C’est au début des années 1970, en janvier 1973 précisément, que la prestigieuse revue Science publie l’article d’un psychologue américain diplômé de l’université Columbia, David L. Rosenhan, intitulé « On being sane in insane places [2][2] David L. Rosenhan, « On being sane in insane places »,... » (« Être sain d’esprit dans des lieux fous »).
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David Rosenhan était à cette époque professeur de psychologie à l’école de droit de Stanford University, à Palo Alto (Californie). Il se posait alors une question simple, première phrase de son article : « Si la santé mentale (sanity) et l’aliénation mentale (insanity) existent, comment les reconnaître [3]
[3] Ibid., p. 250.
? »
Il eut alors l’idée de mettre en place un groupe de huit faux malades mentaux : un jeune étudiant en psychologie âgé de 20 ans, trois psychologues, un pédiatre, un psychiatre, un peintre et une femme au foyer. Lui-même était un des trois psychologues. Ils devaient tous se faire hospitaliser en psychiatrie. Douze hôpitaux furent choisis, de sorte qu’ils représentent un échantillon très varié, « localisés dans cinq états différents des côtes Est et Ouest. Certains d’entre eux étaient vieux et miteux, d’autres étaient presque neufs. Certains étaient orientés vers la recherche, d’autres non. Certains avaient un bon ratio personnel-patients, d’autres étaient quasiment en sous-effectif. Un seul était un hôpital strictement privé. Tous les autres étaient financés par des fonds d’État ou des fonds fédéraux et, dans un cas, par des fonds universitaires [4]
[4] Ibid., p. 251.
».
Chaque faux patient prenait rendez-vous et arrivait au bureau des admissions en se plaignant d’entendre des voix plus ou moins claires, mais qui disaient souvent empty (vide), hollow (creux) et thud (bruit sourd). Il présentait un faux état civil et racontait son histoire, banale et sans aucun élément pathologique sérieux, hormis les voix actuelles. Une fois admis dans le service psychiatrique, le faux patient cessait aussitôt de simuler quoi que ce soit et affirmait ne plus entendre ses voix. Dans certains cas, le faux patient a présenté une courte période de nervosité modérée, plus liée à la peur d’être identifié comme un imposteur qu’à la peur de l’hospitalisation elle-même. Chacun d’eux parlait aux autres patients et au personnel soignant et prenait des notes sans se cacher. Ils se montraient tous parfaitement normaux, obéissaient aux instructions du personnel, prenaient leurs médicaments (mais ne les avalaient pas !) et se montraient très coopérants. « Malgré cette démonstration de bonne santé mentale, ces faux patients ne furent jamais démasqués [5][5] Ibid., p. 252.. » Tous admis avec un diagnostic de schizophrénie, à l’exception de l’un d’eux qui fut étiqueté maniaco-dépressif dans l’établissement privé, ils sortirent tous avec un diagnostic de schizophrénie en rémission. Autrement dit, même normaux et ne présentant plus d’hallucinations, ils restaient tous schizophrènes. La durée des hospitalisations varia de 7 à 52 jours, avec une moyenne de 19 jours. Aucun professionnel ne remit en cause leur diagnostic.