Quand les caméras s’invitent dans les Ehpad, c’est généralement lors d’une situation de crise (épidémie, maltraitance…) ou pour évoquer les difficiles conditions de travail des soignants, leur manque de temps et de moyens. Prendre soin, le dernier film du documentariste et sociologue Bertrand Hagenmüller, coécrit avec le philosophe du travail et psychosociologue Bernard Benattar, s’est donné une autre mission. « Je souhaitais faire un film qui raconte l’histoire de ces soignants, héros ordinaires. Filmer au plus près de leur quotidien pour [se] rendre compte de l’incroyable complexité de leur métier, approcher par la caméra ces corps qui s’apprivoisent, ces visages qui s’appellent », explique M. Hagenmüller dans le dossier de presse.
La curiosité serait un des attributs de l’intelligence humaine. Ce postulat repose sur une hypothèse très forte, mais rarement explicite : au moment d’un choix, l’esprit humain évalue les différentes options sans faire d’erreur, en se basant sur ses expériences passées. Une équipe de recherche de l’Inserm ( Institut national de la santé et de la recherche médicale) du Laboratoire de neurosciences cognitives et computationnelles (LNC2) a voulu tester cette hypothèse. En effet, dans un travail antérieur, un de ses membres avait montré que « notre capacité à faire le bon choix sur la base d’indices partiels est limitée par des erreurs de raisonnement au moment de combiner ces indices, et non par des hésitations au moment des choix . »
La colère, la crainte, la peur, l’excitation… dans son «Dictionnaire des émotions», l’historienne revalorise politiquement la part émotionnelle de l’être humain, qui est tout aussi fondamentale que la raison.
«A noir, E blanc, I rouge, U vert»… Pour révéler les correspondances entre sons et couleurs, aller de la sensation au sentiment, Rimbaud en 1871 invente son propre lexique, composé de Voyelles, et déjà il étire la vie intérieure : tons plus vifs, sons plus nets, émotions plus intenses. Deux siècles et demi plus tard, l’auteure britannique Tiffany Watt Smith, historienne de la culture et chargée de recherche au Centre d’histoire des émotions de l’université Queen Mary à Londres, ouvre d’autres possibles encore. Son Dictionnaire des émotions, ou comment cultiver son intelligence émotionnelle (éd. Zulma, 2019), se feuillette avec plaisir pour ses anecdotes historiques, son tour du monde émotionnel, mais surtout sa revalorisation de ce pan de l’expérience humaine souvent vécu dans l’ombre de l’injonction à la rationalité, du poids de la religion ou des stéréotypes de genre. «A» comme «Amae», en japonais, le fait de se sentir vivifié par l’amour d’un être cher que l’on sait acquis. «B» comme «Basorexie», l’envie soudaine d’embrasser quelqu’un. Ou «C» comme «Compersion», ce plaisir déroutant que l’on peut ressentir quand on sait que la personne que l’on aime en désire une autre, un amour par procuration en quelque sorte. En 154 entrées, Tiffany Watt Smith démontre que l’infinie complexité de nos expériences intérieures appelle une nécessaire nuance, que connaître ses émotions passe forcément par les nommer, et que dans l’acte de dénomination se niche une puissance émancipatrice, la puissance du ressenti.
Pourquoi est-il parfois difficile de nommer ce que l’on ressent ?
La difficulté réside dans le fait que, d’une part, nos sensations sont généralement mouvantes et assez vagues. Nous pouvons avoir la même réaction physique pour plusieurs émotions très différentes. Quand nous sommes en colère et quand nous sommes excités, par exemple, notre corps ressent les mêmes effets : le cœur bat plus vite, nous transpirons, nous nous sentons nerveux. D’autre part, les mots que nous employons pour qualifier ces expériences dépendent du contexte dans lequel nous nous trouvons, de l’époque à laquelle nous vivons, ou de notre milieu social. J’aime avoir recours à l’exemple de la peur, quand la nuque se raidit. On a tendance, à notre époque, à considérer la peur comme une émotion négative. Pourtant, il arrive que cette peur soit, en fait, une forme d’excitation : vous êtes nerveux parce que vous êtes sur le point de participer à une compétition, par exemple, et c’est effrayant mais stimulant. On pourra alors penser que c’est une sorte de peur positive. D’autres cultures que la nôtre envisagent la peur de nombreuses et différentes façons. Les Pintupi, de l’ouest de l’Australie, parlent ainsi de 15 sortes de peur très diverses.
