Vendredi midi, j’ai déjeuné avec une amie autour d’un plat de pâtes. Nous en étions au café lorsqu’elle m’a dit qu’elle ne supportait plus de voir ses amis faire le choix du privé pour leurs enfants. Pas n’importe quel privé, a-t-elle précisé. Celui d’un certain microcosme, le privé de l’élite, celui dont les noms remplissent régulièrement les pages des journaux : Stanislas, l’Ecole alsacienne, des Montessori bilingues… Ce choix lui semble tellement éloigné des valeurs que ces amis revendiquent par ailleurs qu’il l’énerve profondément. « Je n’arrive plus à les voir. Cela m’insupporte tellement que je préfère ne plus leur parler. » Ce n’est pas par haine du privé, m’a-t-elle dit ensuite, en ajoutant qu’elle n’hésiterait pas à y mettre sa fille si un jour cela devenait nécessaire. Sa colère naît plutôt du fait que ces amis-là choisissent délibérément l’entre-soi. Les cafés de parents où se côtoient dirigeants du CAC 40, responsables politiques, journalistes… Des enfants qui grandiront entourés de noms de famille célèbres, qui profiteront de la cour de récré pour « réseauter ». Et, finalement, une participation active au délitement de notre système scolaire.
Quand on entend parler d’implant cérébral, c’est généralement dans les œuvres de science-fiction ou dans les annonces fantaisistes d’Elon Musk. Cependant, la recherche avance réellement à ce sujet, avec tout ce que cela comporte d’espoirs et d’inquiétudes. Avec son livre L’Homme augmenté – Futurs de nos cerveaux, Raphaël Gaillard, professeur de psychiatrie et directeur de pôle universitaire de psychiatrie à l’hôpital Sainte-Anne, à Paris, fait le point sur ces technologies.
Pourquoi avez-vous voulu écrire ce livre ?
Je trouve qu’il y a beaucoup de fantasmes autour de cette question de l’augmentation de l’homme et je me suis dit qu’il fallait clarifier les choses. La première clarification étant que ce n’est pas de la science-fiction, c’est déjà une réalité. J’ai donc commencé par décrire en quoi c’était une réalité, ensuite quelles pouvaient être les conséquences – surtout dans mon champ, celui de la santé mentale – et enfin, ce qu’on pouvait imaginer pour prévenir et limiter certaines de ces conséquences. Mais la première démarche était déjà de l’ordre de l’inventaire : est-ce que c’est de la science-fiction ou une réalité ?
Vous démontez quelques mythes qui viennent justement de toutes ces histoires, par exemple l’idée qu’avec un implant cérébral, on pourrait apprendre n’importe quelle compétence comme dans Matrix. Mais le cerveau n’est pas un simple disque dur. En quoi est-ce plus compliqué que ça en a l’air ?
C’est surtout que le cerveau est un magma de neurones qui sont très nombreux : il y en a 85 milliards qui ont chacun 1 000 à 10 000 connexions. Il n’y a pas une connexion qui donne accès à tout, il n’y a pas de port USB du cerveau. Ces classiques de la science-fiction, par exemple l’idée qu’on pourrait transférer un cerveau sur un disque dur, se heurtent donc à une réalité très concrète : il n’y a pas un port USB qui donne accès à l’ensemble du cerveau et qui permette ce type de contact, parce que le cerveau n’est pas construit comme un ordinateur. Même dans les films Avatar, où les Na’vi se connectent avec leur queue, il y a cette idée que tout le monde aurait un port USB. Ça, clairement, c’est de l’ordre de la science-fiction.
Pour autant, ce qu’on peut faire, c’est mettre en contact des puces de silicium avec certaines parties du cerveau pour augmenter certaines compétences en lien avec cette partie-là du cerveau.