L'établissement a ouvert en janvier 1912 sur le site qu'il occupe toujours actuellement. L'occasion d'une plongée dans l'Histoire, depuis l'asile d'aliénés au centre hospitalier spécialisé.Anormaux, aliénés, fous, malades mentaux… Le vocabulaire a évolué mais à Mont-de-Marsan, c'est immuable depuis 100 ans, maladie mentale rime avec Sainte-Anne. Très exactement l'asile d'aliénés y a ouvert en janvier 1912 à l'issue de quatre années de travaux.
1 Pourquoi Sainte-Anne ?
Au départ, le site, initialement de 60 hectares, était occupé par deux métairies, celle de Claverie et celle du Pigeonnet. Déjà le lieu-dit s'appelle Sainte-Anne. « La dénomination remonte au Moyen-Âge », assure Alain Lafourcade, historien local. « Il existait là une escale sur le chemin de Saint-Jacques, c'était un hôpital géré par l'ordre de Malte. »
Pour ce qui est d'Anne, les hypothèses restent ouvertes. C'est le prénom de la grand-mère du Christ mais aussi de neuf saintes.
Pour l'anecdote, l'origine du nom du célèbre hôpital parisien, également dédié à la psychiatrie, est plus claire. Il renvoie directement à Anne d'Autriche, mère de Louis XIV, à l'origine de sa création.
2 La loi de 1838 et le préfet Poubelle
Jacques Rauturier, ancien médecin chef de service dans l'établissement (de 1973 à 2001), explicite le contexte de la création de l'asile d'aliénés de 1911, directement liée à la loi de 1838 sur la nécessaire assistance aux aliénés. « Jusque-là, le statut des aliénés n'était pas reconnu, ils étaient mis dans les hôpitaux généraux. » La loi de 1838 fait obligation aux départements de prendre en charge leurs aliénés. Avec quelques arrangements possibles puisqu'entre 1838 et 1911, les aliénés landais sont accueillis, moyennant finances, à Pau et à Auch. C'est d'ailleurs en raison de ce coût que le département des Landes va finalement faire construire son asile. Débutés en décembre 1907, les travaux s'achèvent fin 1911.
Avec 550 places, l'établissement est surdimensionné par rapport aux besoins strictement landais, ce qui va lui permettre à son tour de faire des bénéfices en accueillant des malades d'ailleurs. Après négociation avec le préfet de la Seine, le célèbre Poubelle, ce département envoie dans les Landes près de 300 malades.
Le site actuel n'est pas le premier choix. « Au départ, le Département avait dans l'idée d'acheter le château de Poyanne qui s'est avéré à la fois trop cher et trop petit », éclaire Alain Lafourcade. « La ville de Mont-de-Marsan fait alors le forcing pour accueillir l'asile sur son territoire. Elle ira même jusqu'à prêter 200 000 francs au Département pour l'aider au financement. »
3 Un village dans la ville
Au tout départ, ce sont des religieuses qui ont assuré le fonctionnement des lieux. Elles ont rapidement été remplacées par un unique médecin, généraliste, secondé par des gardiens.
Les plans de Sainte-Anne sont identiques à ceux des autres asiles. « Ils respectaient tous le même plan conçu par le docteur Parchappe », renseigne Jean-Marie Tichit, infirmier puis infirmier général à Sainte-Anne entre 1962 et 1998. D'abord un bloc administratif puis les cuisines, les bains, la chapelle et la morgue. Le long de cet axe se répartissent les pavillons. Les hommes d'un côté, les femmes de l'autre.
À l'écart, on trouve les colonies, lieux de travail et de production. Les hommes s'occupent des bêtes et assurent les récoltes. Les dames travaillent à la lingerie, à la buanderie… « L'asile avait son étable, sa porcherie, ses productions agricoles. Il pouvait vivre en autarcie. C'était comme un village dans la ville », raconte Jean-Marie Tichit.
