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mercredi 9 novembre 2011


Emission Sur les docks
du lundi au jeudi de 17h à 17h55
Ecoutez l'émission54 minutes

"Guérir de quoi, mourir de quoi ?" 

07.11.2011 - 17:00

Un documentaire d'Olivier Chaumelle et Diphy Mariani



 ©JEAN-LOUIS COURTINAT

Partenariat Libération sur le thème « Témoignages du grand âge », en amont du colloque « L’emprise biomédicale sur le vieillissement » qui aura lieu le mardi 8 novembre au Centre d’Ethique Clinique à Paris





On peut mourir à quatre-vingt-dix ans, en pleine santé, d’un accident de moto ou écrasé par un autobus, ou à cause d’un attentat terroriste. Mais le cas général est qu’on meurt de maladie. 
Au vu des modifications physiologiques que le corps traverse au cours du vieillissement, le monde médical doit répondre à ce genre de dilemme : vaut-il mieux négliger sciemment une pathologie cardiaque, qui provoquera, à terme, un décès brutal mettant fin à une existence relativement confortable, ou bien résoudre chirurgicalement le problème et exposer à coup sûr le patient à une fin de vie beaucoup plus pénible, où les pathologies et les incapacités iront se multipliant ?
De plus, la biologie humaine vit encore sur le dogme selon lequel la machine est programmée pour s’arrêter à cent vingt ans, dernier délai ; mais aujourd’hui, des chercheurs, comme le généticien Miroslav Radman, considèrent que la science pourra bientôt allonger considérablement la vie, et que nos descendants pourront rester alertes jusqu’à cent cinquante ans et plus.




Avec :
A la maison de retraite Les Sarments à Suresnes :
Marie-Marguerite DelamardièreMartine ChenotGuy et Raymond FignonGuy Schilinger, résidents ;
Paul Amar, médecin ;
Et :
Dominique Himbert, cardiologue
Olivier Saint-Jean, gériatre

Production : Olivier Chaumelle
Réalisation : Diphy Mariani
Technique : Yves Le Hors

Galerie : Photographies de Jean-Louis Courtinat 

13 photos

Hôpitaux et cliniques, un match à armes inégales ?
Les cliniques privées souhaitent se développer mais les hopitaux publics les soupçonnent de « choisir les activités les plus rémunératrices »
Le système de santé français se caractérise par la coexistence d’établissements de soins à caractère public et privé. Le secteur public représente 65 % des lits et le secteur privé 35 %. Au total, on recense en France 3 159 établissements : 1 006 établissements publics, 957 établissements privés à but non lucratifs et 1 196 cliniques privées à but lucratif.
L’hôpital public  : sous cette appellation, on regroupe à la fois les centres hospitaliers régionaux universitaires (CHRU), les centres hospitaliers (CH) et les hôpitaux locaux, incluant parfois des maisons de retraite. Les CHRU, qui cumulent des activités de soins, d’enseignement et de recherche, assurent 35 % de l’activité des hôpitaux publics. Parmi les 518 CH, on trouve 90 établissements spécialisés en psychiatrie adulte et 84 en psychiatrie infanto-juvénile. Les hôpitaux locaux dispensent des soins de proximité, en s’appuyant principalement sur des médecins libéraux.
En 2009, les établissements publics ont assuré 8,7 millions d’hospitalisations complètes et 41 millions de consultations et de soins externes. On recense environ 67 000 médecins et 834 026 personnels non médicaux dans les établissements publics.
L’hospitalisation privée  : les cliniques emploient 40 000 médecins libéraux ou salariés et 140 000 personnels de soins, administratifs et techniciens. Ces établissements accueillent chaque année 8 millions de patients.
Aujourd’hui, le secteur privé réalise 60 % des interventions chirurgicales et assure la prise en charge d’une naissance sur trois en France. Un patient sur deux atteint d’un cancer est traité dans le privé, qui réalise aussi 30 % des séjours en soins de suite et 20 % des hospitalisations psychiatriques.
L’accès aux soins  : depuis plusieurs années, le secteur privé communique sur sa capacité à assumer des missions de service public, en particulier pour l’accès aux urgences. « Plus de 130 services d’urgence privés fonctionnent sur tout le territoire, accueillant chaque année 2 millions de patients au tarif de la sécurité sociale, sans dépassements d’honoraires », soulignait en avril 2010, Jean-Loup Durousset, le président de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP). Une étude réalisée pour la FHP indique qu’en 2009, 25 % des patients hospitalisés en clinique relevaient de la Couverture maladie universelle (CMU).
En réponse, l’hôpital public met en avant le fait que ses établissements reçoivent chaque année 14 millions de personnes dans ses services d’urgence, accessibles sur l’ensemble du territoire. « Les cliniques sélectionnent les seules activités rentables au plan économique, les hôpitaux publics prennent en charge tous les patients, même les plus fragiles », assure la Fédération hospitalière de France (FHF), en relevant que 90 % des enfants de moins de 15 ans et plus de 80 % des plus de 75 ans sont pris en charge dans le public.
Les tarifs des hôpitaux et des cliniques  : les deux camps s’affrontent régulièrement sur la question de leurs tarifs. Le secteur privé ne cesse de répéter que, pour un même acte, les cliniques coûtent en moyenne 26 % moins cher que l’hôpital public. Ce dernier réplique qu’à la différence du privé, qui peut « choisir les activités les plus rémunératrices », il se doit de prendre en charge tous les patients.

