La démocratie sanitaire vue par Claude Rambaud
Les patients, agents perturbateurs du système de santé
Invitée par la société de conseil Nile, Claude Rambaud, présidente du LIEN et successeur de Christian Saout à la tête du Collectifinterassociatif sur la Santé (CISS) a tracé les défis de 2013 pour les patients : renforcer l’éducation à la santé et améliorer leur représentation politique.
« SUR LE PAPIER, depuis les lois de 2002 (relative au droit des malades) et 2004 (relative à la politique de santé publique), il y a tout sur la démocratie sanitaire. Mais dans les commissions où siègent 40 personnes, nous, représentants des usagers, sommes parfois un seul, face à des sachants aux allocutions très formatées ». Le ton est moins provocateur que celui de son prédécesseur Christian Saout mais la détermination est la même et ne se drape pas de belle parole. Pour défendre la démocratie sanitaire, Claude Rambaud ne ménage personne, ni institutions, ni corps médical.
Des usagers oubliés.
Des usagers oubliés.
La démocratie sanitaire doit se comprendre d’abord comme la possibilité pour le patient de participer aux décisions médicales qui le concernent. Claude Rambaud choisit l’exemple très polémique des réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) en cancérologie. « Pourquoi les patients qui le souhaitent n’assisteraient pas à la RCP alors qu’on fixe une échéance sur leur vie ? » demande-t-elle. « Cela empêcherait la parole libre des professionnels », répond dans la salle un médecin. Le désaccord semble irréductible.
La démocratie sanitaire s’entend aussi comme l’implication des usagers dans les décisions politiques qui pèsent sur le système de santé. Mais ils sont souvent les grands oubliés. « Une commission a été créée au ministère avec les professionnels sur la pertinence des soins. Le LIEN (qui défend les victimes d’infections nosocomiales et d’accidents médicaux) a dû prendre le train en marche pour se prononcer sur les recommandations de la Haute Autorité de Santé. Or nous avons d’autres idées », témoigne Claude Rambaud.
Pour Alain-Michel Ceretti, fondateur du LIEN, c’est l’ensemble de la sphère médico-économique qui exclut les usagers. Ses cibles : l’avenant 8 et la convention, « signés dans la consanguinité », selon les termes de sa consœur, l’Union nationale des caisses d’assurance-maladie, ou encore le Haut conseil de la santé publique. La composition du futur observatoire des pratiques tarifaires est attendue au tournant.
Savoir et moyens pour tous.
Pour que la démocratie sanitaire prenne tout son sens, Claude Rambaud plaide d’abord en faveur d’une éducation à la santé qui ne soit pas verticale. Le savoir ne doit plus être l’apanage des « sachants ». L’expertise et le ressenti des patients doivent être reconnus et devraient s’intégrer, estime-t-elle, à l’enseignement des pathologies. « Il y a trop peu de modules universitaires sur la relation soignants-soignés », déplore-t-elle.
En échange, les citoyens ne devraient plus être démunis face à la santé. L’école, mais aussi les collectivités locales et les associations devraient être des courroies de transmissions.
L’autre enjeu majeur réside dans les moyens mis à disposition des usagers et de leurs représentants qui doivent être mieux formés...Mais le système repose essentiellement sur le bénévolat. La dernière loi de finances prévoit une enveloppe de 5 millions d’euros qui devrait être reversée par l’agence régionale de santé d’Ile-de-France, à la direction nationale du CISS. « C’est peu. Nous fonctionnons déjà a minima. Dans les régions, les CISS sont censés toucher 30 000 euros des ARS : c’est le salaire d’une demi-secrétaire. La démocratie sanitaire ne sera effective que si nous avons les moyens », dénonce Claude Rambaud.
Dans son jardin, la présidente du CISS est consciente des efforts attendus : rationalisation des (trop) nombreuses associations et développement des compétences dans les régions. « Le CISS s’est mis en marche en 2005 : c’est un volcan pré-éruptif composé de 40 associations stars. Nous essayons de mieux nous organiser tout en respectant les individualités », conclut-elle, en guise de feuille de route.
› COLLINE GARRÉ
Abonnés 14/01/2013