En décembre 1940, les troupes allemandes investissent les lieux en laissant 48 heures à ses occupants pour les quitter. La conséquence sera terrible. La plupart des malades laisseront leur vie dans cet exode forcé.
4 Du gardiennage aux thérapies
Jacques Rauturier pose la question. « Tout ceci était-il du soin ? C'est le grand débat. » Un unique médecin, qui fait aussi office de directeur, pour 550 malades, on peut effectivement se poser la question. « Seule la neurologie existait à l'époque, pas la psychiatrie. »
L'asile ne devient hôpital psychiatrique qu'en 1939. L'objectif à l'origine n'était pas de soigner mais d'assurer la sécurité publique en mettant les aliénés à l'écart de la population. « Ce n'était pas tendre », résume le docteur Rauturier. Les lits sont fixés au sol et les malades attachés dessus.
Les premières thérapies ne le sont pas davantage, que ce soit l'hydrothérapie (d'où le positionnement central des bains) des années 20 ou les électrochocs, à partir de 1936. « Ils avaient mauvaise réputation à l'époque. Ils sont souvent utilisés à tort, effectués en série et sans anesthésie. » Les agités sont entravés ou contraints. C'est la grande époque de la camisole.
Les sirops sédatifs (le laudanum et autres dérivés opiacés mais aussi les tisanes à base de tilleul) sont moins agressifs et préfigurent la suite où la chimie prend toute sa place. L'arrivée du Gardénal, de l'insuline, puis du Largactil (en 1954), des antidépresseurs (en 1957)… « Le Largactil, c'est le premier neuroleptique », enchaîne le docteur Rauturier. « C'est une révolution pour la psychiatrie. » La camisole en tissu devient camisole chimique.
« Parallèlement, les gardiens sont devenus soignants », précise Jean-Marie Tichit. « En 1955 est mise en place la première formation d'infirmier psychiatrique. »
Dans les années 70, les neuroleptiques retard font leur apparition, entraînant un nouveau bouleversement. « Ils ont permis que les malades sortent en diminuant les risques de rechute. »
5 10 254 entrées en 2010
Aujourd'hui Sainte-Anne compte 195 lits d'hospitalisation et 138 places à temps partiel. En 2010, ont été comptabilisées 10 254 entrées, auxquelles il faut ajouter les consultations externes et les hospitalisations de jour. Quatre lits sont réservés aux adolescents et six au centre pénitentiaire.
En termes de pathologie, les raisons de l'hospitalisation vont de la dépression au handicap mental grave en passant évidemment par les névroses et les états confusionnels. Les psychoses restant les plus répandues.
Trois conférences et une exposition itinérante
Dans le cadre des 100 ans de l'hôpital Sainte-Anne, trois conférences au Théâtre municipal et une exposition itinérante sont au programme.
Mardi (19 h 30) : « Sainte-Anne : un siècle de psychiatrie en héritage dans les Landes ». Conférence animée par Alain Bonnefous, psychiatre hospitalier, Alain Lafourcade, historien, et l'Association des personnels hospitaliers montois.
Mercredi (19 h 30) : « Psychiatrie, justice et criminologie. » Conférence animée par Sophie Baron-Laforêt, psychiatre hospitalier, secrétaire générale de l'Association française de criminologie et fondatrice de l'Association pour la recherche et le traitement des auteurs d'agressions sexuelles.
Jeudi (19 h 30) : « Le traitement des personnes malades mentales, entre liberté et contraintes : rétrospective et actualités ». Conférence animée par Serge Kannas et Gérard Massé, psychiatres hospitaliers et membres de la Mission nationale d'appui en santé mentale.
L'entrée est libre et gratuite.
L'exposition intitulée « Sainte-Anne a 100 ans, de l'asile d'aliénés à la Fédération médicale interhospitalière », sera visible du 21 novembre au 12 décembre à l'hôpital Sainte-Anne, du 12 décembre au 3 janvier à l'hôpital Layné, du 3 au 15 janvier à l'hôpital Nouvielle, du 15 au 31 janvier à la maison de retraite Lesbazeilles.