Les "Jim"nastes du cortex ...
L’épaisseur du cortex varie au cours de l’évolution de la schizophrénie
Quels changements significatifs viennent affecter l’épaisseur du cortex dans la schizophrénie, et quelles sont les parts respectives de la maladie, du vieillissement normal ou pathologique, voire du traitement ? Fruit d’une collaboration entre une équipe d’Utrecht (Pays-Bas) et de Montréal (Canada), une étude longitudinale (sur 5 ans) a comparé des données d’imagerie par résonance magnétique chez 96 patients schizophrènes (70 hommes et 26 femmes) et 113 sujets-contrôles de 16 à 56 ans.
Au terme de cette recherche, plusieurs constats apparaissent : au départ, les schizophrènes ont souvent, par comparaison aux sujets-témoins, un amincissement du cortex plus marqué sur les régions « orbito-frontale gauche, para-hippocampale droite et temporale supérieure » contrastant avec un « épaississement du lobule pariétal supérieur et du pôle occipital. » En revanche, l’épaisseur moyenne du cortex (mean cortical thickness) ne diffère pas entre les deux groupes. Au fil du temps, un amincissement marqué intéresse de vastes zones (widespread areas) du manteau cortical, « plus prononcé pour le cortex temporal (bilatéral) et la région frontale gauche », et une évolution défavorable de la maladie se révèle « associée à une plus grande amplitude de cet amincissement cortical. »
Une autre observation intéressante concerne la part possible du traitement dans le déterminisme de cet amincissement : dans la mesure où, comparativement à la prise de neuroleptiques typiques (molécules plus anciennes), le recours aux neuroleptiques atypiques (antipsychotiques de deuxième génération) est « associé à un amincissement cortical moins prononcé », ce constat contribue ainsi à renforcer l’intérêt pour ces « nouvelles » molécules, puisqu’il suggère leur moindre interférence iatrogène avec les mécanismes physiopathologiques à l’œuvre dans la schizophrénie. L’existence de cet amincissement cortical confirme surtout l’implication de processus organiques dans le mécanisme de la schizophrénie, « plus marqués dans les régions frontales et temporales », et évoluant progressivement de façon péjorative au fil de la maladie.
Dr Alain Cohen
Neeltje E et coll. : Changes in cortical thickness during the course of illness in schizophrenia. Arch Gen Psychiatr,y 2011 : 871-880.
L’hémodynamique cérébrale peut-elle concourir au diagnostic de pédophilie ?
La médecine peut-elle fournir à la justice un examen complémentaire, susceptible de déceler la propension d’un individu à la pédophilie ? Si certains ont proposé le test phallométrique [1], son principe « intrusif », voire « dégradant » et sa « fiabilité limitée » incitent à rechercher une alternative moins controversée.
Réalisée sur 24 « participants pédophiles » et 32 sujets-contrôles « en bonne santé » (hommes), une étude allemande vise à évaluer l’intérêt éventuel d’une « analyse automatisée » des données en imagerie par résonance magnétique fonctionnelle pour aider au diagnostic « d’orientation sexuelle paraphilique. » L’idée générale est d’établir un profil des « réponses hémodynamiques du cerveau à des stimuli sexuels » (visuels, en l’occurrence la comparaison des réactions à des photographies d’adultes et d’enfants nus).
Appréciées en termes d’oxygénation sanguine liée à l’intensité des réactions neuropsychologiques aux stimuli présentés, ces réponses pourraient traduire l’existence de penchants pédophiles, susceptibles d’être ainsi révélés (ou du moins confirmés) par la pratique de ce type d’exploration présumée non intrusive et non dégradante, contrairement aux évaluations phallométriques, généralement très décriées [2]. Les chercheurs affirment que ce nouveau mode d’investigation serait assez fiable pour « identifier les sujets pédophiles avec une grande précision. » On peut toutefois émettre quelques réserves devant la faible taille de la population étudiée, ce qui est somme toute une bonne nouvelle, vu la nature des délits imputables à ces individus ! Et rappeler surtout, comme les auteurs le disent eux-mêmes, que si le déterminisme de la pédophilie est certes « mal compris », il ne se cantonne sûrement pas à cette seule dimension organique, mais combine sans doute divers facteurs « d’ordre neuro-développemental, social » ou autre.