Les homicides conjugaux en France : bilan de l’année 2010

La délégation aux victimes du ministère de l’Intérieur vient de réaliser le bilan annuel (2010) des « morts violentes au sein du couple », à partir de l’exploitation des synthèses de police judiciaire transmises par les services de police et de gendarmerie, complétés le cas échéant par un dépouillement de la presse nationale et régionale. Par homicide conjugal, on entend ici les assassinats, les meurtres et les coups et blessures volontaires suivis de mort commis à l’encontre d’un conjoint, concubin, pacsé ou d’un « ex » dans ces trois catégories (pour autant qu’on le sache aux premiers stades des enquêtes). Cette étude importante et appréciable est réalisée depuis 2006 et les précédentes synthèse sont disponibles sur Internet. Nous nous sommes procuré ce document encore inédit concernant l’année 2010 et en livrons les principaux résultats pour lemonde.fr.

Mesure et caractéristiques du phénomène
En 2010, les services de police et de gendarmerie ont recensé 173 homicides conjugaux en France (métropole et outre-mer), ce qui représente un peu plus d’un cinquième (22 %) de l’ensemble des homicides. Entre un cinquième et un quart selon les années.
Les femmes constituent 84 % des victimes (146 personnes décédées) mais on relève aussi 28 hommes tués par leur compagne ou ex-compagne. En 2010, il n’y a pas de cas de couples homosexuels mais c’est arrivé les années précédentes. Il n’apparaît pas de tendance sur les 5 années, les chiffres variant un peu chaque année autour d’une stabilité globale (mais au sein d’un ensemble d’homicides qui ne cesse de baisser depuis un quart de siècle contrairement aux idées reçues).
Il s’agit dans la grande majorité des cas de meurtres et non d’assassinats, c’est-à-dire de violences non préméditées, survenues dans l’émotion du moment, émotion décuplée une fois sur deux par la consommation d’alcool, de stupéfiants et/ou de médicaments psychotropes. Selon les premières informations recueillies par les services de police et de gendarmerie, ces émotions ont été provoquées le plus souvent par 1) des situations de séparation (surtout pour les homicides commis par les hommes), 2) des disputes aux motifs divers, 3) de la jalousie, 4) l’état de maladie mentale d’au moins l’un des conjoints, 5) l’état de maladie grave (Alzheimer, parkinson, sclérose en plaques, tétraplégie, cancer...) ou de fin de vie d’au moins l’un des conjoints (avec, dans certains cas, un homicide que l’on peut en réalité rapprocher d’une forme d’euthanasie). Mais l’on voit que ces notions restent un peu floues.
Auteurs et victimes
Si tous les milieux sociaux sont concernés, il apparaît clairement que deux groupes sociaux sont surreprésentés parmi les auteurs d’homicides conjugaux : les chômeurs ou sans emploi (33% des cas) et les retraités (environ 30% des cas). On peut penser ici que cette absence d’activité créé inversement un huis clos conjugal quotidien qui exacerbe les conflits. Il est du reste fréquent (mais non chiffrable avec précision) que l’homicide conjugal soit une sorte d’aboutissement d’une situation de conflit et de violences répétées, parfois depuis des mois voire des années. Logiquement, ce crime est donc également un crime d’âge mûr voire d’âge avancé : l’essentiel se joue entre 30 et 60 ans. Un sixième des victimes avaient même plus de 70 ans, tandis que les jeunes de moins de 20 ans ne sont quasiment pas concernés par cette forme de criminalité.
Cette sorte de sédimentation conflictuelle et violente entre des hommes et des femmes particulièrement proches, la nature des émotions et des affects en jeu, permet aussi de comprendre une autre spécificité de ces crimes qui est l’importance de la proportion des auteurs qui se suicident ou tentent de se suicider après leur geste criminel. En 2010, ce sont 42 % des auteurs qui l’ont fait (dont presque un tiers qui s’est tué après avoir tué son conjoint).
Ajoutons enfin que des enfants peuvent également être concernés par ces homicides conjugaux, soit qu’ils en soient victimes également au passage (5 cas en 2010), soit plus fréquemment qu’ils aient été témoins des meurtres (16 cas en 2010). 
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Illustration : queen_maude_first - flickr - licence cc