D'un côté, ils exercent une fascination et un certain nombre de fantasmes (diffusés par les tabloïds et les nombreuses œuvres de fiction mettant en scène des troubles psychiques) ; de l'autre, ils font peur, et leurs approches artistiques, souvent terrifiantes, sont prises pour argent comptant. Fréquemment abordée, la maladie mentale reste pourtant mal comprise.
La médiatisation de certains symptômes est-elle un vecteur de stigmatisation ou, au contraire, le moyen de donner un visage à des troubles mal connus
Avec :
Dr Jean-Victor Blanc, médecin psychiatre à l’Hôpital Saint-Antoine (AP-HP), à Paris, s’occupe des addictions de la génération « millennials » et des patients atteints de troubles bipolaires. Auteur de : Pop et psy comment la pop culture nous aide à comprendre les troubles psychiques, aux éditions Plon.
Pr Prosper Gandaho, professeur de Psychiatrie d’adultes à l’Université de Parakou Bénin. Chef du service de Psychiatrie du Centre Hospitalier Départemental et Universitaire du Borgou, à Parakou, au Bénin
Gérard Garouste, peintre, graveur et sculpteur français. Auteur du livre L'Intranquille, Autoportrait d'un fils, d'un peintre, d'un fou aux éditions l’Iconoclaste.
Personnel des hôpitaux, des Ephad, étudiants, usagers : ils étaient 500 ce jeudi dans les rues de Tours pour défendre l'hôpital public. Ils témoignent de leur quotidien.
“ On nous asphyxie à petit feu ”
Gaëtane Modicon, puéricultrice dans l’équipe de suppléance de pôle. « Étant dans l’équipe de compensation, je passe dans tous les services, j’ai vu la misère partout. Même en pédiatrie, qui a longtemps été un secteur préservé, on ferme des lits faute de personnel, on hospitalise des enfants dans un autre service car il n’y a plus de place dans celui où ils devraient être. On nous asphyxie à petit feu : les gens ne restent pas parce qu’on leur propose des postes précaires à 80 %, il y a des ruptures dans l’approvisionnement en matériel, on est obligé d’aller se fournir dans un autre service, on est en astreinte, on est rappelée, on est épuisée par nos conditions de travail, si on est une de moins, on fait quand même, parce que nous sommes sur de l’humain, nous ne sommes pas sur une chaîne de production… »
Une fois par mois au mk2 Beaubourg, Jean-Victor Blanc, psychiatre et auteur du livre Pop & Psy (éditions PLON), analyse des thèmes liés à la psychiatrie à l’aune de la pop culture et notamment du cinéma. Ses prochaines conférences seront consacrées à la dépression dans Melancholia et aux addictions avec l’exemple de Requiem for a dream.
En quoi la pop culture aide-t-elle à mieux comprendre ce qui se joue autour de notre santé mentale ?
Elle permet de décaler le regard avec quelque chose de moins anxiogène et de plus ludique. Les troubles psychiques sont très fréquents et de plus en plus présents dans les films, mais il y a beaucoup d’idées reçues sur la maladie mentale, sur son traitement et ses conséquences. D’où l’idée d’utiliser la pop culture comme support pour une meilleure compréhension.
Pourtant, dans Pop & Psy, vous fustigez les mauvaises représentations de ces pathologies qui amènent parfois à des malentendus.
La pop culture nous aide à mieux comprendre – mais il faut expliquer ces représentations. C’est ce qui manque au grand public qui peut parfois prendre les films ou séries comme argent comptant. Et quand les représentations sont négatives, c’est plus compliqué pour mes patients et pour moi en tant que médecin.
Internet crée t-il un nouveau rapport à la souffrance psychique ? De nombreux diagnostics en ligne permettent t-ils aux sujets de subjectiver leur mal à partir de leur trauma ?
Quelle pratique psychiatrique à l'heure de l'expertise scientifique d'Internet ?
