Décès du psychanalyste André Green
C'était l'un des grands noms de la psychanalyse contemporaine. Cet adepte de Freud s'est éteint ce dimanche à l'âge de 84 ans.
Le psychiatre et psychanalyste André Green, «un des penseurs majeurs de la psychanalyse contemporaine», est décédé dimanche à l’âge de 84 ans.
Né au Caire le 12 mars 1927, André Green a été notamment directeur de l’Institut de psychanalyse de Paris, vice-président de l’Association psychanalytique internationale, professeur à la Freud Memorial Chair de l’University College London et président de la Société psychanalytique de Paris.
«En dialogue direct» avec Jacques Lacan, Donald Winnicott ou encore Wilfred Bion, «il se caractérise par l’ampleur et l’envergure des champs qu’il a abordés et étudiés du point de vue de la pensée psychanalytique», a indiqué la Société psychanalytique de Paris.
On lui doit notamment «une approche originale de la fonction maternelle», d’importants travaux sur l’affect et le langage, ainsi que des avancées dans la compréhension des «états-limites».
Chevalier de la Légion d’honneur, André Green est l’auteur de nombreux ouvrages : le Discours vivant - la Conception psychanalytique de l’affect, Narcissisme de vie, Narcissisme de mort, la Folie privée - Psychanalyse des cas limites, le Complexe de castration, Jouer avec Winnicott…
(AFP)
André Green, psychanalyste, artisan d'un dialogue avec l'ensemble des sciences humaines
Disparition | | 24.01.12
Né le 12 mars 1927 au Caire, le psychanalyste André Green est mort à son domicile parisien, le dimanche 22 janvier.
Ce n'était pas un psychanalyste comme les autres. Il ne se contentait pas d'êtregrand clinicien, thérapeute avisé, pilier des institutions françaises et internationales. Ce qui caractérisait André Green, c'est avant tout une endurance inventive et obstinée pour penser après Freud, pour faire évoluer cette voie singulière qu'il a ouverte, en poursuivant un dialogue constant - ouvert, attentif, exigeant - avec les préoccupations les plus diverses des sciences humaines.
"La psychanalyse ne peut plus avancer dans sa réflexion si elle ne procède pas à une recherche sur la naissance et l'évolution des concepts qui sont les siens et sur leurs relations aux autres savoirs contemporains", confiait-il au Monde dans un entretien publié en 2003. Ces propos résument l'essentiel de ce qui fut, durant plus d'un demi-siècle, son programme de travail. Il l'a conduit, au fil d'une trentaine de livres - et d'innombrables articles, conférences et séminaires -, àconfronter les "idées directrices" de la psychanalyse à celles de la philosophie, de la linguistique, des neurosciences ou de l'anthropologie.
Le long parcours d'André Green commence en Egypte, où il passe sa première jeunesse et fait ses études au lycée français du Caire. Il vient vivre à Paris à 19 ans, en 1946, pour ses études de médecine, qui sont suivies d'un internat de psychiatrie en 1953.
C'est à l'hôpital Sainte-Anne qu'il fait la connaissance d'Henry Ey, puis de Jacques Lacan, dont il se retrouve proche au cours des années 1960. Il se sépare de Lacan en 1967, en raison de désaccords théoriques et pratiques, qui ne l'empêcheront d'ailleurs jamais, en dépit des polémiques, de reconnaîtrel'apport de Lacan au renouveau de la théorie freudienne. Toutefois, c'est plutôt avec Winnicott et Bion, qu'il a contribués à faire lire en France, qu'André Green a préféré cheminer.
Bien que l'ampleur et la diversité de ses travaux rendent difficile tout résumé, il est possible de discerner, dans cette oeuvre foisonnante, des fils directeurs durables. Le premier concerne la question des limites. Plusieurs ouvrages d'André Green portent sur ces états-limites, difficiles à classer, qui se tiennent entre névrose et psychose, notamment L'Enfant de ça. Pour introduire une psychose blanche, avec Jean-Luc Donnet (Minuit, 1973), ou La Folie privée. Psychanalyse des cas-limites (Minuit, 1990, Gallimard, "Folio", 2003).
Mais la question des limites n'a cessé de le préoccuper également au sujet des pouvoirs thérapeutiques de la psychanalyse. Loin du triomphalisme comme de l'illusion d'être infaillible, Green n'a cessé d'insister, par lucidité, sur les difficultés et même les échecs de la psychanalyse - comme en témoigne l'un de ses derniers ouvrages, Illusions et désillusions du travail psychanalytique (Odile Jacob, 2010) - sans renoncer pour autant à tracer des perspectives pour l'avenir.
Second fil directeur : sa mise en lumière du travail du négatif dans la vie psychique. Entamée sur des études de cas individuels avec Narcissisme de vie. Narcissisme de mort (Minuit, 1983), cette réflexion s'est poursuivie notamment avec Le Travail du négatif (Minuit, 1993) et s'est étendue à la sphère de la culture avec Pourquoi les pulsions de destruction ou de mort ? (Panama, 2007, rééd. Ithaque 2010).
Enfin, c'est autour des spécificités de la vie psychique, de la singularité de ses rapports à la causalité, au temps, aux affects, au discours vivant que sont consacrés plusieurs autres travaux du théoricien, confirmant de thème en thème cette évidence : l'axe central de sa recherche fut toujours de cerner ce qui fait la cohérence propre des processus psychiques, souvent fort différente de notre fonctionnement intellectuel quotidien.
Le sens de l'exploration
On ne saurait oublier que cet homme généreux, passionné en amitié, curieux de tout, continûment attentif aux nouvelles idées, était aussi grand amateur d'art, de musique et de littérature, comme le montrent ses écrits sur Léonard de Vinci, les tragiques grecs, Shakespeare, Joseph Conrad ou Henry James. De son influence, plusieurs volumes d'hommages témoignent, où l'on remarque des signatures aussi diverses que celles de l'anthropologue Maurice Godelier, de l'helléniste Jean Bollack, du neurologue Jean-Didier Vincent ou du poète Yves Bonnefoy.
C'est aux grands humanistes de la Renaissance, en fin de compte, qu'André Green fait penser. On retrouve chez lui les mêmes traits que chez eux : appétit de savoir, sens de l'exploration intellectuelle, goût des dialogues, des découvertes et des polémiques. Et la volonté d'avancer dans la compréhension de l'humaine énigme.
Mais ce nouvel humaniste avait lu Freud, et devait en tenir compte. Il s'y est employé avec un sens très aigu de la pédagogie comme de la rigueur intellectuelle. C'est ce qui le rend, à jamais, original et passionnant.
Roger-Pol DroitLeMagazineLittéraire Décès du psychanalyste André Green
25/01/2012 | Hommage | André Green
Ce Lundi 22 Janvier, le psychanalyste français André Green est décédé. En hommage, nous publions une chronique de son livre, Les chaînes d'Eros, qui avait paru pour la première fois dans le magazine en novembre 1997.