Les violences subies par les femmes, à Cologne ou ailleurs, illustrent encore une volonté de les chasser d’un espace public pensé comme masculin.
Je pense aux événements de Cologne, la nuit de la Saint-Sylvestre, les paroles des victimes me reviennent : «Je parle pour toutes les femmes», dit l’une d’elles. Peut-être est-ce une définition a minima du féminisme : souffrir des violences faites aux femmes parce que femmes, partout dans le monde. Ne pas les supporter. Il m’importe peu que les agresseurs de Cologne soient marocains ou syriens, musulmans ou non - en tout cas, ce n’est pas sous cet angle que j’analyse les choses. Il ne s’agit pas pour autant d’occulter le problème politique posé par ces événements, encore moins de les excuser au nom du relativisme culturel. Mais j’en fais une lecture plus basique, qu’on pourrait résumer ainsi : des hommes se sentent autorisés à attaquer des femmes. Vu ainsi, le drame élargit considérablement son amplitude. Sans remonter jusqu’à l’enlèvement des Sabines et à tous les rapts qui encombrent les mythologies, on peut se souvenir que deux millions de femmes allemandes ont été violées sur le front soviétique en 1945, que les viols de l’épuration ethnique en ex-Yougoslavie n’ont pas eu lieu dans un lointain Moyen Age mais en 1990, et que chaque jour des femmes sont agressées en France. Les féministes arabes ont raison de souligner qu’à Tunis, au Caire, à la gare de Cologne ou ailleurs, il s’agit toujours de remettre en cause l’existence des femmes dans l’espace public - rappelons qu’en français «une femme publique» désigne d’abord une prostituée tandis qu’«un homme public» se dévoue au bien commun.