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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

jeudi 21 octobre 2010




Bouli Miro revient sur scène et dans le ventre de sa mère
07.10.10


L'auteur Fabrice Melquiot est un père d'un genre un peu particulier : celui d'un bébé de théâtre irrésistible. Bouli Miro est né en 2003 et a déjà vécu pas mal d'aventures. La dernière, Bouli année zéro, est mise en scène avec une joyeuse fantaisie par Emmanuel Demarcy-Mota au Théâtre des Abbesses, à Paris.

On a connu Bouli bébé : il faisait son entrée dans le monde sur la scène du studio-théâtre de la Comédie-Française, rien de moins. A la naissance, il pesait déjà 9 kg, et à un an, 49. Il avait "la vue bigleuse", et "les frissons de la peur de tout". Pas fastoche, mais l'amour de ses parents, Daddi Rotondo et Mama Binocla, et de sa cousine, Petula Clark, allaient faire des miracles.

Deux ans plus tard, en 2005, et toujours à la Comédie-Française, Bouli avait beaucoup grandi. Et aussi beaucoup maigri : dans Bouli redéboule, il avait perdu tous les kilos qu'il avait mis entre lui et la méchanceté du monde. Pas fastoche non plus, de grandir : avec Petula, rien n'allait plus. Entre les parents, rien n'allait plus non plus. Ils se "tapaient dessus comme des poissons pourris". Mama était amoureuse d'un drôle de type : Sigmund Freud.

En 2009, Bouli avait 12 ans. Il avait émigré au Théâtre des Abbesses, la deuxième salle du Théâtre de la Ville, dont Emmanuel Demarcy-Mota avait pris entre-temps la direction. Il s'était nettement regonflé : 101 kg, et beau gosse, avec ça. Le problème, c'était Petula : elle avait tellement maigri qu'elle était devenue comme une feuille de salade, avant de disparaître. C'était Wanted Petula.

Aujourd'hui, revoilà Bouli. Mais, surprise, comme au théâtre le temps fait ce qu'il veut, on découvre notre héros... dans le ventre de sa mère. Il est déjà bien gros pour sa taille lilliputienne. Alors ses parents décident de l'appeler Bouli. Ils auraient préféré Rahan, mais bon.

"C'EST ARCHI LA HONTE"


Dans sa bulle amniotique, Bouli, version foetus, travaille sérieusement du casque. Il parle à sa mère, à son père, à Petula, dont il est déjà amoureux, et aussi à Gunther, le rhinocéros de la voisine. Avant de faire ce constat : "En fait, je crois que je suis tout seul au fond de ma mère. Je n'ai pas vraiment d'yeux pour voir ce monsieur qu'il faut que j'apprenne à appeler Daddi. Je n'ai pas vraiment d'oreilles pour entendre. Je suis un tout petit machin, une graine en train de germer. Je suis grand comme une crotte de nez. Une grosse crotte de nez. C'est archi la honte."

La plume de Fabrice Melquiot est aussi délicate, poétique et ludique pour aborder les mystères de la naissance que la vie pas toujours simple des enfants d'aujourd'hui.

Fabienne Darge


"Bouli année zéro" de Fabrice Melquiot, au Théâtre des Abbesses, 31, rue des Abbesses, Paris 18e. Mo Abbesses. Jusqu'au 15 octobre, tous les jours à 14 h 30 ; et à 19 h 30 (sauf le mercredi). De 10 € à 16 €.

mercredi 20 octobre 2010



L'internement psychiatrique, nouvelle arme des préfets

La suite ici


Les «fous» sont-ils dangereux ?

Au cours de ses journées scientifiques qu’elle organise les 23 et 24 octobre prochains à Hammamet, l'ATPEP (Association Tunisienne des Psychiatres d’exercice privé) engagera un processus de réflexion autour du thème Psychiatrie et Violence avec un large panel d'Intervenants pluri-disciplinaires : philosophes, psychanalystes, sociologues, anthropologues, juristes, praticiens et psychiatres, tous concernés par le fait psychiatrique et ses conséquences sur nos sociétés contemporaines.

Des asiles-prisons aux neuroleptiques et thérapies comportementales, les pratiques psychiatriques ont bien évolué vers une meilleure compréhension et maîtrise des troubles de l’esprit humain. Mais la médiatisation à outrance de quelques cas de malades mentaux dont les actes criminels ont choqué l’opinion publique de par leurs dimensions sordide, perverse et morbide, risque de jeter le discrédit sur des décennies d’avancées thérapeutiques qui ont pratiquement anéanti les risques de dangerosité de la plupart des maladies mentales.

Mais dans ce domaine, comme dans tous les autres, le risque zéro n’existe pas. Faut-il pour autant, céder à la tentation du tout juridique, comme l’a récemment entrepris la France où la judiciarisation de la folie dangereuse prend de plus en plus la place des thérapies, comme le précise l’ATPEP dans la présentation de ses journées ?
C’est autour de cette thématique, violence et psychiatrie, que se réunissent un ensemble de spécialistes tunisiens dont le Professeur Essedik Jeddi qui vient de publier un livre intitulé Filiation et altérité (présentation de l’ouvrage et interview avec l’auteur à suivre), le Professeur Sofiène Zribi, le Professeur Michel Petterson de Montréal, le Professeur Youssef Seddik de Paris, M. Abdelkader Zghal, etc.

La relation entre la violence et certaines maladies dont la psychose, la schizophrénie et la limitose fera, notamment, l’objet des interventions de ces journées scientifiques en plus de réflexions philosophiques et sociologiques sur la pratique psychiatrique d’aujourd’hui, son intervention dans les milieux pénitenciers et son rôle dans la prévention des comportements déviants.
Société Médecine et Psychanalyse

MÉDECINE & PSYCHANALYSE
12e colloque

Nouvelles formes de vie et de mort : une médecine entre rêve et réalité

Sous la direction de Danièle Brun
Professeur émérite à l'université Paris 7 - Denis Diderot
Présidente de la "Société Médecine et Psychanalyse" SMP

Vendredi 14, samedi 15,
dimanche 16 janvier 2011


En hommage et à la mémoire de Conrad Stein
Les perspectives de vie et de mort sont renouvelées par les avancées de la médecine et par les compétences accrues des services hospitaliers.

Comment les possibilités désormais ouvertes et offertes aux patients transforment-elles ou infléchissent-elles leur regard sur la vie et la mort ? Qu’en est-il de leurs désirs : Vivre ou mourir, à quel prix ? Dans quelles conditions ? Pour soi-même et pour les autres ?

Existe-t-il des facteurs psychiques qui orientent nos manières de vivre et de mourir ? Ou qui influencent lesmodalités d’accompagnement des proches ? En bref, comment nos désirs sont-ils sollicités par les nouvelles conditions de soins ?

Autant de questions à débattre au cours de ce prochain colloque où l’accent se portera sur la condition du patient et de son entourage, sur les services d’urgence, sur le rôle de la génétique, de la gynécologie obstétrique et de la néonatologie comme anticipation de l’avenir. On pensera également aux nouvelles exigences de formation des soignants, en particulier lors des décisions de maintien ou d’arrêt des soins.

Un récent rapport de l’IGAS (Institut général des Affaires sociales) intitulé « La mort à l’hôpital » a fait le point sur ces questions et sur leurs impasses actuelles, notamment sur celles qui concernent la mort dans l’enfance et dans l’adolescence ainsi que sur les modalités d’annonce du décès.

Quant à la problématique du deuil, il ne semble pas pertinent de la limiter à l’occurrence de lamortmais de l’envisager selon la différence que chacun fait entre la vie d’avant et la vie d’après.

Trois journées de colloque qui favoriseront le croisement des témoignages issus de la pratique et de la réflexion des intervenants dans le champ de la médecine, de la psychanalyse, de l’éthique, de l’anthropologie, de la sociologie et de la théologie.

Argument et programme ici



Des plantes contre l'anxiété

Certaines peuvent être efficaces, mais aussi développer des effets indésirables.

Les plantes ont longtemps été la base de la pharmacopée, avant d'être présentées en gélules, puis remplacées par des substances chimiques et maintenant par des produits de biotechnologies.

Peut-on cependant faire confiance aux spécialités à base de plantes vendues en pharmacie pour lutter contre l'anxiété ou encore la «déprime»? Début octobre, des médecins californiens ont présenté dans la revue américaine Nutrition Journal leurs conclusions après avoir analysé de manière exhaustive des dizaines d'études consacrées à l'effet psychotrope, en particulier anxiolytique d'un certain nombre de plantes. Ils concluent au final que certaines -mais pas toutes- peuvent être efficaces contre l'anxiété, sans effet secondaire notable.

