Le high-tech pour vieillir en restant chez soi
07.11.11
Le classique pendentif de téléassistance, qui équipe environ 450 000 Français et permet de donner l'alerte, paraît daté. En Creuse, dans le Bas-Rhin, en Corrèze, dans l'Isère, les Alpes-Maritimes, les Bouches-du-Rhône... sont testés tablettes, capteurs, montres intelligentes... Gadgets ? Pas vraiment. Tour d'horizon de ces nouveaux usages amenés à se développer en France.
Communiquer avec une tablette. Surprenant mais vrai, la tablette tactile s'adapte plutôt bien aux personnes âgées, même les moins technophiles. Pas de fils encombrants, pas d'arborescences compliquées, de grandes touches adaptées, une par usage... Résultat : elle est utilisée comme objet communiquant à tout faire. Pour se tenir au courant, de la météo ou des informations, pour jouer, pour appeler en visioconférence une liste de contacts préétablis (enfants, petits-enfants, amis du bout de la rue quand on n'arrive plus à se déplacer).
La tablette sert aussi de carnet de liaison entre les différents intervenants à domicile, de l'infirmière à l'auxiliaire de vie. Elle peut être utilisée pour réunir en visioconférence plusieurs acteurs (proches, docteurs...) ou transmettre aux médecins certaines données physiologiques (poids, glycémie...).
Le marché est émergent mais les retours sont prometteurs. La société Serviligne, présente depuis 2008, a installé quelques centaines de tablettes à Nice, Marseille, Strasbourg, Grenoble... L'entreprise implante à chaque fois une association de maintien à domicile pour offrir "un service d'aide complémentaire", explique Olivier Clément, son dirigeant.
Son concurrent Intervox, racheté par le leader mondial des prises électriques Legrand, teste depuis quelques mois une tablette en Creuse auprès de 300 personnes. Et en Haute-Vienne, un appel d'offres pour équiper plusieurs centaines de domiciles est en cours. Orange Labs a également sa tablette spéciale senior. Tout comme la start-up Ezodis, qui a lancé son terminal "TVsentiel" installé pour la première fois dans 25 domiciles du Val-de-Marne, une opération financée par le conseil général.
Quant au géant nippon Toshiba, à la tête d'un consortium dans le Bas-Rhin, il vient d'installer des tablettes dans une quinzaine de foyers. Cette expérimentation ambitieuse, dimensionnée pour proposer plus tard de la télémédecine, est considérée "comme un test mondial qui pourrait bien êtredupliqué au Japon et dans d'autres pays européens", explique Jeannot Allouche, qui pilote ce projet. Pour la personne âgée, le coût d'un tel dispositif est de 40 à 60 euros par mois. Il faut cependant que le domicile soit relié à Internet et ait donc une box (Orange, Free, Numericable, Darty...), qui coûte environ 30 euros par mois.
Se repérer grâce aux chemins lumineux. Chaque année, 450 000 chutes de seniors se terminent aux urgences. C'est d'ailleurs la première cause de mortalité accidentelle des plus de 65 ans. L'entreprise Legrand propose d'installer au domicile un "chemin lumineux" constitué de quelques capteurs à infrarouge apposés aux murs pour déclencher le système d'éclairage, lorsque la personne se rend de nuit aux toilettes par exemple. Ce système, expérimenté en Creuse, a fait baisser de 30 % le nombre de chutes et coûte quelques centaines d'euros.
Le concurrent Osram a conçu, en partenariat avec la société Diroy, un pied de lit universel (Sweet light) qui sera commercialisé en janvier 2012. Il comprend un capteur de mouvement et un petit éclairage. Lorsque la pièce est dans l'obscurité, un simple pied hors du lit déclenche la lumière (150 euros). Des interrupteurs lumineux et très contrastés permettant un repérage plus aisé de jour comme de nuit sont également disponibles.
Alerter par des capteurs et détecteurs. Ils ne sont pas plus grands qu'une pièce de monnaie et se placent un peu partout dans la maison ou... sur la personne. Ainsi, le "capteur de chute brutale" et le "détecteur d'activité" se portent au poignet, tels une montre. Ce bracelet peut posséder un détecteur de chocs, un accéléromètre qui mesure la vitesse des mouvements, un capteur de pression. Les fournisseurs se nomment Orange, Toshiba, General Electric, Intervox, Vivago, Senioralerte...
