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vendredi 18 février 2022

Petite leçon de choses à l'attention des déboulonneurs de statues

 institut histoire et lumières de la pensée

olivier bétourné et élisabeth roudinesco, fondateurs

17 février 2022

Olivier Bétourné

En fouillant dans les archives de mon cher XVIIIè siècle, je suis tombé par hasard sur ce  texteinsolite,  égaré entre deux  procès-verbaux  de séances  à la Convention et au club des Jacobins. J'ai le livre  ici dans son intégralité. Son auteur, Louis Bernard Guyton-Morveaux (1737-1816), bon chimiste  et bon républicain,  versificateur à ses heures, a donné son nom à une rue du treizième arrondissement de Paris. Il faut dire que le conventionnel chimiste  était  honnête  homme : ne s’est-il pas signalé à la postérité comme  l’un des fondateurs de l’Ecole polytechnique ? En date du  lundi 11 novembre 1793, on lit  donc ceci dans le Moniteur  (le Journal Officiel de l’époque):


Sur le jeu des échecs.

 Sera-t-il permis à des Français de jouer à l‘avenir aux échecs ? Cette question fut agitée, il y a quelques jours, dans une société de bons républicains, et il fut conclu, comme on devait s’y attendre, pour la négative absolue.

 Mais on demanda ensuite s’il ne serait pas possible de républicaniser ce jeu, le seul qui exerce véritablement l’esprit, et, proscrivant des noms auxquels nous avons juré une haine éternelle, de conserver ce chef-d’œuvre  de combinaisons quile rend si piquant, et qu’on ne peut se flatter de remplacer.

 Voici les réflexions que j’ai faites sur cette seconde question, et les résultats auxquels elles m’ont conduit.

 Tout le monde sait que le jeu des échecs est une image de la guerre ; jusque-là,rien qui répugne à un républicain, car il n’est que trop certain qu’un peuple libre doit toujours être prêt à soutenir sa liberté par les armes.

 Ainsi, lors même que ce peuple renonce à faire d’autre usage que pour la plus légitime défense, il ne peut, sans imprudence, se dispenser d’avoir une force militaire, et d’en ordonner, au moins de temps en temps, le rassemblement, pour l’exercer.

 Que ce rassemblement soit plus ou moins considérable, quelle que soit sa durée, on en manquerait l’objet si l’on n’y formait le simulacre d’un camp. Il paraitrasans doute convenable de diviser momentanément ce camp en deux, composé chacun de troupes de toutes armes, qui se partageront et se rangeront sous deux drapeaux différents dont on sera convenu, pour figurer alternativement des attaques et des défenses.

 Rien n’empêche encore que, dans cette lutte de pure émulation entre des frères, on ne convienne que l’enlèvement du drapeau soit le but et le signe de la victoire.
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