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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

samedi 10 décembre 2011


Drame de la vie:les missions de la cellule psychologique



La journée d’hier a été une journée noire. Au total, quatre personnes, dont une adolescente et deux enfants âgés de 18 mois et 3 ans ont péri dans des circonstances tragiques. Pour les familles endeuillées, un long et pénible travail de deuil commence. La cellule d’aide psychologique doit permettre aux proches, aux personnes qui ont été témoins de ces scènes effroyables de se reconstruire. Interrogée pour Antenne Réunion, le Docteur Visnelda-Douzain décrit les missions de cette cellule d’urgence. Entre 8h et 9h, l’émission "C’est vous qui faites l’info" abordera le thème des accidents domestiques et de la prévention. 

  
Deux drames, deux familles endeuillées et une douleur insoutenable. A Saint-André, les habitants de la Zac Fayard sont sous le choc, après la disparition brutale de la jeune Sarah, une collégienne de 14 ans, morte écrasée par un bus alors qu’elle sortait des cours. Dans la commune proche de Sainte-Suzanne, des parents pleurent le décès de leurs deux marmailles âgés de 18 mois et 3 ans. Les jeunes enfants qui se trouvaient seuls avec leur frère aîné de dix ans ont péri dans l’incendie de leur maison. Un jeu avec les allumettes serait à l’origine du drame. 
  
Ces événements tragiques marqueront à jamais les proches des victimes. Pour les aider à faire face à cette dure réalité, des professionnels sont mobilisés. Le Docteur Christine Visnelda Douzain est Responsable de la Cellule d’Urgence Médico-Psychologique départementale et régionale. Interrogée pour Antenne Réunion, la psychiatre a accepté de décrire son travail au quotidien et les dispositifs mis en place pour prendre en charge les personnes affectées par ces drames de la vie.  
  
Les cellules de soutien psychologique ont vu le jour suite aux attentats du Métro Saint-Michel. Cela fait donc plus de quinze ans qu’un tel dispositif est employé pour gérer des situations de crise et prendre en charge les personnes affectées par un drame, qu’il s’agisse d’un incendie, d’un grave accident de la route, d’une noyade ou encore d’une attaque terroriste.  
  
Comme l’explique le Docteur Visnelda-Douzain, la mission première de la cellule d’urgence consiste à prévenir ce qu’on a coutume d’appeler dans le jargon médical "les troubles psychosomatiques", qui peuvent survenir après les événements cités plus haut. Les conséquences à moyen terme peuvent être assez importantes en terme de souffrance psychologique.  
  
Dans ce contexte, plus la prise en charge, le diagnostic, est précoce, plus on a des chances d’obtenir des résultats probants en termes d’évitement de la pathologie. Il faut toutefois dissocier les troubles psychiques liés à ces événements douloureux, du travail de deuil que les personnes doivent effectuer lorsqu’elles ont perdu un être cher dans des circonstances dramatiques. 
  
Dans le cas de l’incendie qui a fait deux jeunes victimes à Sainte Suzanne hier, deux marmailles âgés de 18 mois et 3 ans, la Responsable de la Cellule d’Urgence rappelle que " les parents n’ont pas assisté au drame, et quelque part heureusement pour eux". La professionnelle indique que "cela limitera au moins quelques risques de souffrance sur-aigüs". Et d’ajouter que la règle de base dans ces situations reste l’humanité, l’entraide, la solidarité qui s’organise autour des personnes directement affectées par ces morts brutales.  
  
L’humanité, la présence et le temps peuvent en effet suffire dans bien des cas. Selon le Docteur Visnelda-Douzain, la psychiatrie n’est en effet pas nécessaire dans la mesure où le travail de deuil qui demande du temps, est facilité par la famille, par la société.  
  
