FOCUS – HAS Actualités & Pratiques – N° 33 – Novembre 2011
Violence hétéro-agressive en psychiatrie : les facteurs de risque et les signes d’alerte
Estelle Lavie Chef de projet – Service des bonnes pratiques professionnelles – HAS
La HAS a publié des recommandations sur le risque de violences faites à des tiers par les patients atteints de troubles schizophréniques ou de troubles de l’humeur. Ces actes sont-ils fréquents ?
Non. Du fait des représentations de la maladie mentale dans la population générale, le risque de comportement violent chez les personnes souffrant de troubles mentaux est largement surestimé. Ces personnes ne sont responsables que de 3 à 5 % des actes violents. De plus, il s’agit très rarement d’actes de violence graves (un homicide sur vingt).
Et surtout, elles sont plus souvent victimes de violence que la population générale (7 à 17 fois plus souvent). Cependant, un patient souffrant de troubles mentaux graves a 4 à 7 fois plus de risques d’être auteur de violences qu’une personne sans trouble mental.
Existe-t-il des facteurs de risque de violence chez ces patients ?
Oui. L’abus et la dépendance à l’alcool ou à d’autres substances psychoactives jouent un rôle majeur dans la survenue des actes violents. Il en est de même d’une rupture de soins ou d’un manque d’adhésion au traitement. Les autres facteurs de risque sont historiques (antécédents de violence commise ou subie, notamment dans l’enfance), cliniques (trouble de la personnalité antisociale, par exemple), ou sociaux (précarité, difficultés d’insertion sociale, isolement). Cependant, aucun de ces facteurs de risque n’est absolu. Leur présence ne suffit pas à prédire le passage à l’acte. Elle conduit à renforcer le suivi psychiatrique, tout au long de la prise en charge.
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infographie : Pascal Marseaud
infographie : Pascal Marseaud
Un suivi régulier des troubles psychiatriques et la prise en charge des comorbidités restent la meilleure prévention des moments de violence.
Les recommandations décrivent également les signes d’alerte de passage à l’acte violent. Quels sont-ils ?
Il s’agit le plus souvent de signes cliniques. Pour un patient atteint de troubles schizophréniques, ces signes d’alerte sont : l’apparition d’un délire paranoïde avec injonction hallucinatoire, des idées délirantes, une surestimation de ses capacités, un sentiment de persécution qui peut s’accompagner de menaces verbales inquiétantes contre le persécuteur supposé, et une surconsommation d’alcool ou d’autres substances psychoactives.
En cas de troubles de l’humeur, et notamment dans les dépressions, les signes d’alerte à repérer sont l’importance de la douleur morale, des idées de ruine, d’indignité ou d’incurabilité, un sentiment d’injustice ou de blessure narcissique.
Ces signes, souvent propres aux patients, peuvent être signalés par l’entourage familial, les équipes soignantes, voire les patients eux-mêmes. Être à l’écoute des proches permet souvent de désamorcer un possible passage à l’acte violent.
Quelle attitude adopter face à ces signes d’alerte ?
Il faut renforcer la prise en charge en ambulatoire ou envisager une hospitalisation, notamment pour protéger les proches, car la violence est souvent dirigée contre eux. Cependant, la situation est différente selon qu’il s’agit d’un patient connu ou d’un premier épisode d’expression du trouble mental. Lors d’un premier contact clinique, aborder le thème de la violence avec le patient est primordial. Il est important de s’assurer qu’il n’a pas lui-même été victime d’actes violents. Cela permet de l’interroger plus facilement ensuite sur sa propre capacité à s’emporter : « Vous montrez-vous violent parfois ? Dans quelles circonstances ? Avec qui ? Le regrettez-vous ensuite ? ».
Quand le médecin doit-il faire appel aux services de soins psychiatriques ?
Le fait qu’un patient souffrant d’un trouble psychiatrique ne sollicite pas de soins et se mette à distance du médecin doit être interprété comme un élément de gravité du tableau clinique. Il est alors conseillé au médecin d’aller au-devant du patient, notamment en l’incitant à consulter une équipe de soins spécialisée. Tout doit être fait pour éviter une rupture de soins. Le médecin peut s’appuyer sur l’environnement familial, paramédical et social pour faciliter l’accès ou la poursuite des soins.
Les mois suivant une hospitalisation constituent notamment une période critique pendant laquelle le médecin doit être particulièrement vigilant : les patients sont fragilisés et ont des difficultés de réinsertion et de resocialisation.
Une prise en charge des troubles psychiatriques doit être mise en oeuvre dans la durée, avec des réévaluations régulières de l’état clinique, dont le médecin traitant est informé.