Le high-tech pour vieillir en restant chez soi

07.11.11
Tablettes tactiles, capteurs, chemins lumineux... sont testés dans des centaines de domiciles en France.
Tablettes tactiles, capteurs, chemins lumineux... sont testés dans des centaines de domiciles en France.AFP/PHILIPPE DESMAZES
Le classique pendentif de téléassistance, qui équipe environ 450 000 Français et permet de donner l'alerte, paraît daté. En Creuse, dans le Bas-Rhin, en Corrèze, dans l'Isère, les Alpes-Maritimes, les Bouches-du-Rhône... sont testés tablettes, capteurs, montres intelligentes... Gadgets ? Pas vraiment. Tour d'horizon de ces nouveaux usages amenés à se développer en France.
Communiquer avec une tablette. Surprenant mais vrai, la tablette tactile s'adapte plutôt bien aux personnes âgées, même les moins technophiles. Pas de fils encombrants, pas d'arborescences compliquées, de grandes touches adaptées, une par usage... Résultat : elle est utilisée comme objet communiquant à tout faire. Pour se tenir au courant, de la météo ou des informations, pour jouer, pour appeler en visioconférence une liste de contacts préétablis (enfants, petits-enfants, amis du bout de la rue quand on n'arrive plus à se déplacer).
La tablette sert aussi de carnet de liaison entre les différents intervenants à domicile, de l'infirmière à l'auxiliaire de vie. Elle peut être utilisée pour réunir en visioconférence plusieurs acteurs (proches, docteurs...) ou transmettre aux médecins certaines données physiologiques (poids, glycémie...).
Le marché est émergent mais les retours sont prometteurs. La société Serviligne, présente depuis 2008, a installé quelques centaines de tablettes à Nice, Marseille, Strasbourg, Grenoble... L'entreprise implante à chaque fois une association de maintien à domicile pour offrir "un service d'aide complémentaire", explique Olivier Clément, son dirigeant.
Son concurrent Intervox, racheté par le leader mondial des prises électriques Legrand, teste depuis quelques mois une tablette en Creuse auprès de 300 personnes. Et en Haute-Vienne, un appel d'offres pour équiper plusieurs centaines de domiciles est en cours. Orange Labs a également sa tablette spéciale senior. Tout comme la start-up Ezodis, qui a lancé son terminal "TVsentiel" installé pour la première fois dans 25 domiciles du Val-de-Marne, une opération financée par le conseil général.
Quant au géant nippon Toshiba, à la tête d'un consortium dans le Bas-Rhin, il vient d'installer des tablettes dans une quinzaine de foyers. Cette expérimentation ambitieuse, dimensionnée pour proposer plus tard de la télémédecine, est considérée "comme un test mondial qui pourrait bien êtredupliqué au Japon et dans d'autres pays européens", explique Jeannot Allouche, qui pilote ce projet. Pour la personne âgée, le coût d'un tel dispositif est de 40 à 60 euros par mois. Il faut cependant que le domicile soit relié à Internet et ait donc une box (Orange, Free, Numericable, Darty...), qui coûte environ 30 euros par mois.
Se repérer grâce aux chemins lumineux. Chaque année, 450 000 chutes de seniors se terminent aux urgences. C'est d'ailleurs la première cause de mortalité accidentelle des plus de 65 ans. L'entreprise Legrand propose d'installer au domicile un "chemin lumineux" constitué de quelques capteurs à infrarouge apposés aux murs pour déclencher le système d'éclairage, lorsque la personne se rend de nuit aux toilettes par exemple. Ce système, expérimenté en Creuse, a fait baisser de 30 % le nombre de chutes et coûte quelques centaines d'euros.