La psychiatre et les membres de son équipe interviennent sur demande du Samu, lorsque la douleur des proches, des témoins est jugée trop violente ou qu’elle génère des troubles psychiques importants. La prise en charge est différente en fonction des rapports qu’entretenaient les personnes avec la ou les victimes. Que l’on s’adresse aux personnels de secours ou aux parents d’un enfant décédé, l’approche est différente. "Nous devons respecter un protocole, une marche à suivre spécifique à chacun" précise le Docteur Visnelda-Douzain. 
  
L’idée est d’aller au plus près de l’événement pour assister les personnes qui ont été témoins d’une scène effroyable. Le processus de reconstruction peut prendre du temps parfois, parfois non. Ses années d’expérience ont montré au Docteur Visnelda-Douzain que "Cela dépend des personnes, de leur histoire, de leurs ressources internes. Certains drames sont plus difficiles à surmonter. On remarque ainsi que la mort de petits enfants est particulièrement dure à accepter. De la même façon, les incendies meurtriers génèrent d’importants traumatismes dans la mesure où il s’agit d’une mort douloureuse".  
  
Si les personnes touchées par un accident de la route mortel sont en général bien suivies sur le plan psychologique et psychiatrique, la prise en charge est moindre à la suite d’incendies mortels. Ce constat, le Docteur Visnelda-Douzain le déplore. Elle parle "d’un oubli étrange" et insiste sur le fait que ces événements sont eux aussi très traumatogènes.  

Union des Syndicats CNT de la Loire

(Interpro, PTT, Santé-Social, Éducation,
Communication, Culture et Spectacles)




Le fichage des patients en psychiatrie
[Posté le 4/12/2011]
On ne peut aborder la problématique du fichage en psychiatrie, sans la replacer dans la logique à l’oeuvre dans l’ensemble de la société française - sinon mondiale - aujourd’hui, où de nouvelles technologies de contrôle social se développent, au risque, paradoxalement, d’échapper à tout contrôle citoyen. Le fait est que le fichage aujourd’hui se généralise et s’accélère dans tous les domaines.*

- "Plaquette d’information et de résistance contre le fichage en psychiatrie" établie par le docteur Olivier Labouret, praticien hospitalier, les membres de la LDH, des 39 contre la Nuit sécuritaire,
PDF - 36.1 ko
Plaquette d’information et de résistance contre le fichage en psychiatrie
du collectif "Mais c’est un homme", de l’Appel des appels, SUD santé sociaux, de la FSU et de la CGT santé, de Serpsy, d’Advocacy, de l’Unafam, du CRPA, de DELIS, et de tout autre mouvement ou association participant au réseau CNR-IDPPsy

- "Plaquette des droits des patients en soins sans consentement" établie par le collectif "Mais c’est un homme" auquel appartiennent
PDF - 103.1 ko
Plaquette des droits des patients en soins sans consentement
l’USP, la LDH, Sud, le Syndicat de la magistrature et plusieurs associations d’usagers, entre autres.
*Dr Olivier LABOURET





ACTUALITÉ HAZEBROUCK

Le tribunal administratif donne raison au Dr Paresys, de l'EPSM des Flandres

08.12.2011
 Le DrPierre Paresys vient d'être élu président de la commission médicale d'établissement de l'EPSM des Flandres.Le DrPierre Paresys vient d'être élu président de la commission médicale d'établissement de l'EPSM des Flandres.