Ce trouble psychologique est caractérisé par un sentiment d'inquiétude persistant, perturbant les activités quotidiennes et le sommeil. Il concernerait 16% de la population, à des degrés divers et pour des durées variables.

Trois plantes étudiées


Les prescriptions de médicaments de la famille des benzodiazépines (avec des effets secondaires non négligeables) restent souvent la première réponse des médecins. La pharmacopée à base de plantes a plus rarement leur faveur, mais fait l'objet de recommandations par les pharmaciens ou sont prises en automédication. «Aucune formation concernant l'effet des plantes sur la santé n'est délivrée pendant les études de médecine, regrette le Pr Robert Anton (pharmacologue, Strasbourg). Pour la première fois cependant, à la faculté de médecine de Strasbourg, nous envisageons un module sur la place des médecines complémentaires, incluant un cours de phytothérapie pour les futurs médecins. Rappelons que cette discipline est enseignée dans toutes les facultés de pharmacie.»

Trois plantes ont été retenues par les médecins américains contre l'anxiété. La passiflore, Passiflora incarnata, a été l'objet de multiples études en Europe et aux États-Unis. L'une d'entre elles en particulier, la comparant à une benzodiazépine, conclut à un effet similaire contre l'anxiété des deux produits. Le «kava» , boisson préparée à partir d'une plante, le Piper methysticum, connue pour ses effets anxiolytiques depuis plusieurs siècles, a été plus récemment testé sur des rats avec la mise en évidence d'un impact incontestable au niveau cérébral. Six études pharmacologiques ont montré un effet anxiolytique, que quatre autres ont infirmé… Cependant, des cas de toxicité hépatique dans plusieurs pays incitent à une grande prudence avec ce produit. La troisième plante, le millepertuis, Hypericum perforatum, utilisé depuis des décennies contre l'anxiété, la dépression, les troubles du sommeil, a fait l'objet de multiples études, avec le plus souvent des résultats supérieurs au placebo dans des formes de dépression légère ou modérée. Mais certaines données ne démontrent pas d'activité réelle.

«La passiflore est une plante a priori ultradouce, avec des effets sur l'anxiété, qui, s'ils existent, sont sans doute très mineurs mais avec aucune toxicité démontrée, commente le Pr Robert Anton. Pour ce qui est du kava, c'est un produit très prisé en Asie du Sud-Est avec des effets contre l'anxiété mieux documentés sur le plan pharmacoclinique. Sa mise sur le marché à des fins thérapeutiques a été interdite depuis 2003 par l'Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, ndlr) du fait de quelques cas de toxicité hépatique. Quant au millepertuis, il a beaucoup été étudié, avec des effets assez probants dans le cadre de dépression légère.» Attention, tous les produits à base de plantes ne se valent pas, en terme de sécurité en tout cas. Certains - mais pas tous -ont reçu une autorisation de mise sur le marché par l'Afssaps, ce qui représente une garantie, indiquant qu'un dossier a été déposé, examiné et accepté par les autorités sanitaires.

«Ce sont des petits médicaments, qui ont peut-être un effet un peu supérieur au placebo, précise le Pr Jean-François Bergmann (pharmacologue, hôpital Lariboisière, Paris). Mais quand un médecin prescrit un tel produit avec conviction, il y a des chances pour qu'il ait une certaine efficacité. Il faut vérifier aussi que le patient ne souffre pas d'une pathologie nécessitant une molécule vraiment efficace.»

Vraies souffrances mentales

Pourquoi les psychiatres n'ont-ils jamais ou très peu souvent recours à de tels produits? «Je ne prescris pas de plantes, sans doute par ignorance, mais surtout parce qu'en tant que psychiatre hospitalier je vois surtout des patients souffrant de troubles psychiatriques plus graves, répond le Pr Jean-Pierre Olié, chef du service de psychiatrie (Saint-Anne, Paris). On dit que le millepertuis est efficace dans les dépressions mineures. Mais qu'entend-on par mineure? Est-ce que l'on est dans la dépression ? Ou dans un mal-être momentané qui relève de la normalité, que tout un chacun peut connaître au cours de son existence, et qui ne relève pas forcément de la psychiatrie?»
Pour le Pr Michel Lejoyeux (psychiatre, hôpital Bichat), «il y a le risque, avec une plante utilisée en automédication, de passer à côté d'un traitement nécessaire dans le cas d'une vraie souffrance mentale. Il ne faut pas oublier dans la prise en charge de l'anxiété ou de la dépression, la pertinence du soin relationnel, avec le généraliste, le psychothérapeute et aussi le pharmacien».
Martine Perez




Point de vue
La parapsychologie freudienne
Michel Onfray, philosophe
16.10.10

Dans le Vocabulaire de la psychanalyse, de Laplanche et Pontalis, qui fait autorité, on lit à l'entrée "métapsychologie" : "Terme créé par Freud pour désigner la psychologie qu'il a fondée, considérée dans sa dimension la plus théorique. La métapsychologie élabore un ensemble de modèles conceptuels plus ou moins (sic) distants de l'expérience tels que la fiction d'un appareil psychique divisé en instances, la théorie des pulsions, le processus du refoulement, etc."

Gros poisson conceptuel donc... Ces informations permettent de conclure qu'en forgeant ce mot Freud renvoie bien à ce qui se trouverait derrière la psyché - ou au-delà.

Vers 60 avant l'ère commune, Andronicos de Rhodes, onzième successeur d'Aristote, classe thématiquement l'oeuvre complète de son maître : l'histoire des animaux et la théorie du ciel, la politique et l'éthique, la logique et la poétique, la physique et la rhétorique, etc. Une fois l'ensemble de la production rangé, reste un texte inclassable et inclassé qu'il installe après la physique : meta physis...

Au-delà de la petite histoire, retenons que la métaphysique nomme la discipline qui suit immédiatement la physique, la science de la nature. Derrière la nature, il y aurait donc autre chose, un au-delà, un arrière-monde dirait Nietzsche. En créant le néologisme métapsychologie, Freud n'a pas pu ne pas penser à la métaphysique comme discipline de l'au-delà de la physique. La métapsychologie enseigne donc un au-delà de la psychologie.

Je ne peux m'empêcher de mettre en relation métapsychologie et parapsychologie... Freud lui-même ne récuse pas la parapsychologie ou l'occultisme. Lui qui manifestait des comportements superstitieux, pratiquait les rites de conjuration, souscrivait à la numérologie, avouait pratiquer la télépathie avec sa fille, écrivait à Eduardo Weiss le 8 mai 1932 : "Qu'un psychanalyste évite de prendre parti publiquement sur la question de l'occultisme est une mesure d'ordre purement pratique et temporaire uniquement (sic), qui ne constitue nullement l'expression d'un principe"... On aura bien lu : précaution temporaire et non question d'incompatibilité doctrinale.

Dès L'Interprétation des rêves (1900), Freud défend l'idée d'un "héritage archaïque" de tout un chacun transmis mystérieusement, en dehors de toute génétique, de toute anatomie, de toute biologie, de toute physiologie, de toute matière, du premier homme à tout un chacun, y compris au lecteur de ces lignes... Dans Le Moi et le Ça (1923) (XVI. 266), Freud défend l'idée que certaines psychonévroses subies par tel ou tel ici et maintenant trouvent leur origine dans des régressions remontant à... l'époque glaciaire !

Avec Moïse ou le monothéisme (1934-1938), Freud se surpasse. On y lit en effet que "la science biologique ne veut rien savoir de la transmission des caractères acquis aux descendants. Mais nous avouons en toute modestie (sic) que nous ne pouvons malgré tout pas nous passer de ce facteur dans l'évolution biologique" (193-194).

Pour quelle étrange raison Freud ne peut-il s'en passer ? Parce qu'il avoue lui-même être dans l'audace du conquistador, une posture revendiquée par lui contre celle du scientifique. La preuve dans cette lettre à Fliess : "Je ne suis absolument pas un homme de science, un observateur, un expérimentateur, un penseur. Je ne suis rien d'autre qu'un conquistador par tempérament, un aventurier si tu veux bien le traduire ainsi, avec la curiosité, l'audace et la témérité de cette sorte d'homme."

