Celui qui fut longtemps diagnostiqué : « résidu asilaire irrécupérable » est mort ce dimanche 30 août à l'âge de 75 ans. L’œuvre de Franco Bellucci compte parmi les plus fortes de l'art brut.
Franco Bellucci, l’irrécupérable de l’art brut
Les sculptures hybrides que produisait Franco Bellucci sont constituées d’objets hétéroclites dont les destins sont inexorablement liés. Elles ont été présentées dans plusieurs grandes expositions comme la monographie qui lui a été consacrée au MADmusée de Liège, Banditi dell’arte (Halle Saint Pierre) et art brut, collection abcd/ Bruno Decharme (La maison rouge) à Paris ainsi qu’à la galerie Christian Berst en 2015. « Ces œuvres sont douées d’une puissance symbolique que bien des artistes ‘professionnels’ sont incapables d’atteindre. » (Philippe Dagen, Le Monde). On reconnaît le style de Bellucci comme on identifie immédiatement celui d’un autre géant de l’art brut Michel Nedjar. Et, cette reconnaissance est sans aucun doute due à la force immédiate que ses œuvres inspirent. A l’instar des célèbres poupées de Nedjar, les assemblages « néo vaudous » confectionnés par Bellucci suscitent, d’ailleurs, un étrange mélange d’attirance et de répulsion. L’artiste associe dans son travail déchets et objets hétéroclites, souvent issus de l’univers de l’enfance (jouets, poupées, figurines, etc.), qu’il enserre fermement dans de subtils imbroglios de cordages. Tout y passe et semble pouvoir faire office de nouage : chambres à air, chaussettes, tuyaux d’arrosage, fils électriques, bandages, bas de femme, câbles USB, etc. Il serait vain d’énumérer et de vouloir décrire toutes les figures qui naissent de ces enchevêtrements, tant leurs formes sont variées et inattendues.
De ces rencontres improbables naissent parfois des accouplements monstrueux entre un dinosaure et une poupée Barbie, une chaussure drag queen et un câble HDMI, ou des copulations plus prosaïques entre animaux de ferme. Parmi les pièces les plus intéressantes se trouvent celles dont les objets insérés ont été les plus démembrés. On peine, alors, à distinguer dans l’enchevêtrement des morceaux de tissus, de plastiques et des corps désarticulés, une figure familière. On pense parfois à certaines poupées de Bellmer, ou pour les assemblages plus abstraits à ceux de Pascal Tassini.
sans titre, sans date, technique mixte, 13 x 52 x 21 cm
Quelquefois, ces assortiments de jouets et de déchets sont carrément enchainés avec des tiges de fer comme si elles avaient été torsadées par la poigne d’un géant. On mesure ainsi la force hors du commun de leur auteur. Bellucci était dit-on capable d’arracher radiateurs et robinets lors de ses accès de violence. Ce qui lui causait de graves blessures aux mains, et justifiait, alors, sa contention lors de ses premières hospitalisations.
Toutefois cette brutalité, présente dans les assemblages, est nuancée par le choix des objets, et de leurs coloris. Bellucci affectionne tout autant les jouets en peluche que le chromatisme clinquant des T Rex et autres dinosaures qu’il se fait un malin plaisir d’étrangler.