|  ON EN PARLE |

Le Dr Pierre Paresys a finalement obtenu gain de cause dans le conflit né en 2009 suite à son non-renouvellement dans ses fonctions de service de psychiatrie à l'établissement public de santé mentale (EPSM) des Flandres à Bailleul. Mais, depuis, le poste en question a été supprimé par une réforme.
PAR CHRISTIAN TAFFIN
hazebrouck@lavoixdunord.fr PHOTO ARCHIVES « LA VOIX »
C'est un long feuilleton, qui a fait couler beaucoup d'encre au fil de ses péripéties. En juillet 2009, le Dr Pierre Paresys entrait en conflit avec l'Agence régionale d'hospitalisation (ARH, devenue depuis Agence régionale de santé, ou ARS) car il n'était pas reconduit dans ses fonctions de chef de service de psychiatrie de Gravelines - Grande-Synthe, qu'il occupait depuis 1994 et dans lesquelles il avait déjà été renouvelé deux fois.
Cette décision avait été prise malgré un avis favorable de la commission médicale d'établissement de l'EPSM des Flandres. En revanche, le conseil exécutif (six médecins plus six administratifs et le directeur, dont la voix est prépondérante) de l'EPSM n'y était pas favorable. En toile de fond, il y avait les critiques contre la loi Bachelot qui, depuis, a bouleversé la donne. Aujourd'hui, notamment, les postes de chefs de services de secteurs de psychiatrie n'existent plus. Ils ont été remplacés par des chefs de pôles, nommés par les directeurs.
Le Dr Paresys avait reçu le soutien de l'Union syndicale de la psychiatrie, dont il avait été le président national et dont il restait le président régional. Il avait aussi été soutenu par ses collègues et par les personnels avec une pétition dans son service. Il avait également adressé un recours à Roselyne Bachelot, ministre de la Santé, qu'elle avait rejeté.
Restait une action devant le tribunal administratif de Lille, dont la décision est tombée le mois dernier : le tribunal a annulé le refus de reconduire le Dr Paresys dans ses fonctions, au motif que le directeur de l'ARH était « incompétent pour prendre des décisions relatives au renouvellement des chefs de services des établissements publics de santé dans leurs fonctions ». Un refus qui ne rendra pas cette fonction au D r Paresys, puisqu'elle n'existe plus aujourd'hui : « Il n'y aura pas de retour en arrière. La seule chose, c'est que ça vient condamner l'ARH. Il s'agissait bien de me mettre à l'écart en tant que syndicaliste. Il s'agissait aussi d'envoyer un message à la profession. Ça nous avait fait beaucoup de mal au niveau de l'équipe. C'était quelque chose de complètement violent et arbitraire. » Le D r Paresys ne retrouvera pas la fonction, mais il conserve la confiance de ses confrères puisqu'il a été élu la semaine dernière président de la commission médicale d'établissement de l'EPSM des Flandres. •

Le Rapport, les conditions de détention en France : l'outil pour savoir et faire savoir

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Pour télécharger le dossier de presse, cliquez ici.

Le Rapport Les conditions de détention en France
, édité aux éditions La Découverte, sera disponible auprès de l'OIP à partir du 6 décembre 2011 et en librairie le 5 janvier 2012. Destiné à un public soucieux du respect des droits fondamentaux de la personne, cet ouvrage de 336 pages qui couvre une période de cinq ans (2005-2011) fournit les clés pour comprendre les tenants et aboutissants du scandale persistant du système carcéral français.

A l'aune d'enquêtes qu'il réalise dans les prisons, et d'observations cumulées par de nombreux acteurs, institutions, et chercheurs, l'OIP dresse dans cet ouvrage, un état des lieux des différentes dimensions de la vie et du travail derrière les murs.Des dispositifs de sécurité s'inscrivant dans une logique de coercition plus que de prévention, aux possibilités d'accès aux soins somatiques et psychiatriques, en passant par le travail des détenus, les contacts avec leurs proches et leurs possibilités d'expression une véritable radiographie de la prison est mise à disposition de tous. Elle témoigne d'un mode de sanction plus contre-productif que réparateur, invitant à revisiter autant nos représentations des auteurs d'infraction que de la réponse pénale et sociale.