Métapsychologue, parapsychologue, Freud, soucieux de voir ce qui se trouve après la psychologie, au-delà d'elle, sait bien que personne ne viendra lui contester ses trouvailles, car personne ne va là où il prétend être allé avec force autoanalyse et prétendus dépeçages de cas cliniques en quantité - qui s'avèrent manquer cruellement quand on effectue un réel travail d'historien de la psychanalyse...

Qui peut rivaliser avec un homme qui se prétend scientifique, mais revendique l'audace du péremptoire ? Quel individu soucieux de raison, de logique, de raisonnements, de preuves et d'arguments, peut ébranler un tant soit peu le discours fantasque d'un homme qui prétend que, si le réel ontogénétique dit une chose, mais que la fiction phylogénétique en dit une autre, alors cette dernière sera plus vraie que l'autre, parce qu'elle est la voie royale de l'audacieux ? Quelle démonstration psychologique peut ravager une folie métapsychologique ? Quel philosophe peut débattre raisonnablement avec un défenseur de l'occultisme ?

Quel penseur pourrait combattre le délirant qui croit plus à ses légendes (le complexe d'Œdipe, la horde primitive patriarcale, le meurtre du père, le banquet cannibale, la crainte de la castration, etc.) qu'à la réalité historique qui invalide toutes ces histoires à dormir debout ? Lire ou relire L'Irruption de la morale sexuelle, du psychanalyste Wilhelm Reich (Payot), pour un démontage en bonne et due forme...

Le combat est perdu d'avance. On ne convertit pas l'onaniste jouissant de ses fictions dans le confort de son arrière-monde. La psychanalyse est bien une folie à plusieurs, ce qui se nomme aussi une hallucination collective. Malheur au philosophe qui enseigne la nudité du roi freudien : un bûcher l'attend après le pal et le rouet, la poix et l'éviscération...

Mais qui se souvient du nom de l'accusateur de Socrate condamné à mort pour avoir philosophé ?





Quand la machine apprend le langage
15.10.10

Les éléments "appris" par NELL

Xavier de la Porte, producteur de l'émission Place de la Toile sur France Culture, réalise chaque semaine une lecture d'un article de l'actualité dans le cadre de son émission.

La lecture de la semaine, il s'agit d'un article du New York Times, dernier article en date d'une série consacrée à l'intelligence artificielle et à ses impacts potentiels sur la société. Celui que j'ai choisi de traduire concerne l'apprentissage du langage par la machine, un enjeu essentiel dans le cadre de ce qu'on appelle depuis quelques années déjà le web sémantique.

L'article commence par rappeler que si l'on donne à un ordinateur une tâche qui est clairement définie – comme gagner aux échecs ou prédire le temps qu'il fera demain – la machine dépasse l'homme de manière presque systématique. Mais quand les problèmes comportent des nuances et des ambiguïtés, ou qu'ils exigent de combiner plusieurs sources d'information, les ordinateurs n'égalent pas l'intelligence humaine.

Parmi ces problèmes compliqués à résoudre pour l'ordinateur, il y a évidemment la compréhension du langage. Une des raisons de la complexité qu'il y a à comprendre le langage est que le sens des mots et des phrases ne dépend pas seulement de leur contexte, mais aussi d'une connaissance que les êtres humains acquièrent au fil de leur vie.

Or, nous apprend l'article, depuis le début de l'année, une équipe de chercheurs de l'université de Carnegie Mellon est en train d'élaborer un système informatique qui tente d'apprendre la sémantique à la manière d'un être humain, c'est-à-dire "de manière cumulative, et sur le long terme", comme l'explique Tom Mitchell, qui dirige le projet. Cette machine – qui calcule 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 – est abritée dans le centre informatique de cette université de Pittsburgh. Les chercheurs l'ont doté d'une connaissance de base et, depuis 10 mois, elle est lâchée sur le web avec la mission de s'y instruire par elle-même.

Ce système s'appelle NELL, acronyme de Never ending Language Learning System. Et d'après le journaliste du New York Times, Steve Lhor, jusqu'ici, les résultats sont impressionnants. NELL scanne des millions de pages Web dont il fait des textes-modèles qu'il utilise pour apprendre des faits. En quelques mois, il a appris 390 000 faits, avec une exactitude estimée à 87 %. Ces faits sont regroupés dans différentes catégories sémantiques : villes, entreprises, équipes de sport, acteurs, universités, plantes, et 274 autres. Dans chaque catégorie, les faits appris sont des choses comme "San Francisco est une ville" ou "le tournesol est une plante".

NELL apprend aussi des faits qui sont des relations entre les membres de deux catégories différentes. Par exemple : "Peyton Manning est un joueur de foot". "Les Colts d'Indianapolis est une équipe de foot". En scannant des textes-modèles, NELL peut en déduire avec un fort taux de probabilité que Peyton Manning joue pour les Colts d'Indianapolis – même s'il n'a jamais lu que Peyton Manning joue pour les Colts. "Jouer pour" est une relation, il en existe 280 autres dans le programme. Le nombre de catégories et de relations a plus que doublé depuis le début de l'année, et il est en expansion constante.

Les faits appris sont continuellement ajoutés dans la base de données de NELL, que les chercheurs ont appelée base de connaissance. Selon Tom Mitchell, plus le nombre de faits appris sera important, plus il sera possible d'affiner l'algorithme d'apprentissage de NELL, de sorte qu'il augmente son efficacité et la précision de ses recherches de faits sur le Web.

BASE DE CONNAISSANCE

Les chercheurs ont commencé par construire une base de connaissance, remplissant chaque type de catégorie ou de relation avec une quinzaine d'exemples avérés. Dans la catégorie des émotions, par exemple : "la colère est une émotion", "la félicité est une émotion", et une douzaine d'autres faits. Ensuite, NELL part au travail. Ses outils incluent des programmes qui extraient et classifient des phrases rencontrées sur le Web, des programmes qui cherchent des modèles et des corrélations, et des programmes qui apprennent les règles.

Par exemple, quand le système lit "Mont Ventoux" (j'ai francisé), il étudie la structure : deux mots, chacun commençant par une majuscule, et le premier mot est "Mont". Cette structure suffit à rendre probable le fait que le "Mont Ventoux" soit une montagne. Mais NELL lit aussi de plusieurs manières. Il exploitera aussi des phrases qui entourent "Mont Ventoux" et des syntagmes nominaux qui reviennent dans un contexte semblable. Par exemple "J'ai grimpé X".

NELL, explique Tom Mitchell, est conçu pour être capable d'examiner des mots dans des contextes différents, en parcourant une échelle de règles lui servant à résoudre l'ambiguïté. Par exemple, la phrase "J'ai grimpé X", apparaît souvent suivie du nom d'une montagne. Mais quand NELL lit "J'ai grimpé les escaliers", il a d'abord appris avec une quasi-certitude que le mot "escaliers" appartient à la catégorie "élément de construction". Il se corrige à mesure qu'il a plus d'information, à mesure qu'il a plus appris.

Néanmoins, explique Tom Mitchell, il y a des types d'apprentissage que NELL n'arrive pas à assimiler aujourd'hui. Prenons deux phrases "La fille a attrapé le papillon avec des taches" et "La fille a attrapé le papillon avec le filet". Dans la deuxième phrase, un lecteur humain comprend immédiatement que la fille tient le filet, et dans la première, que c'est le papillon qui est tacheté. C'est évident pour un être humain, pas pour un ordinateur. "Une grande partie du langage humain repose sur la connaissance, explique Mitchell, une connaissance accumulée au fil du temps. C'est là où NELL est dépassé, et le défi est maintenant de lui faire obtenir cette connaissance."

L'aide humaine peut être, à l'occasion, une partie de la réponse. Pendant les six premiers mois de son activité, NELL a fonctionné sans assistance. Mais l'équipe de chercheurs a remarqué que s'il s'en tirait bien avec la plupart des catégories et relations, dans un quart des cas, sa précision était très mauvaise. A partir de juin, les chercheurs ont commencé à scanner chaque catégorie et relation pendant cinq minutes tous les 15 jours. Quand ils trouvaient des erreurs flagrantes, ils les répertoriaient et les corrigeaient, puis remettaient le moteur d'apprentissage de NELL au travail.

Quand, récemment, Tom Mitchell a scanné la catégorie "produits de boulangerie et pâtisserie", il a identifié une de ces erreurs. Au début, NELL était dans le vrai, identifiant toutes sortes de tartes, de pains, et de gâteaux comme des "produits de boulangerie et pâtisserie". Mais les choses se sont compliquées quand le classificateur de NELL a décidé de ranger "Internet cookies" dans cette catégorie des pâtisseries. NELL a lu la phrase : "J'ai détruit mes cookies Internet".

