ENTRETIEN La grande historienne, dont une bonne partie de l’œuvre vient d’être réunie dans la collection « Bouquins », revient sur sa vie et ses recherches. Elle a fait sortir de l’oubli les invisibles et les exclus, les ouvriers et les femmes et analysé finement les relations entre les deux sexes.
Michelle Perrot, à son domicile parisien, le 3 décembre.
LEA CRESPI POUR LE MONDE
Lorsqu’elle feuillette l’épais volume de la collection « Bouquins » consacrée à son travail d’historienne, Michelle Perrot éprouve, dit-elle, une sorte de « vertige ». Vertige de voir ainsi consacrée la « petite élève du cours Bossuet » qui n’imaginait pas un jour figurer dans cette collection qui accueille Tocqueville, Montesquieu, Talleyrand ou Thucydide. Vertige, aussi, de voir ainsi réunis dans un volume de plus de 1 000 pages quelques-uns de ses plus grands travaux sur l’histoire des femmes, des ouvriers ou des prisonniers (Robert Laffont, 1 184 p.).
Les grévistes de la fin du XIXe siècle, les enfants de la prison de la Petite-Roquette, les « Apaches » du début du XXe siècle, et bien sûr, les femmes : cette pionnière a consacré sa vie à sortir de l’oubli les invisibles, les exclus, les obscurs, les vagabonds, les réprouvés. « L’histoire peut exhumer des objets nouveaux, les “inventer” en quelque sorte », écrit-elle. Avec bien d’autres, Michelle Perrot a « inventé » l’histoire des femmes – « victimes d’abord, mais existantes, puissantes aussi, capables d’obstruction, pleurantes peut-être mais aussi murmurantes, résistantes, criantes, parlantes, de plus en plus maîtresses de leur destin ».