03-05-16 Par Muriel Grand
ExpositionLe Musée de Carouge présente le travail d’une artiste hors normes.
Image: Aurélien Bergot
Elle a commencé à créer à 61 ans, mais a bien rattrapé le temps perdu en dessinant et sculptant frénétiquement, chaque jour. A sa mort en 2014, à l’âge de 88 ans, Linda Naeff a laissé une œuvre de 4000 tableaux et 3000 sculptures. Après la rétrospective que lui a consacrée la Galerie de la Ferme de la Chapelle il y a deux ans, le Musée de Carouge lui rend à son tour hommage.
«En 2011, je lui ai proposé de monter une exposition, mais elle a refusé, raconte Philippe Lüscher, directeur du musée de Carouge. Elle n’était pas intéressée par ce type de démarche.» Un détachement qui rapproche Linda Naeff de l’art brut, même si elle possédait une certaine culture visuelle. De même que son besoin compulsif de créer. «C’était absolument vital pour elle», rapporte le directeur.
Car il s’agissait d’exorciser les nombreux drames qui avaient émaillé son existence entre la Suisse et la France. Un père autoritaire, une mère dépressive qui simule des suicides et oblige ses filles à la supplier d’y renoncer. Un viol par son professeur de musique dans son adolescence. Quatre fausses couches, à un stade avancé. La mort de son petit-fils. Des traumatismes dont elle n’a jamais vraiment pu parler.
Des objets de récupération
Pour tenter d’expulser toute cette souffrance accumulée, elle commence par prendre la plume. Ces écrits ont pratiquement tous été perdus. Elle suit ensuite des cours d’expression libre à l’Ecole des arts décoratifs de Genève, puis de sculpture et de modelage au collège de Saussure. Mais l’univers artistique qui en est issu ne ressemble à aucun autre.