../ »- L’enjeu, quel est-il ? C’est de savoir où iront les fonds publics. Extrêmement minoritaires, les techniciens du conditionnement comportementaliste voudraient bénéficier désormais d’un soutien exclusif de l’Etat. À cette fin, ils ont excité des parents d’autistes, et manipulé leur souffrance, sans nul doute authentique, pour la transformer en force de frappe anti-psychanalyse et anti-psychiatrie. Ces associations aux maigres effectifs se sont coalisées, et se sont livrées à un lobbying prolongé. »/.. (
note de synthèse d’un Haut-Fonctionnaire à l’intention de sa hiérachie)
../ »Si la HAS suit les recommandations extrêmes inspirées par « Vaincre l’autisme » et ses experts, cela revient à créer ex-nihilo une bureaucratie médico-sociale pouvant prendre en charge 800.000 personnes et 8.000 enfants chaque année. Nous retrouvons là le type d’utopie inspirée au gouvernement britannique, par les mêmes secteurs scientistes, d’un vaste réseau de centres de psychothérapie comportementale brèves pour lutter contre la dépression et le chômage. Cette vaste usine à gaz a eu du mal à dépasser les Centres expérimentaux. Le changement de gouvernement a mis un terme à ce déploiement et l’on attend la publication des résultats »/..
E. Laurent La fin du règne de la HAS.
Une association notamment se démène « Vaincre l’autisme », tel est son nom. « Vaincre l’autisme », quelle curieuse conception, illusoire, rabattue sur le médical, ou sur la guerre .. Vaincre le cancer, vaincre le sida, la pauvreté peut-être même, mais là ne devrait-on pas d’abord et avant tout mettre en avant les autistes eux-mêmes, sujets qui pour être « affectés » d’une certaine pathologie de structure n’en sont pas moins sujets; « vaincre l’autisme », pour faire croire que cela peut disparaître?
Pour ma part, je ne reprendrai pas ici les questions autour de la génétique, ni non plus les insuffisances criantes de lieux d’accueil et de soins pour ces enfants, je dirai ceci:
J’ai été auprès d’enfants et adolescents autistes en pédopsy pendant plusieurs années. Je n’ai pas hésité à y proposer ateliers peinture, journal, comptines, promenades, pour créer un espace de rencontre, et ne me suis pas contentée d’être dans un bureau à « pratiquer des cures ». Qui peut croire cela, qui peut honnêtement faire croire cela, que les psychanalystes qui s’occupent d’autistes pratiquent ainsi la psychanalyse ? Notre équipe était, comme beaucoup d’équipes, dans l’humilité de savoir la plus sérieuse qui soit, attentive à leur souffrance, leur « inadaptation » dit-on maintenant, mais aussi, quand cela était le cas, à leur demande, leur éveil, leur joie. J’ai reçu les parents, seuls ou en couples, en consultations suivies. J’ai donc su combien parfois l’angoisse parentale et l’histoire de la naissance n’étaient pas, bien sûr, sans lien avec l’état de l’enfant. Disant cela je n’accuse personne et bien sûr pas les mères. Ceci étant d’ailleurs plutôt un mythe qu’autre chose. J’ai vu des parents hostiles, avides de vouloir tout savoir de ce que leur enfant « faisait » dans la journée (ceux qui ne parlent pas); méfiants, habités par une certaine détestation de l’autre, sous couvert d’une posture sacrificielle et souffrante. Mécanisme de défense subjective qui ne leur est pas propre, même s’il peut là être exacerbé. J’ai aussi rencontré des parents qui, à mes côtés, essayaient une élaboration, un point de vue, une question, un pas vers l’acceptation de cet enfant issu d’eux, différent, énigmatique, et il faut bien le dire souvent très, très, perturbant. Le pacte thérapeutique alors scellé dans le non-savoir partagé permettait parfois un bougé, un mot, un éveil, un déplacement, par rapport à l’envahissement souffrant que vivent ces enfants. (Le non-savoir n’est pas l’ignorance, il est plutôt une position subjective singulière issue et déchiffrée au cours d’une analyse, nous mettant à l’épreuve de nos positions imaginaires, et de nos certitudes moïques, il n’est pas l’ignorance et ne peut faire l’impasse sur une solide élaboration théorique).