Le concurrent Osram a conçu, en partenariat avec la société Diroy, un pied de lit universel (Sweet light) qui sera commercialisé en janvier 2012. Il comprend un capteur de mouvement et un petit éclairage. Lorsque la pièce est dans l'obscurité, un simple pied hors du lit déclenche la lumière (150 euros). Des interrupteurs lumineux et très contrastés permettant un repérage plus aisé de jour comme de nuit sont également disponibles.
Alerter par des capteurs et détecteurs. Ils ne sont pas plus grands qu'une pièce de monnaie et se placent un peu partout dans la maison ou... sur la personne. Ainsi, le "capteur de chute brutale" et le "détecteur d'activité" se portent au poignet, tels une montre. Ce bracelet peut posséder un détecteur de chocs, un accéléromètre qui mesure la vitesse des mouvements, un capteur de pression. Les fournisseurs se nomment Orange, Toshiba, General Electric, Intervox, Vivago, Senioralerte...
A la moindre anomalie, un signal est envoyé au centre de téléassistance. D'autres capteurs, positionnés sur les murs, détectent de façon plus classique certains gaz (monoxyde de carbone, butane, propane), la fumée, les inondations ou le froid. Un forfait d'assistance classique étant d'environ 20 euros par mois, il faut compter quelques euros supplémentaires par capteur installé. Des poids lourds de l'électronique tels Sony, Samsung, Philips, GE préparent déjà des bracelets ou des patches qui prendront des mesures telles que la tension, le rythme cardiaque, la température du corps...
Se souvenir grâce au pilulier électronique. C'est déjà un classique aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni. Le pilulier électronique est constitué d'un carrousel contenant les médicaments pour un jour, une semaine ou un mois si le nombre de comprimés n'est pas trop élevé. Quatre fois par jour, il rappelle la personne à l'ordre par une petite sonnerie. Puis réitère son signal le cas échéant. Certains piluliers peuvent être connectés, et envoyer des signaux aux aidants ou à l'infirmière si la prise n'a pas été effectuée. Un pilulier "coûte de 200 à 350 euros selon les versions", explique Stéphane Sage, dirigeant d'Ithaq, qui importe le produit (Pilulier.com). Il est disponible (10 euros par mois) dans des forfaits d'assistance.
Ces objets, imaginés pour seconder des équipes sociales ou médicales, ne risquent-ils pas de déshumaniser un peu plus le quotidien des aînés ? Selon les expérimentations réalisées, les personnes âgées semblent, contre toute attente, assez ouvertes à ces aides si elles sont, bien sûr, doublées d'un accompagnement humain. Les freins semblent tout autres.
L'arrivée des nouvelles technologies bouleverse visiblement les équilibres intergénérationnels. "Il faut que les familles acceptent d'être en visiophonie avec leurs aînés", remarque Didier Courquin, d'Intervox. Ainsi, certaines personnes âgées pourvues de tablettes se plaignent de leur matériel qu'elles pensent défectueux. Vérification faite, elles ont en fait envoyé des mails à des enfants ou des petits-enfants... et ceux-ci sont restés sans réponse.
Laure Belot

Difficile d'obtenir des aides financières

Une solution high-tech vous intéresse, pour vous ou un de vos proches ? Sachez qu'il ne sera pas aisé de recevoir une aide financière. Jusqu'à présent, c'est à coups d'appels d'offres subventionnés, souvent par les conseils généraux, que ces objets technologiques se sont déployés sur le marché français. Des personnes possédant une autonomie réduite - diagnostiquées "Gir 1, 2, 3 ou 4" et recevant l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) - ont donc pu bénéficier de ces solutions innovantes à moindre coût.