Donc, quand il a lu la phrase "J'ai détruit mes dossiers", il a décidé que "dossiers" était sans doute une pâtisserie. Une avalanche d'erreurs a suivi, explique Mitchell, il a fallu corriger l'erreur des cookies Internet et recommencer l'éducation pâtissière de NELL. L'idéal de Mitchell était un système informatique capable d'apprendre en continu sans assistance humaine. "On n'y est pas encore, ajoute-t-il, mais vous et moi n'apprenons pas non plus tout seuls."

Beaucoup de choses sont fascinantes dans cet article, mais il semble que la conclusion est la plus intéressante. Pourquoi faudrait-il qu'une intelligence, parce qu'elle est artificielle, fonctionne sans aide ? Et si nous demandions à l'intelligence artificielle plus que ce que nous demandons à notre propre intelligence ?

Xavier de la Porte





L’ordinateur est-il l’avenir de la psychiatrie ?
20/10/2010    

Les psychothérapeutes « à l’ancienne » (c’est-à-dire réfractaires à l’intrusion d’une médiation technologique dans la traditionnelle relation soignant-soigné), en particulier tous ceux formés à la démarche psychanalytique, vont sûrement contester l’intérêt de cet éditorial de Gavin Andrews (professeur de psychiatrie à l’université de Nouvelle-Galles du Sud, en Australie [1]) dans le British Journal of Psychiatry. L’auteur y commente une étude récente évaluant, en matière de dépression, l’efficacité de la thérapie cognitivo-comportementaliste assistée par ordinateur (CCBT : Computerised Cognitive-Behavioural Therapy). Selon cette étude, après une répartition des sujets déprimés en trois groupes (patients sous CCBT exclusive, traitement habituel par le seul praticien humain, ou combinaison de ces deux approches : médecin + CCBT), l’évolution après six mois se révèle globalement comparable (people recovered equally), même si les intéressés ne se plient pas correctement au traitement !

Devant cette constatation insolite, l’auteur s’interroge donc : les différences d’approches thérapeutiques influent-elles réellement sur l’évolution observée, ou celle-ci dépendrait-elle surtout d’une rémission spontanée (natural remission) ? Mais il est difficile de trancher, d’autant plus que des biais méthodologiques viennent compliquer l’interprétation de cette étude : en l’absence de groupe-contrôle sur liste d’attente (waiting-list) et de groupe sous placebo, ni les effets d’une rémission naturelle ni ceux d’une réponse-placebo ne peuvent être distingués formellement des effets d’un traitement donné. Néanmoins, le principe de la CCBT est défendu par l’auteur, notamment à travers un site [2] promouvant « l’essor et l’enseignement gratuit en ligne de programmes de traitement pour des personnes atteintes d’anxiété et de dépression. » Les enfants de Freud seront-ils aussi ceux de l’informatique ?

[1] http://fr.wikipedia.org/wiki/Nouvelle-Galles_du_Sud
[2] http://www.virtualclinic.org.au/

Dr Alain Cohen

Andrews G : Utility of computerised cognitive–behavioural therapy for depression. Br J of Psychiatry 2010 ; 196-4 : 257-258.
Le Journal du Québec
http://lejournaldequebec.canoe.ca/journaldequebec/actualites/sante/archives/2010/10/20101018-201748.html

SOINS PSYCHIATRIQUES
«Un constat d’échec»
JOHANNE ROY
18/10/2010
Pendant que les délais s’allongent à l’urgence psychiatrique du CHUL, dans la région, 321 personnes sont en attente depuis plus de deux mois afin d’être évaluées par un psychiatre.

De plus, les durées de séjour se comptent souvent en mois dans les unités de soins psychiatriques du CHUQ et du CHA (Enfant-Jésus, Saint-Sacrement), des hôpitaux universitaires de courte durée.

Au CHA, un patient est hospitalisé en psychiatrie depuis huit mois et un autre depuis quatre mois et demi, en attente que des places se libèrent en centre d'hébergement.

« C'est un constat d'échec qu'on peut faire de l'organisation régionale des soins psychiatriques. Les débordements à l'urgence sont symptomatiques d'un système qui ne fonctionne pas », analyse Charles Rice, porte-parole de l'organisme en santé mentale AGIR.

« Les solutions se trouvent à l'extérieur de l'urgence, avant et après l'hospitalisation. Il faut développer du soutien communautaire pour accompagner les personnes dans leur milieu. Or, malgré les beaux discours, il y a eu très peu de nouvelles ressources de ce côté de la part du ministère de la Santé», argue M. Rice.

160 heures à l'urgence


Lundi encore, deux patients se trouvaient depuis plus de cinq et six jours, à l'urgence psychiatrique du CHUL, tandis qu'un troisième malade y séjournait depuis 55 heures, dans l'attente que des lits se libèrent à l'unité de soins psychiatriques.

« Ces trois patients se sont fait offrir un transfert dans un autre établissement, mais ils ont refusé. Tout nouveau patient qui se présente à l'urgence se voit offrir un transfert à l'Institut Robert-Giffard ou à l'hôpital du Saint-Sacre ment», précise Pascale Saint-Pierre, du CHUQ.

« Nous avons des places disponibles pour le CHUQ », confirme-t-on à l'Institut Robert-Giffard. Jeudi dernier, la députée de Taschereau, Agnès Maltais, a jugé inacceptable que des patients soient confinés jusqu'à huit jours à l'urgence psychiatrique du CHUL, sans les soins appropriés à leur état.

« On constate une hausse des requêtes visant la garde de personnes en établissement, faute de ressources adaptées en santé mentale », signale Francine Genest, de l'organisme Auto-Psy.

« On comptait beaucoup sur le guichet régional de services en santé mentale, mais on constate que cela fonctionne plus ou moins bien. Le plan d'action en santé mentale a atteint seulement 40 % de ses objectifs », fait remarquer Mme Genest.
http://www.cyberpresse.ca/

Psys «happés» par l'armée
Claudette Samson

(Québec) Les membres du conseil d'administration de l'Institut universitaire en santé mentale de Québec ont avalé de travers, mercredi soir, en entendant qu'ils allaient encore perdre un psychiatre au profit des Forces armées canadiennes. Depuis deux à trois ans, il s'agit du sixième à avoir sauté la clôture.

La demande de congé sans solde de la Dre Esther Samson, une gérontopsychiatre pratiquant à l'Enfant-Jésus, a d'abord été accueillie sans trop de remous par les administrateurs, qui étaient informés des réaménagements de service.

Puis est venue la question «qui tue» : «J'espère que ce n'est pas encore pour l'armée?»

À la réponse positive de Michèle Tourigny, directrice générale adjointe, la présidente Raymonde Touzin s'est exclamée qu'elle est «la énième happée par les services fédéraux». Dans le contexte où l'Institut cherche lui-même à pouvoir près d'une vingtaine de postes, la pilule était dure à avaler.

À un point tel que Mme Touzin a demandé si ce congé pouvait être refusé. Ce à quoi Mme Tourigny a répondu que plusieurs des psychiatres ayant demandé un congé sans solde pour aller travailler pour les Forces armées auraient démissionné de leur poste à l'Institut s'ils avaient essuyé un refus. S'ils ne l'ont pas fait, souligne Mme Tourigny, c'est par crainte que ce poste ne soit aboli par le ministère de la Santé, empêchant du coup l'établissement de les remplacer. En entrevue à la fin de la réunion, Mme Touzin et le directeur général, Simon Racine, ont con firmé leur désarroi par rapport aux départs qui se multiplient.

«Les Forces armées offrent des conditions alléchantes», a fait valoir la présidente. Chaque fois qu'un psychiatre s'en va, la pression augmente sur les autres, a renchéri le dg.

Une vérification effectuée hier a permis de confirmer que cinq médecins sont partis pour les Forces actives (dont l'un a démissionné) et qu'un autre est allé rejoindre les Anciens Combattants.

218 nouveaux praticiens

Depuis quelques années, les Forces armées canadiennes ont pris conscience de l'immense détresse qui frappe certains militaires à leur retour d'une zone de combat et de la nécessité de combler leurs besoins à cet égard.

