22 novembre 2023
Oui, le temps est aux haines – celles, capillaires, qui suintent des réseaux (a)sociaux, et acidifient les microfibres du tissu social, celles, ataviques, historiques, politiques, qui dressent les communautés les unes contre les autres, poussent aux massacres, aux exodes, aux pogroms, aux crimes de guerre. D’aucuns les attisent, par fanatisme, aveuglement ou calcul. D’autres font semblant d’en repérer la source, réelle ou fantasmée, pour la situer, par idéologie, dans le camp de l’Ennemi. Quand, plus honnêtement, on s’efforce d’en rendre raison, on mobilise toutes les ressources disponibles, les sciences sociales et politiques, l’histoire, l’anthropologie, la psychologie, la psychanalyse, et on finit par savoir, un peu, beaucoup, pourquoi les groupes humains se haïssent, pourquoi la détestation entre individus se répand partout, sans toujours trouver les moyens de faire qu’ils cessent de s’exécrer. Si un philosophe se lance dans cette même enquête, il se trouve déjà armé de tous ces savoirs, mais doit chercher un «terrain» original, et le plus originel possible, sis «au commencement», c’est-à-dire au moment où un être biologique, corporel, accueilli dans le monde par le langage, devient un être qui via l’interaction avec les autres acquiert une conscience, autrement dit un être pensant.