Si vous ou un de vos proches êtes dans cette situation, vous pouvez vous renseigner auprès de votre mairie ou conseil général pour voir si une telle expérimentation est prévue. Si tel n'est pas le cas, le scénario à envisager est celui du financement personnel.
Plusieurs possibilités s'offrent alors : vous pouvez contacter directement une entreprise proposant une technologie et la commercialisant. Mais "il n'y a pas de guichet unique, c'est un peu la jungle de l'offre", estime Jérôme Pigniez, créateur du site Gérontechnologie.net, qui a imaginé les trophées du grand âge pour justement mettre en valeur les solutions innovantes.
L'autre option est de contacter votre assureur ou votre banquier. Il vous mettra en contact avec sa société d'assistance partenaire (Mondial, Axa ou Europ Assistance, Fidelia...). "Nous envoyons alors un expert qui va réaliser un audit et préconiser les technologies qui paraissent adaptées aux besoins", explique Laurent Goldstein, gastro-entérologue et directeur santé et services à la personne de Mondial Assistance.
De 5 à 30 euros par mois
Cet observateur pronostique que d'ici deux ans les forfaits d'assistance incluant ces nouvelles technologies seront de 5 à 30 euros par mois. "5 à 10 euros pour une assistance de base et 20 à 30 euros pour un forfait premium", précise-t-il.
Les tarifs actuels seraient plutôt du double. "La technologie est là, mais il n'y a pas assez de volume pour faire baisser les coûts", regrette-t-il.
Autre difficulté, "aucun pays n'a formé à grande échelle de professionnels (ergothérapeutes, domoticiens) capables de prescrire ce type de produits. Il faudrait créer une filière professionnelle", remarque-t-il. D'où la question centrale du rôle de l'Etat. "Il s'agit de savoir si cet équipement relève de la solidarité nationale ou de la sphère privée", souligne Fabien Harel, responsable du laboratoire d'évaluation de la télésanté en territoire isolé. Au vu de l'état des finances publiques, le débat paraît déjà tranché !
Laure Belot

Sibylline raconte l’hôpital psychiatrique

Posté par  le 7 nov 2011 dans À la uneMagazine • Pas de commentaires
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Après l’érotique Premières Fois et le joli conte Le Trop Grand Vide d’Alphonse Tabouret, Sibylline change radicalement de registre. À 33 ans, elle revient sur un des épisodes les plus douloureux de sa vie : ses quelques semaines d’hôpital psychiatrique après une tentative de suicide, à l’âge de 17 ans, une décennie après le propre suicide de sa mère. Magistralement dessiné par Natacha Sicaud, Sous l’entonnoir est tour à tour instructif et flippant, toujours juste et touchant. Rencontre avec une jeune femme qui occupe toujours un poste de standardiste chez Delcourt, et qui ne sent toujours pas scénariste. À tort, ce livre en est la preuve.


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Comment en êtes-vous venue à raconter cette histoire, votre histoire ?
Après Premières Fois et son succès, j’ai ressenti un énormevide. Je me suis dit que je n’y arriverai plus, et dans le même temps, je ressentais le besoin impérieux de faire à nouveau des livres pour le bonheur qu’ils apportent. Mon éditeur, David Chauvel, m’a alors dit : « N’attends pas de pondre Guerre et paix, écris n’importe quoi, mais écris ! »J’ai suivi ses conseils, et comme j’avais déjà vaguement l’idée de parler un peu de mon histoire, j’ai choisi d’évoquer ce mois d’internement à Sainte-Anne. Et rapidement, à ma grande surprise, David Chauvel s’est enthousiasmé pour ce projet.

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À quelles difficultés vous êtes-vous heurtée?
Pour moi, écrire est toujours un acte hyperdouloureux. Je ne sais pas comment faire, je ne connais pas les trucs… et ça me fait peur. Même pour ce livre-là, alors que c’est quand même un peu de la triche, car je connais forcément cette histoire par coeur… D’ailleurs, ce fut sans doute ma plus grosse appréhension durant l’écriture : je ne trouvais pas mon récit intéressant, il m’ennuyait, je me demandais ce que les lecteurs pourraient bien y trouver.

