publié le
Reprise des cours au Lycée Arago de Perpignan, le 10 juin 2020. © Jean-Christophe Milhet/Hans Lucas/AFP
Convier ses élèves à rejoindre leur classe en rêve, telle est l’idée surprenante qui est venue à l’esprit d’Audrey Jougla, professeur de philosophie au lycée Sainte-Marie à Chantonnay dans la Loire. « Vous voyez, a-t-elle dit à ses élèves, je vous donne l’adresse de mon rêve, vous m’y retrouvez, et on fait cours en rêve. » Un dispositif qui pourrait prendre le relais des cours en visio ? Elle nous raconte comment ça marche.
« La salle de classe n’avait pas changé. Il n’y avait absolument rien d’inhabituel ce jour-là. Je me tenais près du tableau, venais d’ouvrir l’ordinateur et de poser mes affaires sur le bureau. J’attendais. Alors des voix familières, venant des escaliers, semblèrent se rapprocher. Puis, enfin, la porte de la classe s’ouvrit, hésitante. Une tête surgit dans l’entrebâillement. “Ah mais oui, c’est bien là, je te dis !”, dit le jeune garçon aux autres, restés derrière lui. Je les observai entrer un à un, et souris, comme un magicien ayant réussi son tour. Une petite dizaine d’élèves. Ou plus précisément, une petite dizaine de mes élèves – même si j’utilise peu cette formulation – ravis d’avoir trouvé la salle. “Madame, on a réussi, on vous a retrouvée !”, s’exclama l’un, quand les autres restaient encore un peu décontenancés par ce qui s’apparentait à un évènement. “Mais oui, vous voyez, ce n’était pas si compliqué”, répondis-je. “Mais, alors, ça marche vraiment ?”, me demanda l’un d’entre eux. “Oui, vous voyez : je vous donne l’adresse de mon rêve, vous m’y retrouvez, et on fait cours en rêve. Pendant qu’on dort.” Ils riaient, certains disant “que c’était génial”, d’autres se demandant pourquoi il manquait encore les deux tiers de la classe – “t’inquiète, ils vont trouver, ou alors ils y arriveront la nuit prochaine”, lui répondit un autre. Alors que nous étions tous aussi heureux qu’étonnés d’être parvenus à nous retrouver en rêve, et que mon cours allait commencer, évidemment je me réveillai, avec cette incertitude flottante, de quelques secondes, où l’on ne parvient pas encore à démêler le réel du songe.