Réforme de la psychiatrie : les fous au pied du mur
4 NOVEMBRE 2011
Étienne travaille dans le monde de l’hôpital psychiatrique et il a deux-trois choses à dire sur la réforme du milieu.
La France n’aime plus ses fous, elle ne veut plus les voir trainer dehors : ils font peur et ils font tâche. Car aussi vrai que la Vienne corsetée de Freud produisait des hystériques, notre monde contemporain produit des schizophrènes et des maniaco-dépressifs.
En s’appuyant sur l’écho médiatique soigneusement orchestré de quelques faits divers tragiques, l’État souhaite revenir au Surveiller et punir décrit par Michel Foucault, c’est à dire à un traitement de la folie où la logique d’isolement supplante l’ambition thérapeutique et la logique d’insertion sociale.
Depuis longtemps parent pauvre de l’hôpital, la psychiatrie se voit aujourd’hui imposer une nouvelle réforme : la loi du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge.
Comme souvent l’intitulé, sans être tout à fait malhonnête, est trompeur. Ce texte reprend et modifie sensiblement la loi de 1990 relative à l’hospitalisation sans le consentement du patient et à l’obligation de soins. Si la loi de 1990 balisait les contours de l’hospitalisation à la demande d’un tiers, du préfet ou du maire, sur avis médical, la loi de 2011 s’inscrit dans une préoccupation sécuritaire de la société de plus en plus pressante et étend le soin sous contrainte à la psychiatrie ambulatoire, hors des murs de l’hôpital.
À cette réforme se sont ajoutés des décrets pour créer davantage de chambres d’isolement, pour mieux sécuriser les établissements de soins, pour créer des unités de soins fermées… Les fous sont dangereux, qu’on se le dise, même une fois que le mot « fou » a été banni du vocabulaire officiel, comme si la folie n’était pas constitutive de la société, comme si les fous n’étaient que cela : des fous.
Entre ceux que la maladie mentale isole du monde (parce qu’ils ont des troubles de la personnalité, du comportement, du langage…) et ceux que l’isolement du monde a rendu malade (parce qu’ils sont sans domicile fixe, en prison…), il est illusoire de penser que la thérapie peut se passer d’accompagnement humain.
De moins en moins de personnel…
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