On mélange des pathologies complexes; ces derniers temps, tout le monde était schizophrène, maintenant tout le monde est autiste; et demain? Absence de rigueur du diagnostic, absence d’humilité, absence de consentement au non-savoir, le matraquage idéologique qui met en avant les méthodes comportementales est hélas très productif. Quand on lit les commentaires sur les sites en ligne, on ne peut que constater majoritairement un aveuglement et une haine contre la psychanalyse, révélant là ce qui ne va pas dans le dire et dans le fantasme: un Autre méchant, trompeur, dangereux, responsable de tous les maux, un Autre qui ne promet pas le bonheur, qui ne berce pas d’illusions, mais qui dit que nous sommes tous et chacun soumis à l’arbitraire de la castration. Qu’il existe de l’Autre, infranchissable, parfois « irréparable », un arbitraire, un impossible, et que nous devons faire à notre mesure.
Sans doute insoutenable face aux « promesses » comportementalistes. Les méthodes comportementalistes ne sont pas, loin de là, le sauveur suprême; celles-ci sont des méthodeséducatives; elles sont parfois adéquates, parfois trop violentes, pour un sujet en défaut spéculaire, sans accès symbolique (précisons qu’il y a plusieurs autismes et que c’est maintenant la nouvelle lubie d’en voir partout, ce qui était le cas avant de la schizophrénie).Elles sont en tout cas des techniques d’éducation, et comme toutes méthodes éducatives, elles comportent une part de dressage; parfois il est soft et adapté au cas par cas et pas sans la parole, parfois il est mécanique et s’applique aveuglément de façon objectale. Il ne peut exclure la dimension thérapeutique, cure par la parole quand c’est possible, inventive, et toujours comptant l’autre comme sujet. Là où on invente, on bricole, on apprivoise, on suscite un peu de vie, un par un, à chaque fois.
Il faut bien comprendre que nous, psychanalystes, ne faisons pas sans l’inconscient, et ce que cela dit ou pas, et ce que cela agit qui nous échappe. Nous ne sommes pas au lieu de l’éducatif. (je laisse de côté la question génétique, qui, même si elle était fondée, ne ferait pas d’un petit sujet un être sans corps, sans vie, sans jouissance, sans désir, sans pulsion, un être humain quoi, et pas une machine ou un animal à dresser.La responsabilité psychique qui vaut pour chacun de nous du lieu de l’inconscient, n’est pas à confondre avec la culpabilité, la faute n’est pas la cause, psychique, logique,ce qui fonde et construit le petit sujet dans le désir parental et donc le désir maternel. Tout un chacun qui explore cela dans une analyse, je ne parle pas là d’autiste, sait bien comment nous sommes parlés par l’autre, constituant du désir, notre défense contre le réel. Les autistes sont verbeux disait Lacan, même s’ils ne parlent pas ils sont pris dans le langage et d’autant plus s’ils ne parlent pas.Il me faut aussi rappeler l’incidence d’une formation psychanalytique « personnelle » longue pour chacun de nous; des publications, des groupes de travail, de réflexion, d’un sérieux qui n’a d’égal que le désir qui y est investi… humblement, mais pas sans assise théorique. Vous pouvez consulter sans retenue cet excellent travail: Recherches psychanalytiques sur l’autisme: L’autiste, son double, et ses objets. PUR 2009.
