusée pour l'instant sur Internet, cette radio «qui n'a pas peur des pépins» aura peut-être bientôt droit de cité sur les ondes de Radio France, qui parraine l'initiative.
«La radio, c'est le contraire de l'enfermement. Ce serait bien si vos productions pouvaient nous alimenter», leur a assuré Jean-Luc Hees, le président de Radio France, en inaugurant officiellement Radio Citron, mardi, à la Maison de la radio, en présence du maire de Paris et de nombreux patients. Permettre à ces derniers d'exprimer leurs différences et de faire évoluer la perception qu'ils ont d'eux-mêmes, et amener leurs auditeurs à changer de regard sur la maladie mentale, c'est le but de ces radios animées par des malades mentaux. En Argentine, où l'aventure a commencé en 1991, avec la Colifata, première radio à émettre depuis un hôpital psychiatrique, 7 millions de personnes écoutent l'émission. D'autres pays, comme le Brésil, l'Espagne, l'Italie, l'Angleterre, se sont lancés dans des aventures similaires. «Nous nous sommes inspirés de la Colifata», précise sur le site de Radio Citron, l'association l'Élan retrouvé, qui encadre les animateurs. Fondée en 1948, cette association crée et gère des structures sanitaires et médico-sociales pour réadapter et réinsérer les malades atteints de troubles psychiques.
Billets d'humeur, météo, horoscope, mais aussi micro-trottoirs… Les animateurs de Radio Citron assurent une ou plusieurs rubriques. Ils sont amenés à «s'exprimer sur ce qu'ils vivent, pensent ou sentent de la société qui les entoure», chacun avec son ton, plus ou moins humoristique et décalé, expliquent les responsables de l'association. Avec un beau brin de voix, Ekaterina raconte les contes qu'elle a inventés, comme «une vie de bouton». Charly, alias GCD, «Gros Cerveau Déglingué, trente ans de psychiatrie», précise-t-il, lit des poèmes et tient une étonnante «loi de l'horoscope». Il y a aussi une rubrique «conflit de canard» (des recettes de cuisine assez particulières) ; un feuilleton intitulé La Voix de l'autre, récit d'une histoire d'amour à travers des échanges par e-mail. Il y a même des débats philosophiques. En pratique, deux à trois heures d'émission sont enregistrées tous les deux mois. Certains sujets sont traités dans les différents services impliqués de l'association, d'autres donnent la parole à des personnes extérieures à l'institution, mais dont les interviews sont réalisées par les patients, d'autres encore sont débattus en direct. «L'échange avec les auditeurs est capital et pourra se faire à deux niveaux, à l'intérieur de l'Élan retrouvé et avec le grand public, insistent les responsables. Ce seront des échanges écrits sur notre site Internet et par téléphone. Lors de l'enregistrement général, des auditeurs pourront être présents et intervenir.» Une invitation à écouter les différences.
Site de Radio Citron : http://www.radiocitron.com/