03/11/2017
La psilocybine est une molécule agoniste du récepteur de la sérotonine 5HT2A, mais elle est surtout connue pour être le composant actif des champignons hallucinogènes du genrePsilocybe. Outre ses effets psychodysleptiques, utilisés à visée récréative, de récentes publications ont suggéré que la psilocybine, associée à un accompagnement psychologique, peut avoir un effet bénéfique dans plusieurs pathologies psychiatriques, dont la dépression résistante. Son efficacité est constatée durablement après seulement une ou deux prises. Ce profil est très différent de celui observé avec les traitements antidépresseurs classiques, dont l’effet thérapeutique complet n’est souvent atteint qu’après plusieurs semaines de traitement. Le mécanisme d’action de la psilocybine dans la dépression, pour l’instant mal connu, est donc probablement différent de celui des traitements utilisés actuellement, comme les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine. L’imagerie cérébrale, et en particulier l’IRM fonctionnelle, pourrait permettre d’avancer dans la compréhension de l’efficacité de ce traitement. Jusqu’à présent, les études d’imagerie réalisées dans ce domaine ont surtout étudié les effets aigus des drogues psychédéliques.
Une diminution globale du débit sanguin cérébral au lendemain de la prise
Dans une étude publiée dans Scientific Reports (une revue du groupe Nature), une IRM fonctionnelle cérébrale a été réalisée chez 19 patients souffrant d’une dépression résistante avant le traitement et un jour après l’administration de deux doses de psilocybine (10 mg puis 25 mg à une semaine d’intervalle). Une amélioration des symptômes a été constatée pour l’ensemble des patients. A 5 semaines, 47 % des patients remplissaient les critères de réponse thérapeutique (diminution de 50 % des symptômes sur l’échelle Quick Inventory of Depressive Symptomatology, QIDS). Les auteurs ont constaté une diminution globale du débit sanguin cérébral avec en particulier une corrélation entre la diminution de l’activité de l’amygdale et la réduction des symptômes dépressifs entre la première et deuxième imagerie (r = 0,59, p = 0,01). Les auteurs ont également retrouvé une augmentation de la connectivité entre les régions impliquées dans le réseau cérébral du « mode par défaut », en particulier entre le cortex préfrontal ventro-médian et le cortex pariétal droit et gauche. Cette augmentation de la connectivité était prédictive de la réponse au traitement à 5 semaines (p = 0,03). En revanche, on retrouvait une diminution de la connectivité entre le parahipoccampe droit et gauche et le cortex préfrontal, également corrélée à la réponse thérapeutique.
Un effet proche de celui des ECT ?
Si les états psychédéliques sont caractérisés en IRM fonctionnel par une augmentation globale de la connectivité cérébrale, avec une désorganisation des réseaux fonctionnels de repos, l’imagerie réalisée au lendemain de la prise montre plutôt une diminution globale du débit sanguin cérébral, associée à une augmentation de l’intégrité du réseau du « mode par défaut ». Ce réseau cérébral est généralement activé lorsqu’aucune tâche n’est demandée au sujet, mais également lorsque l’on réfléchit sur soi-même. Ce réseau est particulièrement actif dans la dépression, et a été considéré comme associé aux ruminations anxieuses. Ce résultat peut donc sembler paradoxal. Cependant, si ces données étaient confirmés, ils rapprocheraient le mécanisme d’action de la psilocybine de celui de l’électroconvulsivothérapie (ECT). En effet, lors d’une séance d’ECT, le réseau du mode par défaut est désorganisé de façon aiguë, puis son organisation se rétablit voire se renforce par la suite. A travers une sorte d’effet « reset », on assisterait donc à une désorganisation des réseaux fonctionnels cérébraux lors de la prise de psilocybine, puis une réorganisation secondaire, se maintenant à long terme. Ce modèle permettrait d’expliquer le profil très particulier de l’efficacité de la psilocybine.
Dr Alexandre Haroche