Néanmoins, devant les difficultés pratiques auxquelles sont confrontés notamment les experts mandatés par les magistrats pour définir les risques de récidive, on ne peut qu’encourager la quête d’une meilleure objectivité en la matière, même si la relative simplicité de cette approche la rend probablement en partie illusoire.
Dr Alain Cohen
Ponseti J et coll.: Assessment of pedophilia using hemodynamic brain response to sexual stimuli. Arch Gen Psychiatry, 2012 ; 69 : 187-194.
Ce que pourrait apporter la génomique à la psychiatrie
Dans le projet de séquençage du génome humain, l’un des enjeux majeurs consiste à identifier des gènes de susceptibilité à des maladies, pour faciliter « le processus de diagnostic » et orienter vers de « nouvelles et meilleures stratégies thérapeutiques. » Mais si diverses affections somatiques commencent à être concernées, on constate que les progrès de la génomique ont « moins d’impact sur les pathologies mentales » et qu’ils n’ont débouché jusqu’à présent sur « aucun nouveau traitement utilisable en psychiatrie. »
Depuis 1995 environ, l’hypothèse « common disease-common variant » [1] suggère que la composante génétique de certaines maladies pourrait s’expliquer par « des variants communs de plusieurs gènes, avec un impact plus ou moins significatif de chaque variant. » Ce modèle s’est révélé fructueux pour plusieurs affections somatiques (diabète, maladie de Crohn, dégénérescence maculaire) où l’effet cumulé des variants « de 3 à 100 gènes » expliquerait « une part notable des cas héréditaires. » Mais une contribution analogue de la génétique à la psychiatrie semble « plus difficile. »
Dans les études d’association génétique, les maladies mentales sont liées à un « plus grand nombre de gènes » n’apportant chacun qu’une « très faible contribution » à la susceptibilité (génétique) globale. Par exemple, bien que les influences génétiques comptent pour « plus de 80 % du risque de schizophrénie », une étude récente[2] suggère que la plus grande part de ce risque s’expliquerait par « des variants communs de plusieurs milliers de gènes », dotés chacun d’une portée « extrêmement modeste » puisque la part d’accroissement du risque la plus significative représente à peine « 1 à 2 % » du risque global.
Dans une autre approche, le concept de « rares variants multiples » (multiple rare variant model)[3], les contributions génétiques à une maladie dépendraient de variants rares où un variant moyen aurait une incidence plus grande. Mais l’implication de tels variants est difficile à démontrer, puisqu’ils sont rares, par définition. Et dans le modèle CNV (copy number variants, variabilité du nombre de copies d’un gène)[4], une anomalie quantitative modifierait (à la hausse ou à la baisse) le nombre d’exemplaires d’un gène, donc la synthèse d’une protéine, avec in fine une incidence clinique plus ou moins marquée. Une CNV semble ainsi impliquée dans les troubles déficitaires de l’attention avec hyperactivité où une majoration du risque serait liée à des anomalies sur le site q13.3 du chromosome 15)[5]. Comme l’auteur précise que ces anomalies touchent notamment des gènes « déjà connus pour leur implication potentielle dans la schizophrénie ou dans l’autisme », on peut se demander si ces apports croissants de la génomique à la psychiatrie ne vont pas révéler un possible continuum entre diverses entités nosologiques où l’unité des perturbations génétiques pourrait transcender en fait l’apparente disparité clinique.
Dr Alain Cohen
Ross RG : Advances in the genetics of ADHD. Am J Psychiatry, 2012; 169-2: 115–117.