À l'échelle canadienne, une somme de 98 millions $ a été attribuée à cette fin, pour embaucher 218 nouveaux praticiens en santé mentale, incluant les psychiatres, psychologues, infirmières, travailleurs sociaux, etc. Selon les données transmises hier par les services de santé des Forces armées, 182,5 postes ont été pourvus à ce jour. Les services sont rendus dans les grandes bases des Forces, dont celle de Valcartier, qui fournit un fort contingent pour l'Afghanistan. Il n'a pas été possible hier de dresser le portrait du recrutement spécifiquement pour cette base.

Conséquences dans les CHSLD

Le départ de la gérontopsychiatre Esther Samson de l'hôpital de l'Enfant-Jésus ne sera pas sans conséquence sur les personnes âgées de la région. Une fois son remplacement assuré à l'hôpital par un collègue du département régional de psychiatrie, ce sont les résidants des centres de soins prolongés du secteur est de la région de la Capitale-Nationale qui écoperont.

«Déjà, l'offre de services en gérontologie des CHSLD se replie», a indiqué mercredi soir Michèle Tourigny, directrice générale adjointe à l'Institut universitaire en santé mentale de Québec, devant les membres du conseil d'administration. Plutôt que de dispenser directement des soins aux résidants ayant un problème de maladie mentale, les gérontopsychiatres soutiendront les infirmières de liaison, a-t-elle indiqué, ajoutant que c'est déjà ainsi que ça fonctionne dans le secteur ouest.

Le manque d'effectifs psychiatriques a par ailleurs pour effet de retarder un autre projet, celui d'un hôpital de jour pour les personnes âgées ayant un problème de maladie mentale.


Spirou, ou l’orphelin de la bande dessinée ?
Par Nicolas

Spirou est un personnage de bande dessinée apparu en 1938 sous le trait de Rob-Vel. Il est considéré comme un héros incontournable de la BD franco-belge.

La caractéristique première de ce personnage est de ne pas avoir d’auteurs. Il a biensûr un premier dessinateur: Rob-Vel. Cependant ce dernier ne semble pas en être le créateur étant donné qu’il doit, à la demande des éditions Dupuis, créer un personnage pour le “Journal de Spirou”. Le nom du personnage est donc connu avant son visage. “Spirou” qui en wallon veut dire: écureuil, ou bien encore gamin espiègle. Rob-Vel reprend un personnage qu’il a déjà utilisé dans des publicités, et l’installe dans un rôle de groom (travail que Rob-Vel avait effectué dans sa jeunesse).

Ainsi est né Spirou: de la volonté commerciale d’un éditeur, et des projections de Rob-Vel (en citant le “vocabulaire de la psychanalyse” de Laplanche et Pontalis, la projection se définit comme “une opération par laquelle le sujet expulse de soi et localise dans l’autre, personne ou chose, des qualités, des sentiments, des désirs qu’il méconnait ou refuse en lui”.). La projection, l’identification et l’investissement sont des caractéristiques retrouvées dans une grande partie des personnages de romans, de bandes dessinées ou encore cinématographiques.

Rob-Vel et Jijé s’inscriront dans l’écriture d’histoires courtes, ne permettant pas d’approfondir l’univers de Spirou. Cependant Jijé initie un phénomène qui se retrouvera chez quasiment tous les auteurs: ne pouvant pas utiliser Spirou comme il le souhaite, il crée un nouveau personnage, sur lequel il pourra s’investir: Fantasio.

Franquin, le successeur, expliquera que le personnage de Spirou était un fardeau et qu’il appréciait beaucoup plus ses personnages (Le comte de Champignac, Zorglub, le marsupilami…). Ces personnages permettent également aux auteurs de projeter et de se projeter dans l’univers de Spirou. Il n’est pas possible pour les auteurs de modifier Spirou, alors ils modifient son entourage.

La plupart des auteurs, ayant investi cette bande dessinée, lors du dernier album souhaite tuer le Spirou qu’ils ont crée. Morvan et Munuera remplace Spirou par son double des années 30 en revenant dans le temps. Tome et Janry remplace Spirou par un clone. Quant à Franquin, dans “Panade à Champignac”, il met les protagonistes dans une situation irréversible (tous les personnages étant paralysés par la “zorglonde”. Spirou dira : “Si Champignac est touché, il n’existe plus au monde personne qui sache comment nous rendre le mouvement”. Franquin n’aurait pas pu continuer cette série sans ses personnages. Cette citation pouvant être mis en relation avec l’image jointe dans ce billet: “Spirou et Fantasio […] toujours en mouvement”.

Pourquoi avoir besoin de ce mouvement? D’être toujours en voyage? Pourquoi avoir choisi le reportage? Et surtout que recherche Spirou?

Le monde de Spirou est connu, mais Spirou lui-même ne semble pas l’être. Tome et Janry tenteront de répondre aux questions des origines à travers un album “la jeunesse de Spirou” (ils créeront également une série: le petit Spirou). Il explique que Spirou est un orphelin dont on ne connait pas les parents (comme il n’a pas de réel créateur). Tome présente ses prédecesseurs comme les instituteurs de Spirou : ils l’ont aidé à grandir. Dupuis étant le proviseur (dirigeant les enseignants).

Spirou est un groom, il est au service du client, comme les auteurs sont au service de l’éditeur, bloqués dans un monde figé au fur et à mesure des évolutions appliquées par les précédents scénaristes et dessinateurs.

Toute la richesse de ce personnage vient de ses différents auteurs, et son immortalité ( les décennies passent, mais il ne vieillit pas) lui permet également une  certaine longévité.

Contrairement au comics, la bande dessinée franco-belge se caractérise par le lien entre le scénariste, le dessinateur et le héros. Spirou est une exception.

dimanche 17 octobre 2010






DRH - Pôle emploi du futur (La Borne)


Vous avez l’impression de parler à un robot quand vous vous rendez au Pôle emploi ? Rassurez-vous car vous n’avez encore rien vu. Ça sera encore bien pire dans le futur, suggère la vidéo diffusée par le site “La borne”.

Dans ce futur, qui ne semble pas si lointain, les conseillers de l’assurance-chômage sont remplacés par des borne informatiques qui proposent de nouveaux emplois aux chômeurs. Sitôt atteint votre “seuil de non-rentabilité” vous serez convoqué par “la borne”… et gare aux réactions inappropriées : les fameuses bornes sont du genre susceptibles.

Note :
Le site de La Borne semble avoir quelques petits soucis à la première connexion (trop de chômeurs connectés sûrement) : il faut réactualiser la page si elle vous transmet un message d’erreur.




BIB : notre bonheur intérieur brut

Psychologies crée le BIB, le premier indice de Bonheur intérieur brut des Français !

Heu-reux ! Malgré la crise, malgré la peur quant à l’avenir de nos enfants, malgré les menaces sur la planète, la grande majorité d’entre nous se dit satisfaite de sa vie ! En créant le premier indice du Bonheur intérieur brut (BIB) avec l’aide de trois experts, Christophe André, psychiatre et psychothérapeute comportementaliste, Serge Hefez psychiatre, psychanalyste, thérapeute familial et conjugal, et Jean-Pierre Rolland, psychiatre psychométricien, Psychologies peut désormais prendre le pouls du vrai « moral des Français ».

Nous le savons, la sensation de bonheur est éphémère, elle va et vient au gré des aléas de notre histoire. Mais en analysant dans le détail les ingrédients de notre BIB, nous avons réussi à identifier ce qui contribue le plus à nous rendre heureux ou malheureux. Nous proposons aussi à chacun de nos lecteurs de calculer son propre indice de BIB (voir le test).

Une enquête sans précédent ! Nous avons pour la première fois utilisé dans un sondage national deux outils de diagnostic clinique réservés jusqu’à présent aux spécialistes : l’échelle de Diener, qui mesure le niveau de satisfaction de vie, et la « balance hédonique », qui évalue l’équilibre émotionnel. Nous les avons croisés et complétés avec un questionnaire qualitatif de quatre-vingts questions portant sur tous les aspects de la vie quotidienne, disponible dans ce dossier.

Laurence Folléa

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RAPPORT

La santé mentale est l'affaire de tous
Par Anne Jeanblanc

Le Centre d'analyse stratégique vient de faire la promotion de la santé mentale, dans un rapport rendu public intitulé "La santé mentale, l'affaire de tous". Il a été élaboré par le département des questions sociales de ce centre, avec un groupe d'experts présidé par la psychiatre épidémiologiste Viviane Kovess-Masféty, directrice du département d'épidémiologie de l'École des hautes études en santé publique (EHESP). Ce document dresse un état des lieux de la santé mentale et des "déterminants du bien-être" en France, en s'appuyant entre autres sur les résultats d'un sondage réalisé en octobre auprès de 1.000 personnes. Certes, il n'apporte aucune proposition réellement nouvelle, mais il rappelle les grandes orientations à privilégier, notamment le fait d'intégrer dans les politiques publiques la prise en compte du facteur "santé mentale".

