Le deuil, un chemin singulier
LE MONDE | Par Christine Angiolini
Nous avons conscience d'être mortels. Mais qu'un proche, qu'un être aimé disparaisse et le monde semble s'effondrer. L'intensité de la douleur est à la mesure de l'attachement pour le disparu. Il y a douze ans, Philippe, 55 ans, perd son épouse âgée de 46 ans des suites d'un cancer incurable. "J'ai mis plusieurs semaines à réaliser que je ne la verrais plus. J'ai bien compris la mort, mais dans un déni subtil, j'en ai occulté les conséquences. Sa disparition m'a jeté sur une plage inconnue et austère, un lieu à découvrir, dont il fallait apprivoiser les formes et les règles." Une plage inconnue où se côtoient souvent tristesse et colère, désespoir et culpabilité, ainsi qu'une terrible sensation d'abandon...
Au tournant des années 1970, la psychiatre suisso-américaine Elisabeth Kübler-Ross modélise les étapes psychologiques qui se succèdent chez un malade dont la mort est annoncée : déni, colère, négociation, dépression et acceptation. Un modèle repris pour baliser les différentes étapes du deuil, mais qui ne fait pas l'unanimité chez les psys.
"Je ne crois pas à ces étapes, tranche la psychothérapeute Nadine Beauthéac, auteure de 100 Réponses aux questions sur le deuil et le chagrin (Le Livre de poche, 224 p., 6,10 euros). Je préfère parler de temps du deuil : le premier est celui du choc, le deuxième celui de la grande souffrance, qui peut durer de plusieurs mois à plusieurs années. Enfin, le troisième est celui du deuil cyclique et intermittent, lorsque l'endeuillé parvient à retrouver du bonheur et du plaisir dans la vie, ce qui n'exclut pas les moments de désespoir, de colère et de culpabilité."