Suicide à l'hôpital: l'Enfant-Jésus et un psychiatre poursuivis
Dans son action, le demandeur reproche au psychiatre d'avoir «commis une erreur majeure dans l'évaluation du risque suicidaire» de sa conjointe. Quant au personnel de l'Hôpital de l'Enfant-Jésus, il allègue qu'il a fait preuve de négligence dans le suivi du protocole de sécurité malgré les menaces de suicide.
PHOTOTHÈQUE LE SOLEIL, JEAN-MARIE VILLENEUVE
Richard Hénault
Le Soleil |
(Québec) À la suite du suicide de sa conjointe au département de psychiatrie de l'Hôpital de l'Enfant-Jésus, en décembre 2008, un résidant de Québec intente une poursuite contre l'établissement et le psychiatre traitant de la femme.
Comme elle était le principal soutien de sa famille, le demandeur réclame 1,6 million $ pour la perte de soutien financier et 105 000 $ pour les douleurs que la perte a occasionnées à son garçon de 11 ans et à lui-même.
En mai 2008, la conjointe de Gino Boutin durant 22 ans, une agente correctionnelle et chef d'unité au Centre de détention de Québec, avait été placée en arrêt de travail pour traiter une dépression. En septembre, lorsque sa condition s'est aggravée, elle a été admise au département de psychiatrie de l'Hôpital de l'Enfant-Jésus.
Après une semaine, elle a reçu son congé avec la recommandation de suivre une thérapie de jour. Le matin de son premier rendez-vous, elle a toutefois fait une première tentative de suicide en s'infligeant une blessure à l'abdomen à l'aide d'un couteau.
À la suite de sa deuxième tentative, en novembre, elle a de nouveau été admise au département de psychiatrie de l'Hôpital de l'Enfant-Jésus, sous les soins du second défendeur, le Dr Alain Dion. Le psychiatre a alors diagnostiqué une dépression avec idées délirantes et suicidaires, indique le demandeur dans sa déclaration déposée en Cour supérieure. Une surveillance étroite de la dame a alors été mise en place. Elle prévoyait que tous ses effets personnels seraient gardés sous clé.
Les choses ont été loin de s'améliorer puisqu'en décembre, relate M. Boutin, les propos de sa conjointe sont devenus de plus en plus délirants. Il appert que le personnel infirmier lui répondait de ne pas s'inquiéter, car la patiente se trouvait entre bonnes mains, dans un milieu sûr. À Noël, le demandeur a remis en cadeau à sa conjointe une robe de chambre. Elle a tout de même tenu d'autres propos suicidaires au cours de la journée.
De nouveau alerté par le mari, le personnel infirmier lui a répété que l'hôpital assurait la sécurité de la patiente. Dès le lendemain, toutefois, la défunte a fait sa troisième tentative de suicide, à l'aide du cordon de la robe de chambre. Durant les jours suivants, mentionne
M. Boutin, sa conjointe a répété ses propos suicidaires et le personnel a continué à se montrer rassurant. Le dernier jour de l'année, elle lui téléphone pour l'aviser de son «projet de trouver une solution» afin de mettre fin à ses jours. Le demandeur transmet ces menaces au personnel.
En fin de journée, de narrer M. Boutin, le Dr Dion l'appelle pour lui annoncer que sa conjointe se trouve entre la vie et la mort. À l'arrivée à l'hôpital du conjoint, on l'informe de son décès. M. Boutin a appris qu'elle avait mis fin à ses jours en utilisant le cordon de sa robe de chambre.
Dans son action, le demandeur reproche au psychiatre d'avoir «commis une erreur majeure dans l'évaluation du risque suicidaire» de sa conjointe. Quant au personnel de l'hôpital, il allègue qu'il a fait preuve de négligence dans le suivi du protocole de sécurité malgré les menaces de suicide.