La secrétaire d'État à la prospective, Nathalie Kosciusko-Morizet, a souligné lors d'une conférence de presse qu'il ne s'agissait pas d'une "première étape", mais d'une "première" pour le Centre où l'"on ne parle pas traditionnellement" de santé mentale. "Cette dernière n'est pas historiquement considérée comme légitime, tout reste à réaliser", a-t-elle reconnu. Pourtant, la création d'une "mission interministérielle sur la santé mentale" faisait son chemin, selon Viviane Kovess-Masféty.

Le rapport fait le point sur le rajeunissement de l'âge de la dépression, le triplement de la dépressivité en 20 ans et la progression de la "détresse psychologique". Il s'intéresse aussi à la "problématique émergente de la souffrance psychosociale au travail" et aux déterminants du suicide. Il revient sur les difficultés engendrées par le cumul de handicaps dans certaines franges de population et conclut à la nécessité de "prévenir les trajectoires de grande vulnérabilité". Les auteurs insistent sur "le rôle clé des acteurs non sanitaires" dans la diffusion d'une santé mentale positive, dans la prise en charge à l'école, dans l'enseignement supérieur, dans le milieu du travail et le grand âge. Il met notamment en avant la nécessité de "développer les compétences cognitives, émotionnelles et sociales lors de la scolarité", une composante très présente dans les pays anglo-saxons mais quasiment inconnue dans le système français, a indiqué Viviane Kovess-Masféty.


“On peut en guérir sans médicaments ni psychanalyse” Le docteur David Servan-SchreiBer s’attaque au stress et à la dépression
Par : Hafida Ameyar

Les Algériens veulent de plus en plus en finir avec le stress, l’anxiété, la dépression et bien d’autres traumatismes résultant de violences diverses : sévices familiaux, violences terroristes, viols, perte d’un parent, catastrophes naturelles, etc. Mais, combien sont-ils à savoir qu’il est très possible de dépasser la souffrance et de retrouver la sérénité, sans prise de médicaments et sans visite au psychanalyste ? Aujourd’hui, une nouvelle thérapie s’offre à eux, une médecine qui s’appuie sur l’émotionnel et qui interpelle en premier lieu les trésors du corps et de l’esprit.

Liberté : Docteur, vous préconisez la guérison du stress, de l’anxiété et de la dépression sans médicaments ni psychanalyse. Est-ce vraiment possible ?
Dr Servan-Schreiber : Je ne me permettrai pas de parler de guérison s’il n’y avait pas des études scientifiques derrière. Oui, c’est effectivement possible de guérir sans médicaments ni psychanalyse, à partir du moment où l’on utilise les compétences naturelles du corps et du cerveau émotionnel.

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Quand les psys se manifestent…

Aujourd'hui dans L'Essai du jour : « Le Manifeste pour la psychanalyse», par Sophie Aouillé, Pierre Bruno, Franck Chaumon, Guy Lerès, Michel Plon et Erik Porge, aux Éditions La Fabrique.

« Mieux vivre sa vie ». « Décider d’être heureux ». « Cinq raisons de croire en l’avenir ». « Comment penser positif sans être naïf ». Mais oui, mais oui… vous trouverez ces titres à la une du magazine Psychologies de ce mois-ci. Vous êtes bien sur France Culture. Et il n’y a pas de raisons de se moquer de ces injonctions au bien-être, car elles sont agrémentées de savantes restrictions dans un dossier qui tout en étant consacré au bonheur s’inquiète de cette obsession de la félicité. Enfin, je veux parler du dialogue entre le philosophe Roger-Pol Droit et l’essayiste Pascal Bruckner. Il apporte un sérieux bémol à ce que nous proposent les gourous du bonheur. Cela dit, même tourné de la sorte, je ne suis pas sûr du résultat. L’augmentation du rayon bien-être dans les librairies n’est pas ce qu’on appelle une bonne nouvelle. Les adeptes du potentiel de guérison, du développement personnel, de l’idéologie du bien-être, semblent rivaliser avec« les victimes » de la souffrance psychique, sans que les uns et les autres puissent vraiment s’accorder sur ce qu’il faut entendre par l’expression de « santé mentale positive ». On l’a trouve dans un récent rapport remis à Madame Kosciusko-Morizet, la secrétaire d’État chargée de la prospective et du développement numérique en 2009. Je ne vois pas bien le lien, mais en fait il y en a un. Car ce rapport s’inspire en réalité du rapport Stiglitz qui conjoint la mesure du PIB et celle du bien-être. La mélodie de la croissance vaut bien celle du bonheur. Où allons-nous ? Je vous propose pour le savoir une cure de désintoxication à la psychologie avec un petit livre dense et salvateur : « Manifeste pour la psychanalyse ».

Encore un Manifeste ! C’est ainsi, le fond de l’air est Onfray. Mais ce Manifeste rédigé par cinq psychanalystes, dont une femme, n’est pas de la polémique mal placée. Il est un véritable état des lieux sur la place occupée par la « santé mentale » en France. Le vent de panique qui a soufflé au dessus des têtes des psychanalystes s’inquiétant de la réglementation de la psychothérapie en août 2004 continue de souffler. Car elle aboutit en fait à un alignement de la psychanalyse sur la psychothérapie. L’emprise de l’État provoque d’ailleurs dans de nombreux pays européens une surveillance de la cure, dont des procédures mesurent les effets bénéfiques, comme on le ferait durant une convalescence, en prenant sa température. Plutôt que de légiférer en encadrant les actes psychothérapiques, il aurait mieux valu procéder à un état des lieux des modes d’expression de la souffrance psychique en France. On dénombre aujourd’hui au moins 400 formes de psychothérapies allant de la bio-énergie au cri primal. Mais on aurait surtout dû s’interroger sur cette déferlante psychologique qui normalise nos vies. Or c’est tout l’intérêt de ce livre que de ne pas refermer ce dossier : « La menace pour la psychanalyse, écrivent les auteurs, n’est plus désormais de se faire exclure par la médecine, mais bien de se laisser inclure dans l’empire de la psychologie » dont l’offre s’étend désormais sans limites au domaine de la santé mentale positive, incluant justement l’aptitude au bonheur.

La psychanalyse dira-t-on n’a pas le monopole de la cure ? Certainement. Mais le marché non plus. Les auteurs expliquent les divisions entre les écoles de psychanalyse, voire entre les offres de thérapie, mais ils s’interrogent sur cette offre avec perspicacité. « Du déprimé à l’hyperactif, remarquent-ils, du traumatisé au harcelé, au grand marché de la multiplicité des savoirs, chacun est convié à choisir la forme sujet qui lui ira le mieux ». Le marché des propositions « psy »participe à la construction de personnages flottants. Bien loin de rendre possible la parole, il la contrôle. Bien loin de rendre l’amour libre, il le soumet à un idéal de fusion. Au nom de la protection des usagers, cet idéal de bien-être finit par se fondre dans les besoins du marché. C’est tout le problème de ce droit au bien être. Il permet peut-être de s’adapter, certainement pas de se désengager de cet empire de la psychologie.





Norme psychiatrique en vue - Entretien avec Roland Gori

Roland Gori s'entretient avec Cécile Prieur pour Le Monde (4 mai 2008)

Dépistage des troubles du comportement, plus de coaching, moins de soins : Roland Gori, psychanalyste et professeur de psychopathologie, décrypte l'évolution probable de la santé mentale

On parle de plus en plus de " santé mentale ", de moins en moins de " psychiatrie ". Où nous mènera, demain, cette tendance ?
Nous sommes entrés dans l'ère d'une psychiatrie postmoderne, qui veut allouer, sous le terme de " santé mentale ", une dimension médicale et scientifique à la psychiatrie. Jusqu'à présent, cette discipline s'intéressait à la souffrance psychique des individus, avec le souci d'une description fine de leurs symptômes, au cas par cas. Depuis l'avènement du concept de santé mentale, émerge une conception épidémiologique de la psychiatrie, centrée sur le dépistage le plus étendu possible des anomalies de comportement. Dès lors, il n'est plus besoin de s'interroger sur les conditions tragiques de l'existence, sur l'angoisse, la culpabilité, la honte ou la faute ; il suffit de prendre les choses au ras du comportement des individus et de tenter de les réadapter si besoin.