Cette édition 2011 vise à devenir un document de référence du débat public sur la prison et la réponse pénale dans les années à venir. Nous souhaitons qu'il fasse l'objet d'une diffusion particulièrement large, notamment dans les rayons de l'ensemble des bibliothèques des établissements pénitentiaires à destination des personnes incarcérées. Depuis sa création, l'OIP met en effet un point d'honneur à mettre gracieusement ses publications à disposition des personnes détenues. Á l'occasion du 10 décembre 2011, journée mondiale des droits de l'Homme, les bibliothèques des prisons recevront par voie postale près de 2 000 exemplaires de ce Rapport. Les détenus qui en feront la demande pourront également le recevoir directement. 
Lire la suite ici

LIMOGES
SANTÉ  

Glissements de tâches dans le secteur de la santé : la réalité cachée
7 DÉCEMBRE 2011



B
udgets contraints, démographie médicale en berne, les glissements de tâches concernent désormais tous les métiers de la santé. Souvent même au mépris du Code de santé qui les régit.

Une aide-soignante qui fait la tournée des anticoagulants, une infirmière qui donne un antalgique non prescrit par le médecin… à première vue rien de choquant pour le patient, qui ne s’en rendra même pas compte. Sinon que, juridiquement, et dans les deux cas, il y a exercice illégal d’une profession, dont les compétences et les limites sont clairement définies par le code de la santé.
Une situation fréquente dans les hôpitaux et dans les EHPAD (Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes). « Ce sont sans doute les établissements les plus concernés, estime Christophe, infirmier (FO). On voit des emplois aidés, embauchés pour des activités annexes -hôtellerie, rangement- faire fonction d’agent de service hospitalier, voire même d’aide-soignant ! Ils n’ont ni les compétences ni la possibilité de refuser. Et il arrive que l’un d’entre eux se retrouve seul la nuit sur un EHPAD, avec un téléphone pour appeler le SAMU en cas de problème… »
Si pour ces métiers les contraintes financières des établissements peuvent largement expliquer la situation, pour les personnels infirmiers, c’est souvent le manque de médecins dans certaines spécialités qui les fait sortir de leurs compétences. Pour, par exemple, poser un cathéter central, qui est un acte médical.
Certes, ces glissements de tâches ont toujours plus ou moins existé, mais ils étaient davantage formalisés. D’une certaine façon, ils facilitaient la promotion au sein des établissements. Au bout de quelques années, un agent hospitalier pouvait intégrer une formation d’aide-soignant, et une aide-soignante intégrer une formation d’infirmière. Un dispositif aujourd’hui en panne pour deux raisons. D’une part, parce que les budgets de formation ont subi une cure d’amaigrissement en raison des contraintes budgétaires. D’autre part, parce que les effectifs sont tellement tendus dans les hôpitaux, que le détachement d’un agent risque de perturber gravement le fonctionnement de son service. « Une situation flagrante depuis l’instauration de la tarification à l’acte à 100 % dans les hôpitaux », selon les syndicats.
Glissement de tâche ou glissement de terrain ?
Toutes les professions de santé sont donc concernées par des glissements de tâches insidieux. À l’hôpital, comme dans tous les secteurs économiques, la polyvalence, devenue la règle commune, a été facilitée par l’instauration systématique de protocoles censés faire face à chaque situation. Une infirmière de dermatologie envoyée en médecine infectieuse ou en oncologie ira car elle n’a pas le choix.
« Le problème, c’est qu’elle n’y sera pas à l’aise et qu’elle ne sera pas performante. Dans ce cas-là, on va davantage vers un “glissement de terrain”, avec les risques que cela comporte, que vers un glissement de tâche », ironise Jean-Christophe Razet, secrétaire départemental FO Santé, opposé à ces transferts.
Même problème pour les kinésithérapeutes et les ergothérapeutes, si précieux dans les EHPAD, où l’enjeu est le maintien de l’autonomie de la personne âgée. Les glissements de langages étant les alliés des glissements de tâches, au lieu de séances de kiné, on parle “d’aide à la marche” et de “réactivation des gestes du quotidien”, et le tour est joué. De ce fait, n’importe qui -avec la meilleure volonté du monde mais sans les compétences- va se charger de ce qui relève d’un vrai métier.
Dominique PIERSON