Et puis:.. / »Les autistes qui écrivent ne sont pas des fous littéraires. Ils ne croient pas comme ces derniers avoir fait une grande découverte. Ce sont des sujets à prendre au sérieux. Ils s’expriment pour faire savoir qu’ils sont des êtres intelligents, pour être traités avec plus de considération, et pour appeler à un respect de leurs inventions élaborées pour contenir l’angoisse. Souhaitent-ils qu’on interdise légalement leur écoute pour les soumettre, le plus souvent sans leur consentement, à des méthodes d’apprentissage ? Faut-il prendre le parti de les écouter ou celui de les contraindre ? Choisir de les écouter expose à se confronter à des opinions dérangeantes. Une des autistes de haut niveau parmi les plus connues, Donna Williams, n’hésite pas, à l’égard du traitement de l’autisme, à s’engager fortement : « la meilleure approche », écrit-elle, ce serait « celle qui ne sacrifierait pas l’individualité et la liberté de l’enfant à l’idée que se font de la respectabilité et de leurs propres valeurs les parents, les professeurs comme leurs conseillers1 ». Une autre confirme : « … les personnes qui m’ont le plus aidée ont toujours été les plus créatives et les moins attachées aux conventions 2» La psychanalyse n’est pas une, elle est multiple, comme le sont les pratiques psychanalytiques ; elles ont pourtant toutes un point commun : elles sont fondées sur l’écoute de l’autre. Songer à interdire légalement l’écoute d’un groupe humain révèle une idéologie politique sous-jacente des plus inquiétantes. Certes, toute écoute n’est pas psychanalytique, mais comment le législateur fera-t-il la différence entre la pratique psychanalytique nocive de l’écoute et celle bénéfique autorisée? »/.. Ainsi J-Claude Maleval pose-t-il le problème dans une excellente étude appuyée sur les productions littéraires de ces personnes appelées « autistes de haut-niveau ». J-C Maleval « Ecoutez les autistes ».
Et puis:::/ »La campagne de presse préparée par des professionnels pour soutenir la thèse d’un ensemble d’associations de parents d’autistes raconte une histoire. Elle caricature la psychanalyse pour proposer les seules thérapies comportementales comme solution adaptée à l’autisme dans son ensemble, et sur toute l’étendue de son spectre./..Aux USA, les traitements comportementaux rencontrent des objections et des limites : éthiques, économiques et légales. L’objection éthique porte sur le nombre et l’intensité des punitions à exercer pour forcer l’isolement du sujet. Quel est le juste prix de la greffe d’un comportement répétitif sur un sujet très replié sur lui-même ? Certains pratiquants de la méthode ABA ont pu cristalliser des plaintes pour « comportements non éthiques » envers des enfants. Jusqu’où aussi peut-on transformer les parents en éducateurs intensifs de leurs enfants ? Certains l’ont fait jusqu’à l’épuisement, provoquant une sorte de burn-out parental. Au Canada, pays spécialement sensible à la protection des communautés, l’objection est allée jusqu’à considérer l’imposition de ces comportements comme une atteinte aux droits du sujet autistique comme tel. Il fallait partir de l’autisme pour concevoir des apprentissages appropriés et non imposer l’apprentissage répétitif simple. Entre les deux positions radicales, les USA et le Canada présentent toute une série d’approches mixtes qui souhaitent s’éloigner de techniques rigides, assimilables à un dressage, pour solliciter les particularités de l’enfant dans l’étendue du ‘‘spectre’’ des autismes. Aux USA, les techniques ABA sont plutôt considérées comme le passé. »/..Pour en savoir davantage sur les méthodes comportementales E. Laurent « Storytelling et jugement ».
Alors prenons garde, aujourd’hui l’autisme et demain tout le reste..
AUTISME: L'AVENIR DES ENFANTS EN JEU
La Haute autorité de santé remet en cause le bien-fondé de la psychanalyse dans la prise en charge de l’autisme. Un gros coup porté à la communauté psy. Un espoir pour les parents de jeunes autistes.