A la moindre anomalie, un signal est envoyé au centre de téléassistance. D'autres capteurs, positionnés sur les murs, détectent de façon plus classique certains gaz (monoxyde de carbone, butane, propane), la fumée, les inondations ou le froid. Un forfait d'assistance classique étant d'environ 20 euros par mois, il faut compter quelques euros supplémentaires par capteur installé. Des poids lourds de l'électronique tels Sony, Samsung, Philips, GE préparent déjà des bracelets ou des patches qui prendront des mesures telles que la tension, le rythme cardiaque, la température du corps...
Se souvenir grâce au pilulier électronique. C'est déjà un classique aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni. Le pilulier électronique est constitué d'un carrousel contenant les médicaments pour un jour, une semaine ou un mois si le nombre de comprimés n'est pas trop élevé. Quatre fois par jour, il rappelle la personne à l'ordre par une petite sonnerie. Puis réitère son signal le cas échéant. Certains piluliers peuvent être connectés, et envoyer des signaux aux aidants ou à l'infirmière si la prise n'a pas été effectuée. Un pilulier "coûte de 200 à 350 euros selon les versions", explique Stéphane Sage, dirigeant d'Ithaq, qui importe le produit (Pilulier.com). Il est disponible (10 euros par mois) dans des forfaits d'assistance.
Ces objets, imaginés pour seconder des équipes sociales ou médicales, ne risquent-ils pas de déshumaniser un peu plus le quotidien des aînés ? Selon les expérimentations réalisées, les personnes âgées semblent, contre toute attente, assez ouvertes à ces aides si elles sont, bien sûr, doublées d'un accompagnement humain. Les freins semblent tout autres.
L'arrivée des nouvelles technologies bouleverse visiblement les équilibres intergénérationnels. "Il faut que les familles acceptent d'être en visiophonie avec leurs aînés", remarque Didier Courquin, d'Intervox. Ainsi, certaines personnes âgées pourvues de tablettes se plaignent de leur matériel qu'elles pensent défectueux. Vérification faite, elles ont en fait envoyé des mails à des enfants ou des petits-enfants... et ceux-ci sont restés sans réponse.
Laure BelotDifficile d'obtenir des aides financières
Une solution high-tech vous intéresse, pour vous ou un de vos proches ? Sachez qu'il ne sera pas aisé de recevoir une aide financière. Jusqu'à présent, c'est à coups d'appels d'offres subventionnés, souvent par les conseils généraux, que ces objets technologiques se sont déployés sur le marché français. Des personnes possédant une autonomie réduite - diagnostiquées "Gir 1, 2, 3 ou 4" et recevant l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) - ont donc pu bénéficier de ces solutions innovantes à moindre coût.
Si vous ou un de vos proches êtes dans cette situation, vous pouvez vous renseigner auprès de votre mairie ou conseil général pour voir si une telle expérimentation est prévue. Si tel n'est pas le cas, le scénario à envisager est celui du financement personnel.
Plusieurs possibilités s'offrent alors : vous pouvez contacter directement une entreprise proposant une technologie et la commercialisant. Mais "il n'y a pas de guichet unique, c'est un peu la jungle de l'offre", estime Jérôme Pigniez, créateur du site Gérontechnologie.net, qui a imaginé les trophées du grand âge pour justement mettre en valeur les solutions innovantes.
L'autre option est de contacter votre assureur ou votre banquier. Il vous mettra en contact avec sa société d'assistance partenaire (Mondial, Axa ou Europ Assistance, Fidelia...). "Nous envoyons alors un expert qui va réaliser un audit et préconiser les technologies qui paraissent adaptées aux besoins", explique Laurent Goldstein, gastro-entérologue et directeur santé et services à la personne de Mondial Assistance.
De 5 à 30 euros par mois
Cet observateur pronostique que d'ici deux ans les forfaits d'assistance incluant ces nouvelles technologies seront de 5 à 30 euros par mois. "5 à 10 euros pour une assistance de base et 20 à 30 euros pour un forfait premium", précise-t-il.
Les tarifs actuels seraient plutôt du double. "La technologie est là, mais il n'y a pas assez de volume pour faire baisser les coûts", regrette-t-il.
Autre difficulté, "aucun pays n'a formé à grande échelle de professionnels (ergothérapeutes, domoticiens) capables de prescrire ce type de produits. Il faudrait créer une filière professionnelle", remarque-t-il. D'où la question centrale du rôle de l'Etat. "Il s'agit de savoir si cet équipement relève de la solidarité nationale ou de la sphère privée", souligne Fabien Harel, responsable du laboratoire d'évaluation de la télésanté en territoire isolé. Au vu de l'état des finances publiques, le débat paraît déjà tranché !
Laure Belot
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