Se carapater sous la couette et essayer de tout oublier, ne serait-ce que quelques heures, voire quelques minutes : qui dit mieux, ces temps-ci ? Le chaos mondial en cours et l’avalanche de raisons de douter de l’humanité qu’il charrie accentuent encore la tentation d’activer la touche snooze («roupillon», «petit somme») du réveil, qui permet de répéter le clairon matinal. Se lever d’un bond pour replonger dans ce monde toujours plus brutal, à quoi bon ?
C’est sans compter l’adage «L’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt», qui stigmatise les marmottes – dont on fait partie. Il est une variante d’une phrase écrite au XIXe siècle par l’écrivain français Henry Gauthier-Villars, dit Willy. Il faut dire qu’à l’époque, l’électricité ne courait pas le monde, et les habitués de l’aube étaient nécessairement plus productifs que les traîne-au-lit. Mais, la fée a beau s’être popularisée, l’idée perdure qu’un lever matinal garantit une efficacité plus grande. Les matinaux (et ceux qui dorment peu) seraient les winners, les locomotives versus les lents à l’allumage qui regrouperaient des ados ralentis par les hormones et des adultes mous du genou incapables d’empoigner la vie sans trembler.