Face au double choc sanitaire et terroriste que nous vivons, la philosophe souligne, dans un entretien au « Monde », qu’il nous faut « refonder nos modèles de résilience collective ».
Propos recueillis par Nicolas Truong Publié le 2 novembre 2020
Professeure titulaire de la chaire humanités et santé au Conservatoire national des arts et métiers, titulaire de la chaire de philosophie à l’hôpital, au GHU Paris psychiatrie et neurosciences, Cynthia Fleury vient de publier Ci-gît l’amer. Guérir du ressentiment (Gallimard, 326 pages, 21 euros). Alors que, pour la philosophe, le sentiment de ne plus comprendre le monde qui nous entoure n’est pas nouveau, elle explique comment affronter le sentiment de répétition et d’abattement qui peut gagner la population.
Comment vivre avec ce double choc des nouvelles mesures de confinement et du retour des attentats terroristes en France ?
Il va falloir considérer la capacité de discernement comme une nécessité vitale : activer à la fois la faculté de jugement, sa fonction de déconstruction et de mise à nu des phénomènes : cesser de nier la politisation de l’islam, très active dans le monde et sur le sol français depuis la fin des années 1990, et de l’autre côté, consolider toutes les politiques publiques qui font l’honneur et la différence, universaliste, de l’Etat social de droit français. C’est une double gageure, le tout sur fond d’une crise pandémique qui nous précipite dans des sentiments d’insécurisations multiples que les générations les plus anciennes ont bien connus, mais dont elles nous ont finalement peu transmis les leviers pour y résister.