Dans « Le Consentement » (reGrasset), Vanessa Spingora décrit l’emprise pédocriminelle que lui a fait subir Gabriel Matzneff. La réaction indignée de ce dernier est, pour Angot, le signe qu’il n’a pas fait le deuil de sa relation avec celle qu’il a « humiliée ».
Publié le 31 décembre 2019
[Avant même sa sortie, le 2 janvier, le livre de Vanessa Springora « Le Consentement » (Grasset, 216 p., 18 euros) a provoqué une déflagration dans le milieu littéraire et bien au-delà. Dans son ouvrage, elle relate la relation traumatisante qu’elle a eue, à 14 ans, avec l’écrivain Gabriel Matzneff, alors âgé de 50 ans. Celui qui publia en 1974 « Les Moins de seize ans » n’a jamais caché son attirance pour des mineurs, comme en témoignent certains de ses livres, tout particulièrement son journal intime. Des livres qui lui valurent d’être invité notamment sur le plateau d’« Apostrophes » en 1990. Lors de cette émission, seule l’auteure québécoise Denise Bombardier dénonça le caractère pédophile de ces écrits et la complaisance du milieu littéraire, au cœur désormais de la polémique.]
Tribune. Gabriel Matzneff,
En réaction au livre de Vanessa Springora, « Le Consentement » [Grasset, 216 pages, 18 euros], vous écrivez dans L’Obs : « Apprendre que le livre que Vanessa a décidé d’écrire de mon vivant n’est nullement le récit de nos lumineuses et brûlantes amours, mais un ouvrage hostile, méchant, dénigrant, destiné à me nuire, un triste mixte de réquisitoire de procureur et de diagnostic concocté dans le cabinet d’un psychanalyste, provoque en moi une tristesse qui me suffoque. »
« Apprendre que le livre que Vanessa… » Vous l’appelez Vanessa ? Vous pensez pouvoir vous autoriser à l’appeler par son prénom, alors qu’elle vient de publier ce livre ? Vous prétendez encore à cette intimité ? Vous pensez avoir ce genre de droits ? Elle est toujours, pour vous, la petite fille que vous avez rencontrée dans un dîner où elle accompagnait sa mère, attachée de presse dans l’édition ? A l’époque, vous étiez important dans ce milieu. Vous comptiez. Vous vendiez des livres. Vous aviez des fans. J’en ai fait partie quelque temps. J’avais une vingtaine d’années. Je vous lisais. Je n’avais pas encore été dans le cabinet d’un psychanalyste. Je commençais à avoir des insomnies, des difficultés dans ma sexualité, mais je n’étais pas encore prête à me dire, à admettre, que mon père s’était autorisé à commettre un inceste sur moi parce qu’il ne m’avait jamais aimée, qu’il n’avait aimé que lui-même, son bon plaisir, sa propre autorité, au mépris total de mon avenir, de ma vie amoureuse future, de ma vie sexuelle, notamment.