(Le problème des "cellules" et des chambres à l'hôpital psychiatrique)
par Lucien BONNAFE
Cet article de 1949 retrouve une actualité en particulier depuis que la Loi de Santé de 2015 et L'article 13 relatif à la psychiatrie qui concerne la contention et l'isolement.
(Information psychiatrique - VI 49 - p. 172)
"...L'irascibilité extrême qui tient à l'aliénation, et qui ne fait que s'aigrir par la réclusion et la contrainte" PINEL
"Il est indéniable que la cellule comporte pour les psychopathes de graves dangers, non pas tant en raison de la possibilité d'accidents ou de suicides par le fait d'une surveillance forcément insuffisante, que par des conséquences de l'isolement moral du malade. C'est dans les cellules que les malades deviennent généralement insociables, gâteux, violents, négativistes. C'est là qu'ils perdent tout contact avec la réalité et qu'ils se réfugient dans un autisme si profond que rien ne peut plus les en sortir".
Ce texte de Lauzier nous a servi dans un travail collectif encore inédit (*)
(* Depuis la rédaction de cet article, le travail cité ici a paru : Information Psychiatrique I - 1949 - page 18),
à introduire le problème de l'isolement à l'H.P. moderne. Je désirerais, dans le cadre de ces préoccupations, amorcer quelques considérations sur le sens de l'isolement thérapeutique et sa technique. Je souhaiterais à cette occasion, conformément à un voeu qui a été émis en plusieurs occasions par nos assemblées, que des essais du genre de celui-ci, et des échanges de vues sur des problèmes de ce type, prennent dans "l'Information" une plus large place.
La condamnation de la cellule en tant que telle appartient chez nous aux idées reçues. Cependant, pour qui a pu visiter un grand nombre de services d'H.P., on doit se rendre à l'évidence : il en est bien peu qui ne comportent un "quartier cellulaire" en activité et ces institutions anachroniques ne sont souvent pas loin d'égaler en horreur les "cabanons" des hôpitaux non spécialisés, ou l'infirmerie spéciale du dépôt. Cette persistance tenace d'appareils carcéraux en dépit de leur condamnation pose un problème qui me paraît d'une complexité méconnue.
Le développement de la culture psychanalytique et plus tard des réflexions méthodologiques comme celles dont j'ai fait état dans "le Personnage du Psychiatre" (Evolution Psychiatrique 1948,III), ont pu conduire certains, s'interrogeant sur les motifs profonds de leurs conduites professionnelles, de leurs hésitations, de leurs omissions, à expliquer le caractère timoré de leur lutte contre les aspects carcéraux de leurs services par une fixation de leurs propres tendances agressives sur ces objets. Dans la psychologie du personnel infirmier, des interprétations de cet ordre sont plus aisées. Sans doute n'est-ce pas seulement parce que les faits y sont moins subtils, mais aussi parce que le psychiatre lui-même les juge avec plus de liberté. Quoi qu'il en soit, un fait établi, à savoir que les conduites répressives sont favorisées par la vie conventuelle, montre que des considérations de cet ordre ne peuvent être tenues pour vaines. Un ressentiment contre le malade, alimenté par le confinement de l'existence asilaire, ne saurait être nié à priori. Quand on en connaît certaines manifestations simples, tout nous invite à en rechercher des expressions plus nuancées.
Pour m'en tenir ici à un plan plus superficiel, une donnée m'apparaît certaine : Si les appareils carcéraux subsistent dans les H.P. au-delà de ce qu'il serait raisonnable de tolérer, c'est qu'on ne sait pas par quoi les remplacer.