Les soignants de la maison d’accueil spécialisée de Thorigné-Fouillard et Betton, dépendant de l’hôpital psychiatrique Guillaume-Régnier, s’estiment exposés à un « danger grave et imminent », à cause du sous-effectif chronique dans les services. Les syndicats appellent à la grève mardi 19 novembre 2019, à Thorigné.
La Maison d’accueil spécialisée dépendant de l’hôpital psychiatrique Guillaume-Régnier est implantée sur deux sites : Thorigné et Betton. 220 personnes atteintes de troubles mentaux et physiques y vivent, une soixantaine à Betton et 160 à Thorigné-Fouillard.
Les syndicats dénoncent « depuis plus d’un an les problèmes récurrents d’effectifs insuffisants ». Une situation qui génère « des problématiques de souffrances au travail multiples et largement identifiées ». Des problèmes mis en avant par le CHSCT, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, et confirmés par un cabinet indépendant. « Cette insuffisance d’effectif a un impact délétère sur la santé des salariés de la maison d’accueil spécialisée. »
Alain Moreau, président d'Art brut en compagnie, présente l'affiche de l'exposition, réalisée à partir d'une œuvre de Jean Pol. Photo Progrès/Dorothee ROBINE
Artistes marginaux ou handicapés, leur production est appelée "art brut".
« Alors que la population du Sud-Loire ne cesse d’augmenter, et que la psychiatrie répond dans l’urgence à des situations de précarité et de manque de place dans les structures adaptées, le centre hospitalier Georges-Daumézon s’enfonce dans un fonctionnement à flux tendu permanent, mettant en péril ses missions de service public », estime le personnel qui a débrayé, jeudi midi, en même temps que la « manif » nantaise de la place Ricordeau.
Selon le syndicat CGT, qui appelait à ce débrayage tout comme la CFDT, « le délai de consultation pour les adultes est de plusieurs mois et celui des services de pédopsychiatrie peut atteindre deux ans. Les unités d’hospitalisation sont saturées […] En mai dernier, un patient s’est suicidé dans un service qui n’avait pas les moyens de prendre en charge correctement ses patients », dénonce la CGT.
Les urgentistes, en grève depuis le printemps, ont été rejoints aujourd'hui par le corps hospitalier dans son ensemble. Cette crise de l'hôpital public est-elle caractéristique d'une crise des services publics dans leur ensemble ? Pompiers, policiers, infirmiers : mêmes souffrances, mêmes combats ?
Cet automne est marqué par de nombreuses manifestations liées au sort des services publics dans notre pays. Cheminots et salariés de la RATP ont fait grève. Policiers et pompiers ont défilé pour voir reconnaître les difficultés de leur métier et demander la revalorisation de leur salaire. Enseignantes et enseignants ont été bouleversé par le suicide d’une directrice d’école Christine Renon. Mais le plus impressionnant est encore la prolongation de la mobilisation à l’hôpital public, alors même que les services d’urgence sont en grève depuis le printemps dernier.
Bruxelles, le vendredi 8 novembre 2019 - L’avis rappelle celui qui avait été émis à propos de l’homéopathie en 2017 et qui avait contribué à la lutte contre les pseudo-sciences, qui a abouti, en France, au déremboursement de l’homéopathie.
Les Académies des sciences européennes* conjointement avec les Académies de médecine** appellent à réglementer voire à interdire, si elles ne sont pas davantage réglementées, certaines pratiques de médecine traditionnelle chinoise, en Europe.
L’OMS a-t-elle agi contrairement à l’éthique ?
Ces instances ont été amenées à se pencher sur le sujet après que l’OMS (Organisation mondiale de la Santé) a ajouté à son traité CIM (Classification internationale des maladies) un chapitre sur la médecine traditionnelle chinoise.
Pour elles, bien que l’OMS ait déclaré que cette inclusion ne signifiait pas onction scientifique, cet ajout est « contraire à l’éthique » car il laisse entendre que ces médecines traditionnelles sont validées et justifient des prises en charge par la collectivité alors même que les ressources budgétaires sont contraintes en santé.
Les Académies craignent aussi que l’initiative de l’OMS ne renforce la méfiance vis-à-vis de « la médecine fondée sur les preuves ».