L’intersyndicale se remobilise contre l’Ordre infirmier

 
Dénonçant notamment un "chantage à l'embauche" auprès des jeunes diplômés de la part d'un Ordre "discrédité par une majeure partie de la profession", l'intersyndicale appelle à l'abrogation de l'institution ordinale.
Co-signataires du texte, CFDT Santé Sociaux, CGT Santé Action Sociale, CFTC Santé Sociaux, FO Santé Sociaux, SNICS FSU, SUD Santé Sociaux et UNSA Santé Sociaux appellent les professionnels contre l'Ordre à " intervenir localement (...) avec leurs organisations syndicales" .
Toujours en grande difficulté financière, l'Ordre infirmier est toutefois en passe de remplir son objectif de 90 000 cotisants nécessaire à sa survie.
Rédaction ActuSoins

Le grand âge privé de risques

REPORTAGEUne vieille dame aime la bière, on la lui interdit. Une autre tombe, sa famille veut l’attacher. Comment organiser la vie des vieillards sans l’aseptiser ? C’est le thème d’un débat, aujourd’hui à Lille.

Par ERIC FAVEREAU
Elle est silencieuse, repliée dans sa chambre de cette maison de retraite plutôt chic. Souvent, elle baisse les rideaux. Près de son lit, il y a deux déambulateurs. Cette pensionnaire a 92 ans. Elle sort peu, mais elle veut marcher. C’est tout ce qui lui reste : faire quelques pas autour de son lit. On lui a installé une sonnette. Mais voilà, elle marche mal. Et, de ce fait, risque de tomber tout le temps. «C’est un peu difficile, raconte une aide-soignante.Mais on gère sans trop de mal.»
Le problème ? Ce sont ses enfants : ils ne veulent surtout pas de chutes. Quand ils viennent le week-end et qu’ils aperçoivent un bleu sur une jambe de leur mère, c’est aussitôt le drame. Depuis peu, ils sont prêts à ce que la maison de retraite «attache» leur mère sur le fauteuil, «pour ne pas qu’elle tombe»«On ne sait trop quoi faire», note la médecin de l’établissement.«Cette résidente ne veut pas sortir de sa chambre. Elle se dit bien comme cela. On ne va pas la laisser seule, attachée sur son fauteuil.» Une aide-soignante : «Les chutes, on arrive à les éviter, mais c’est vrai que c’est compliqué pour les autres, cela peut saigner beaucoup.»
Les enfants sont ambigus. «On n’a pas confiance, on ne veut pas prendre de risques pour notre mère. Nous ne sommes pas là pendant la semaine et on ne veut pas qu’il lui arrive quelque chose», explique avec émotion et un peu de culpabilité une des filles. Quand on tente de parler avec la vieille résidente, elle vous repousse. Et elle vous dit avec force : «Laissez-moi tranquille, je suis bien dans ma chambre, allez-vous en !» La grande vieillesse serait-ce cela ? Une page blanche. Qu’il ne vous arrive plus rien. Plus de risques, plus de chutes. Une vie aseptisée. C’est sur ce thème que vont débattre, cet après-midi à Lille (Nord), des gériatres, des philosophes et des personnes âgées, à l’initiative du centre d’éthique de l’hôpital Cochin, en partenariat avec France Culture et Libération. Le thème, ce mois-ci : «Le risque et le raisonnable, faut-il protéger les vieux de la vieillesse ?»
«Seul plaisir». La question est tout sauf anodine. La grande vieillesse semble avoir changé de statut, devenant un moment neutre où il ne se passe plus rien, pis : où il ne doit plus rien se passer ? La sécurité plutôt que la vie. Autre exemple, dans une maison de retraite que l’on appelle aujourd’hui les Ehpad (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes). C’est une très vieille dame qui se trouve peut-être en fin de vie. Dehors, c’est l’automne. Elle est élégante, autoritaire sûrement un peu, mais là elle ne sort plus de son lit. Et se nourrit à peine tant elle a des difficultés pour avaler. Sa fille et sa belle-fille sont très présentes. «Son seul plaisir, c’est la bière. En boire un petit peu», raconte sa fille. Mais voilà, il y a des risques de fausses routes, avec des possibilités d’étouffement bien pénibles pour elle et pour son entourage. «On lui en donne, peu importe, on voit bien que cela lui fait tant plaisir», raconte sa belle-fille.