Quel a été l'opérateur de ce changement ?

Le DSM (Diagnostic and Statistical Manual), sorte de catalogue et de recensement des troubles du comportement créé par la psychiatrie américaine. En multipliant les catégories psychiatriques (entre le DSM I et le DSM IV, soit entre les années 1950 et les années 1990, on est passé de 100 à 400 troubles du comportement), il a multiplié d'autant les possibilités de porter ces diagnostics. Aujourd'hui, on est tombé dans l'empire des " dys " : dysthymique, dysphorique, dysérectile, dysorthographique, dyslexique... Chaque individu est potentiellement porteur d'un trouble ou d'une dysfonction. Ce qui étend à l'infini le champ de la médicalisation de l'existence et la possibilité de surveillance sanitaire des comportements.

Comment cette conception de la psychiatrie a-t-elle pu s'imposer ?
Par sa prétention à la scientificité. La santé mentale ne s'est pas imposée à des sujets victimes, passifs, mais à des individus consentants. Depuis l'effacement des grandes idéologies, l'individu se concocte son propre guide normatif des conduites, qu'il va souvent chercher dans les sciences du vivant. Résultat, ce sont les " prophètes de laboratoires " qui nous disent comment se comporter pour bien se porter.

Quel sera le soin de demain, compte tenu de cette évolution ?
Je ne suis pas certain que les dispositifs de santé mentale aient le souci de soigner, et encore moins de guérir. Ils sont plutôt du côté d'un dépistage précoce et féroce des comportements anormaux, que l'on suit à la trace tout au long de la vie. Or, en s'éloignant du soin, la santé mentale utilise des indicateurs extrêmement hybrides. Ainsi de l'expertise collective de l'Inserm (2005) qui préconisait le dépistage systématique du " trouble des conduites " chez le très jeune enfant pour prévenir la délinquance : elle mélangeait des éléments médicaux, des signes de souffrance psychique, des indicateurs sociaux et économiques, voire politiques. On aboutit ni plus ni moins, sous couvert de science, à une véritable stigmatisation des populations les plus défavorisées. Ce qui en retour naturalise les inégalités sociales.

Le repérage fin des troubles ne permet-il pas au contraire de mieux soigner ?
Je crois qu'il permet en réalité d'étendre le filet de la surveillance des comportements, en liaison permanente avec l'industrie pharmacologique. La production de nouveaux diagnostics est devenue la grande affaire de la santé mentale. Voyez le concept de " troubles de l'adaptation " : il est suffisamment flou pour qu'on puisse l'attribuer à chaque personne en position de vulnérabilité. Quelqu'un qui est stressé au travail ou qui est angoissé par une maladie grave peut ainsi développer une " réponse émotionnelle perturbée ", qui sera considérée comme trouble de l'adaptation. La réponse sera de lui administrer un traitement médicamenteux, accompagné d'une thérapie cognitivo-comportementale pour l'aider à retrouver une attitude adaptée. Ainsi, la " nouvelle " psychiatrie se moque éperdument de ce qu'est le sujet et de ce qu'il éprouve. Seul importe de savoir s'il est suffisamment capable de s'autogouverner, et d'intérioriser les normes sécuritaires qu'on exige de lui.

Quel sera, dans ce contexte, le rôle du psychiatre ou du psychologue ?
On peut craindre que l'on demande aux psys d'être davantage des coachs que des soignants. Depuis quelques années, on assiste à une multiplication hyperbolique de la figure du coach, devenu une sorte de super-entraîneur de l'intime, de manager de l'âme. Les dispositifs de rééducation et de sédation des conduites fabriquent un individu qui se conforme au modèle dominant de civilisation néolibérale : un homme neuro-économique, liquide, flexible, performant et futile.

Y aura-t-il encore une place pour la psychanalyse ?
Celle-ci est totalement à rebours de ces idéologies, en ce qu'elle fait l'éloge du tragique, de la perte, du conflit intérieur, d'un certain rapport à la mort et au désir. Elle peut donc disparaître en tant que pratique sociale. Mais je pense que ce qu'elle représente - une certaine philosophie du souci de soi, qui tend à construire un sujet éthique responsable - ne disparaîtra pas.

A cet égard, il est frappant de voir que la psychanalyse, désavouée par la santé mentale, est actuellement requise dans les services de médecine non psychiatrique. Tout se passe comme si les médecins, à l'inverse des nouveaux psychiatres, reconnaissaient qu'il y a une part hétérogène au médical, qui est que toute maladie est un drame dans l'existence, et qu'il faut aider le patient à traverser cette épreuve. De même, bien que la psychanalyse ne soit pas à la mode dans notre culture, la demande ne fait que croître dans les cabinets.

Les Livres de Psychanalyse

Comment les neurosciences démontrent la psychanalyse
Gérard Pommier

Les recherches sur le cerveau ont tant progressé ces dernières années que la conception de l'homme en est bouleversée : le corps ne serait plus qu'une " machine " dont il suffirait de réparer les rouages en cas d'avarie ; les sentiments comme l'amour, le désir, des créations comme la poésie, ne seraient plus qu'une question d'hormones et de connexions nerveuses ; quant à l'activité psychique, les rêves, l'inconscient, les symptômes, de bons médicaments les disciplineraient. Éternel débat du corps et de l'esprit que les neuroscientifiques invitent les psychanalystes à remettre sur le métier. A tel point qu'une question se pose avec de plus en plus d'insistance : peut-il y avoir deux approches différentes, voire contradictoires, d'un même phénomène ? Ce livre fait justice de cette opposition infondée, qui doit surtout sa force à une méconnaissance des processus cérébraux et de la vie psychique. Il ne viendrait pas à l'idée d'un psychanalyste de nier l'importance des processus organiques : comment la puissance psychique se dispenserait-elle des potentialités du corps ? Dès ses débuts, la psychanalyse a subverti cette opposition grâce à l'une de ses découvertes majeures : celle de la pulsion, qui anime le psychique en même temps qu'elle intègre le somatique, et dialectise au point de l'invalider toute opposition entre le mental et le cérébral : Mais il y a plus sensationnel encore, car nombre de découvertes de la neurophysiologie apportent de l'eau au moulin de Freud. Sans l'avoir cherché, les neurosciences montrent comment le langage modélise le corps beaucoup plus profondément que le symptôme hystérique ne le laissait prévoir. Cette mise en tension du corps par le langage est si importante que nombre de résultats de la neurophysiologie ne peuvent être interprétés sans la psychanalyse. Plusieurs questions aussi essentielles que celle de la conscience, par exemple, demeurent insolubles sans le concept d'inconscient. En mesurant l'apport des neurosciences à la psychanalyse, on commence à avoir une idée plus précise de ce qu'est un " sujet ", mais aussi de ce corps dont nous sommes si conflictuellement les curieux locataires.


PSYCHANALYSE ET RELATION PASTORALE

Laurent Lemoine

 L'apport de la révolution psychanalytique à la théologie morale

L'auteur expose une étude sur les apports de la psychanalyse aux gens de l'Eglise, à travers l'expérience du Père Albert Plé


Pour la morale catholique traditionnelle, la découverte de l'inconscient a été un véritable ouragan. De fait, l'Église catholique s'est longtemps méfiée de la psychanalyse, sans pour autant la condamner en tant que telle. Pourtant à partir des années 1950, un dialogue commence à se nouer entre les découvertes de cette nouvelle discipline et la théologie chrétienne. Le P. Albert Plé (1909-1988), dominicain, auteur d'un livre fameux, Par devoir ou par plaisir, en fut un des pionniers.

Laurent Lemoine, directeur de la Revue d'éthique et de théologie morale – revue qui a pris la relève du Supplément de la vie spirituelle fondé par le P. Plé –, s'intéresse à la contribution de celui qui a risqué une ouverture sur «l'inédit freudien» à partir d'un ancrage anthropologique résolument thomiste.

«Il est le seul à avoir travaillé dans un souci clairement théologique, en tout cas du point de vue de la confrontation des découvertes psychanalytiques à la tradition chrétienne et à ce qu'elle a pu élaborer en termes de structuration de la vie morale du sujet, spécialement chez Thomas d'Aquin.»