Vanessa Boy-Landry - Parismatch.com
Séisme sur la planète psy ! La Haute Autorité de santé prévoirait de classer les pratiques psychanalytiques au rang des « interventions globales non recommandées ou non consuelles » dans la prise en charge de l’autisme, pouvait-on lire la semaine dernière dans « Libération », qui s’est procuré le projet de rapport de la HAS. La psychanalyse, retoquée? « C’est comme si on décrétait que c’était la fin de l’inconscient ! », lâche le responsable d’un centre de ressources sur l’autisme cité par le quotidien. Une bombe lâchée sur un terrain miné qui oppose aujourd’hui les associations de parents à la communauté des psychiatres, psychanalystes et pédiatres, attachés à l’approche psychique de la maladie au détriment du traitement éducatif et comportemental.
La mèche avait été allumée, déjà le 20 janvier, à l’Assemblée nationale, quand Daniel Fasquelle, député du Pas-de-Calais (UMP) dénonce la pratique du « packing » (procédé d’enserrement de l’enfant autiste dans des linges froids et humides dont le réchauffement progressif lui permet de reprendre conscience de son corps) la qualifiant de « véritable torture» à arrêter d’urgence.
DES GÉNÉRATIONS DE PARENTS CULPABILISÉS
Autre marque d’hostilité à la psychanalyse, le documentaire « Le Mur », dont la réalisatrice Sophie Robert a été assignée en justice puis condamnée le 27 janvier pour avoir filmé de manière partiale des psys « connus pour leur adhésion à une psychologie oedipienne de bazar », réagit Elisabeth Roudinesco, historienne de la psychanalyse, dans "Libération", pour lesquels « seule la sacro-sainte loi du père serait un rempart contre une prétendue folie universelle des mères ». Avant d’ajouter « que ces praticiens ne représentent plus qu’eux-mêmes et en aucun cas l’ensemble des cliniciens ».
Il n’empêche que plusieurs générations de parents se sont sentis culpabilisés par la théorie du psychanalyste Bruno Bettelheim, où l’autisme est une psychose infantile due à la mauvaise relation de la mère à son bébé. Hypothèse largement dépassée aujourd'hui pour la science, qui met en jeu dans l’apparition de la maladie un mauvais fonctionnement des circuits neuronaux et fait de l'autisme "une maladie neurobiologique et caractérisée par des troubles du comportement et non une maladie psychiatrique", comme le souligne Marie Bardot, présidente de l'association Diamant, dans ses actions de sensibilisation en faveur des autistes. Cette exclusivité donnée à l'approche psy en France lui fait accuser aujourd'hui un net retard dans le développement des méthodes éducatives et comportementales qui semblent avoir fait leurs preuves dans le monde entier (telles que ABA ou Teacch, très répandues notamment outre-Atlantique et en Belgique). Là où certains psys ne voient que des outils de dressage, des solutions "ready-made", de nombreux parents témoignent au contraire de méthodes éducatives qui permettent à leurs enfants de s'intégrer socialement et mêem d’améliorer le pronostic, surtout quand ils en bénéficient dès le plus jeune âge.
VERS UNE PRISE EN CHARGE MULTIDIMENSIONNELLE?
Un retard que le gouvernement semble aujourd’hui décidé à rattraper, conscient de “l’urgence de rétablir les équilibres, de privilégier une approche moins hospitalo-centrée et plus axée sur le projet de vie et la citoyenneté”, explique Marie-Anne Montchamp, secrétaire d’Etat auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale citée par “Le monde”, qui pondère le sujet de la discorde en expliquant qu’elle “n’exclut pas l’intérêt de la psychanalyse car quand un enfant autiste arrive dans une famille, tout explose”. Au-delà de la bagarre, beaucoup de praticiens considèrent qu’il est important de pouvoir réaliser une prise en charge multidimensionnelle (un mélange de méthods éducatives, rééducatives, et de psychanalyse) pour cette maladie aux mille visages.
Très attendues, les recommandations de la HAS seront rendues publiques le 8 mars. L’enjeu est délicat car une position radicale risquerait de monter les psychiatres contre l’Etat et d’attiser la haïne des parents contre la psychanalyse alors que la Fédération française des dys (troubles du langage et des apprentissages) vient Grande cause nationale 2012, l’autisme mérite mieux que des règlements de comptes.