A la maison de retraite, on est plutôt contre. «C’est un risque inutile. Mais c’est vrai que c’est la seule chose qu’elle nous demande. Elle a toute sa tête. De quel droit veut-on la protéger contre elle-même ?» s’interroge la directrice. «La vie, c’est quand même faire des choix, prendre des risques. Et là, plus on vieillit plus ce choix vous est retiré», analyse un gériatre hospitalier. «Ce n’est pas toujours facile», réfléchit à voix haute, la DrFabienne Tourres, qui travaille dans une maison de retraite à Antony (Hauts-de-Seine). «A partir du moment où ils sont en institution, ils ont fait le choix de plus de sécurité, mais pour autant…» Et Fabienne Tourres raconte une histoire parmi tant d’autres : «C’était la semaine dernière. Une résidente qui est là depuis plus de cinq ans, venue avec son mari qui est mort depuis. Elle a un peu plus de 85 ans. Elle veut sortir, et jusqu’à présent elle sortait accompagnée. Elle va bien, elle a de légers troubles cognitifs. Ce jour-là, elle est sortie seule. Sans prévenir. On a eu peur de la perdre. Deux soignants ont été la chercher pour la ramener à la résidence.» Mauvaise idée, tout a alors basculé : «Cette résidente a été marquée par cette scène. Elle s’est, depuis, effondrée, fortement. Totalement déstabilisée. Que faire ? C’est difficile, le bon choix.»
«Bien faire». Les exemples sont multiples de cette prise de risques que l’on n’autorise plus aux très vieux. «Récemment, un petit-fils d’une résidente nous alpague, et nous lance : "Je vous fais un procès s’il arrive quelque chose à ma grande mère."» Propos inverses, ceux de cette femme très âgée, rapportés par la Dr Fabienne Tourres. «C’est une dame qui n’arrêtait pas de tomber. Je lui demande : "Mais qu’est ce qui se passe ?" Et elle me répond : "Je n’ai pas fini de tomber."». Que faire aussi face à cette personne qui a des troubles du rythme cardiaque et qui prend de façon épisodique son traitement : «Elle a toute sa tête, c’est son choix de prendre un risque, non ?» s’interroge la médecin.
Ce sont ainsi mille et une petites protections qui se glissent dans la vie des personnes très âgées. Des protections imposées, «dans le but de bien faire». Et, au final, c’est un monde immobile. Dans cette maison de retraite d’Antony, nous avons fait une réunion avec les résidents sur ce thème du risque. «C’est vrai que de venir dans cette maison de retraite, je l’ai fait pour rassurer mes enfants. Et pour moi, aussi, pour me rassurer», explique une femme qui marche très bien. Un homme, un brin fataliste : «J’aimerais sortir beaucoup plus. Ce qui me manque, c’est l’indépendance.» «Je me sens un peu coincée,poursuit une résidente, je suis bloquée sur mon fauteuil du point de vue physique, mais cela rassure mon frère que je sois là.»Madame L. a 94 ans : «Quand même, c’était horrible. Mon mari tombait tout le temps, je ne pouvais rien faire, il était par terre et je ne pouvais que le voir. C’était trop dur pour moi de ne pas pouvoir l’aider. Alors, ici, on sort moins, mais au moins mon mari ne tombe plus.» Eternel dilemme entre libertés et sécurités. «Moi, ce que j’aime, c’est sortir, et voir les vitrines,lâche une autre. Je ne le fais plus, je ne sais plus si c’est par peur. De ne plus pouvoir faire des projets, c’est ça le plus difficile.»