Avec tout ce que cela implique sur le plan pastoral, notamment en matière d'accompagnement spirituel et de discernement vocationnel. Le P. Plé fut d'ailleurs un des fondateurs de l'Association médico-psychologique d'aide aux religieux (Amar), une association qui a longtemps œuvré pour évaluer la maturité des candidats à la vie consacrée et aider les religieux souffrant de troubles psychiques.

La confrontation entre Thomas d’Aquin et Freud a aussi des incidences en matière de morale fondamentale. Pour le P. Plé, elle permet de se dégager d'une morale qualifiée par lui de «légaliste, casuistique, théorique», et donc source de névroses. Freud, en effet, a souligné l'importance du plaisir pour une vie saine. Un plaisir, rappelle toutefois la tradition morale, doit être humanisé et évangélisé pour conduire au vrai bonheur.

L'auteur montre aussi les limites du recours à la psychanalyse dans la relation pastorale et en théologie chez ce pionnier qui a exploité le corpus freudien «quasi apologétiquement, en vue de redécouvrir l'actualité de la morale vertueuse de saint Thomas».

Il compare pour cela la posture du P. Plé à d'autres (Marc Oraison, Maurice Bellet…) et notamment à celle du jésuite Louis Beirnaert (1906-1985), cofondateur de l'Amar, plus lacanien que freudien, qui aborde de manière plus complexe la relation entre foi et psychanalyse et est plus sensible à l'expérience de la cure psychanalytique qu'à son appareil conceptuel.

En explorant les débuts du dialogue entre théologie et sciences humaines, Laurent Lemoine écrit une page importante de l'histoire de la théologie morale : celle d'une époque où l'on a découvert que le sujet moral est avant tout un sujet en devenir et que tout discours moral est lui-même contingent et historique.
DOMINIQUE GREINER




L'œuvre d'Italo Svevo trouve un second souffle
Par Emmanuel Hecht

14/10/2010

Les romans et les carnets intimes d'Italo Svevo sont publiés dans une nouvelle traduction. Un classique de la Mitteleuropa à (re)découvrir.
C'est par la "dernière cigarette", que tout fumeur invétéré rêve de consumer pour se libérer de la dépendance tabagique - en l'espèce, il s'agit de Zeno Cosini, personnage central de La Conscience de Zeno, son roman majeur - qu'Italo Svevo (1861-1928) est entré dans la littérature mondiale. C'est aussi par le recours à la psychanalyse comme artifice romanesque : en 1923, la démarche était originale. La Conscience de Zeno regroupe en effet les carnets intimes d'un rentier cinquantenaire, velléitaire et hypocondriaque, qui fait lors d'une thérapie le récit à la première personne des événements marquants de sa vie : la mort de son père, ses interminables fiançailles, ses déboires dans les affaires. Svevo a ses inconditionnels, ils se féliciteront de la publication en un seul volume de ses romans, dans une nouvelle traduction, Une vie, Senilita, La Conscience... et de ses Ecrits intimes. L'intéressé n'aura pas le loisir de goûter cette revanche posthume. Jusqu'aux dernières années de sa vie (il est mort dans un accident de la route du côté de Trévise), il est condamné à l'insuccès - pire, pour un écrivain : à l'anonymat. Au point d'écrire, au faîte de la mélancolie : "En ce monde, il faut écrire, mais il est inutile de publier." Il faut, en 1925, l'intérêt de Valéry Larbaud, du jeune Eugenio Montale, futur prix Nobel de littérature, et de James Joyce, son ancien professeur d'anglais, pour qu'il savoure une reconnaissance tardive et éphémère. 

Même aujourd'hui, sa réputation n'échappe pas aux malentendus. Svevo, écrivain de la psychanalyse ? Certes, il voyait dans la méthode du Dr Freud une mine pour les romanciers, mais il se méfiait de la thérapie depuis l'échec de la cure de son jeune beau-frère Bruno Veneziani, chimiste et musicien de talent. Svevo, écrivain de la "dernière cigarette" ? Certes, le troisième chapitre de La Conscience... est un morceau d'anthologie. 

Introspection et crise de conscience européenne


Mais le livre, on l'oublie, se termine en 1916, en pleine guerre, par une vision prémonitoire et apocalyptique : "Quand les gaz asphyxiants ne suffiront plus, un homme fait comme les autres inventera, dans le secret d'une chambre de ce monde, un explosif en comparaison duquel tous ceux que nous connaissons paraîtront des jeux inoffensifs." L'écrivain proclamé de l'introspection, né Ettore Schmitz, citoyen autrichien de langue italienne, juif, incarne d'abord la crise de conscience européenne. Comme ses cadets Musil et Zweig, il appartient à l'empire disparu des Habsbourg et il en partage l'humour et l'ironie. Il n'est pas viennois comme eux, mais triestin, originaire de cette ville où les identités italienne et autrichienne s'enchevêtraient au point que l'Europe y parut viable.

samedi 16 octobre 2010




JOURNÉE D'ÉTUDE

Les sciences sociales à l'épreuve de Spinoza


vendredi 22 octobre 2010 de 10h30 à 18h30

Tours (37000)

par Marie Pellen

RÉSUMÉ

Au moment où plusieurs travaux mettent en évidence la fécondité du dialogue entre la pensée de Spinoza et les sciences sociales (on pense notamment au colloque « Spinoza et les sciences sociales » du 9 avril 2005 et au livre collectif Spinoza et les sciences sociales dirigé par Yves Citton et Frédéric Lordon), cette journée d’études s'attache plus particulièrement à explorer la fonction critique de ce dialogue. Il s'agit donc de mettre les ressources de la philosophie classique au service d'une élucidation critique de certains présupposés théoriques des travaux en sciences sociales : l’anthropologie, la sociologie, la science politique, l’économie, la psychanalyse, etc...

Programme ici





L'argent fait le bonheur. Mais à partir de combien d'euros ?
Par Pascal Riché
11/10/2010

En se plongeant dans les statistiques de l'organisme de sondage Gallup, portant sur 450 000 Américains, deux chercheurs ont découvert le revenu à partir duquel l'argent ne faisait plus trop le bonheur : 75 000 dollars par an et par ménage (55 000 euros). En deçà, les sondés ne sont pas satisfaits ; au-delà, leur bonne humeur plafonne.

La suite ici



Des mutations dans des formes de novo de schizophrénie

Des mutations génétiques rares ont été identifiées chez des patients atteints d’une schizophrénie de novo, c’est-à-dire sans antécédent familial.


LA SCHIZOPHRÉNIE allie composantes génétiques et environnementales.« Puisque l’héritabilité de cette maladie est importante, rappelle un communiqué, les chercheurs se sont attelés pendant longtemps à lui découvrir une origine génétique, avec des résultats en demi-teinte. » Il a été peu à peu admis qu’il n’existait pas de gènes à effet majeur dans la schizophrénie ; et l’on a estimé que cette affection pouvait résulter d’une combinaison de variations génétiques, fréquentes dans la population, chacune ayant un effet mineur, interagissant entre elles et avec des facteurs environnementaux. C’est dans ce contexte que des chercheurs canadiens (Guy Rouleau et coll., université de Montréal), en collaboration avec d’autres équipes, notamment des chercheurs de l’INSERM (Marie-Odile Krebs et coll.), ont séquencé 1 000 gènes impliqués dans le fonctionnement des synapses neuronales.

Ont été inclus des patients et leurs parents ; ces patients ont été choisis car ils n’avaient pas d’antécédent familial d’affection psychiatrique, ce qui devait augmenter les chances de découvrir des mutations de novo (non présentes chez leurs parents). Résultat : les chercheurs ont pu identifier des mutations dans deux gènes en particulier : celui de la kinésine 17 et celui de la protéine SHANK3. On a pu observer un excès de mutations de novo qui seraient à même d’expliquer l’apparition de la maladie. Ces résultats renforcent l’hypothèse d’un rôle du système glutamatergique dans la schizophrénie.

L’implication de mutations de novo permet d’expliquer un certain nombre de cas sans antécédent familial et fournit une première explication à la persistance de la maladie malgré le manque de descendance. Cela dit, il faut bien se garder de penser qu’on a découvert « le gène » de la schizophrénie : « il est clair que ces mutations rares ne rendent pas compte de l’intégralité des cas de schizophrénie », soulignent les chercheurs.

Dr EMMANUEL DE VIEL

Julien Tarabeux et coll. « Biological Psychiatry », octobre 2010.
Quotimed.com, le 13/10/2010