Mise à part votre expérience, le sujet de la psychiatrie vous intéressait-il ?
Pas tellement. Pour moi, l’épisode de Saint-Anne fut comme un bon coup de pied aux fesses, pour me dire qu’il fallait que je fasse en sorte d’aller bien. C’est très loin tout ça… Mais entre temps, je suis devenue amie avec une psychiatre, et discuter des relations entre médecins et patients m’a beaucoup intéressée.

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué dans votre séjour en hôpital psychiatrique ?
La contention. Le sentiment terrible de comprendre à quel point on perd tout pouvoir décisionnaire et physique et que c’est un inconnu qui va décider à notre place. C’est l’enfer. Et puis, il y a l’ennui. Ces journées qui s’étirent, qui n’en finissent pas… Le silence aussi, et la difficulté de se concentrer sur quoi que ce soit, notamment à cause des médicaments.

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Il y a les autres patients aussi. Dans le livre, on sent un danger planer…
C’est surtout parce que les autres sont imprévisibles et qu’on ne connaît pas leur pathologie. Certains sont dépressifs, d’autres profondément déconnectés de la réalité, et on ne sait pas comment interagir avec eux. Et certains sont grands et forts, et peuvent être impressionnants. C’est comme quand on se promène tard le soir dans un endroit inconnu en se demandant qui on va croiser. Ou quand on est dans la salle d’attente d’un médecin et qu’on se demande s’il vaut mieux s’asseoir à côté de la dame qui a l’air d’avoir une gastro ou du type qui crache ses poumons. Et cela, tous les jours, à chaque instant.

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Votre livre cherche-t-il à dénoncer ce mode de prise en charge ?
Pas du tout, c’est vraiment un livre de souvenirs, et je suis même retournée à Sainte-Anne pour récupérer mon dossier et chercher à légitimer ma démarche. Il y a une grande différence entre le ressenti d’une ado mal dans sa peau qui sort d’un mois d’internement, et mon point de vue aujourd’hui : j’enverrai la Terre entière voir un psy, c’est super utile ! C’est d’ailleurs curieux ce truc honteux, en France, avec les maisons de repos ou les cliniques privées. En Angleterre ou aux États-Unis, on peut annoncer sans honte qu’on part un mois se reposer, en cure, en désintox, car on n’en peut plus. Ici, ça ne se fait pas, c’est dommage.

Sortir Sous l’entonnoir, quinze ans après les faits, est-ce une façon de tourner définitivement la page ?
Je n’ai pas l’impression d’avoir fermé ou réparé quelque chose avec ce livre, ni même d’avoir réglé des comptes… Mais quand je dis ça, ma copine psy me traite d’hypocrite ! Il y a sans doute un processus à l’oeuvre…

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Comment s’est passé le travail avec Natacha Sicaud ?
Je me suis sentie un peu coupable de lui confier une histoire si peu drôle et si personnelle… Car je voulais qu’elle puisse s’approprier vraiment l’histoire. Et puis elle m’a demandé si je voulais qu’elle donne mes traits à l’héroïne, que j’avais baptisée Aline pour créer une distance. Je lui ai dit de faire comme elle le sentait, et finalement c’est bien moi dans l’album, ça fait bizarre… Ce que j’aime dans le dessin de Natacha, c’est son intelligence des postures et des corps.

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D’où vient ce titre, un peu étrange au premier abord, Sous l’entonnoir ?
Au tout début du projet, le livre devait s’appeler HP. Mais je rencontre alors Lisa Mandel, nous échangeons sur nos projets respectifs et j’apprends qu’elle s’apprête aussi à sortir un livre intitulé HP ! Ensuite, pendant presque deux ans, nous n’avons pas trouvé autre chose. Et puis, quand c’est devenu un petit peu urgent de donner un titre au livre, nous avons commencé à faire des blagues. Nous nous sommes inspirés des classiques de la littérature française. Par exemple : « Longtemps je me suis couché de bonheur, mais ce n’était pas ma faute, c’est parce que je prenais des médicaments. » Bref, nous avons quitté Proust pour Zola, sommes tombés surL’Assommoir… qui a ensuite fait apparaître L’Entonnoir. Et David Chauvel a suggéré Sous l’entonnoir. Au final, j’adore ce titre !

Propos recueillis par Benjamin Roure