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vendredi 22 juillet 2022

Bilan Face aux 10 millions de pauvres en France, les effets «limités» du plan gouvernemental

par Camille Montagnon

publié le 18 juillet 2022

Si la politique du «quoi qu’il en coûte» mise en place pendant la crise sanitaire a permis de stabiliser le taux de pauvreté en 2020, les mesures restent insuffisantes, estime le comité chargé d’évaluer la stratégie anti-pauvreté de l’exécutif, dans un rapport publié ce lundi.

Dix millions de Français sont en situation de pauvreté (avec moins de 1 102 euros par mois pour une personne seule), selon les derniers chiffres de l’Insee de 2019. C’est ce que rappelle en préambule le troisième rapport annuel du Comité d’évaluation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. En passe d’être présenté au ministre des Solidarités, Jean-Christophe Combe, le document dévoilé ce lundi dresse un bilan d’étape de cette stratégie dont «les deux objectifs sont d’éviter la reproduction sociale de la pauvreté et de permettre aux gens d’en sortir par l’emploi», a résumé le président du comité, Louis Schweitzer, lors d’une conférence de presse.

Premier constat : le «quoi qu’il en coûte» mis en place pendant la crise du Covid-19 – renforcement du dispositif d’activité partielle ou les aides exceptionnelles aux ménages les plus modestes –, a conduit à la stagnation de la pauvreté entre 2019 et 2020. «Sans ces aides, estime le rapport, le taux de pauvreté monétaire aurait été de 0,5 point supérieur.» «C’est un effet remarquablement positif», a salué Louis Schweitzer.

Pour le reste, les résultats du plan anti-pauvreté du gouvernement restent «limités», à en croire les experts du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, assistés dans leur tâche par un échantillon de 30 citoyens. Sur les 35 mesures de la stratégie annoncée par Emmanuel Macron en 2018, seulement quatre ont été intégralement mises en œuvre, à savoir la revalorisation de la prime d’activité, la mise en œuvre de la complémentaire santé solidaire, son renouvellement pour les allocataires du revenu de solidarité active et le déploiement des 400 points conseil budget, destinées «à accompagner toute personne rencontrant des difficultés budgétaires».

Les mesures restantes connaissent «un état d’avancement inégal», détaille Louis Schweitzer. Ainsi, les travaux de concertation sur le revenu universel d’activité, suspendus au moment du premier confinement de 2020, n’ont jamais repris. Le constat n’est guère plus satisfaisant du côté des travailleurs sociaux, dont la formation, «qui était un des piliers de la stratégie», s’avère peu déployée. Certaines ambitions gouvernementales ont même été abandonnées. Il en est ainsi de la préconisation de la présence de deux adultes par classe de maternelle dans les quartiers dits prioritaires.

90% du budget pour la prime d’activité

Si l’orientation initiale de la stratégie était tournée vers l’investissement social, ce sont au final plus de 11,7 milliards d’euros qui ont été consacrés à la prime d’activité entre 2019 et 2021, soit près de 90% de son budget global (de 13,1 milliards, bien plus que les 8 milliards prévus initialement pour une période allant de 2018 à 2022). La revalorisation et l’élargissement de cette prime incitative à destination des travailleurs les plus modestes ont réduit la pauvreté de 0,6 à 0,7 point en 2019. Pas de quoi se réjouir pour autant, tempèrent les experts, puisque cette diminution a été contrebalancée par des mesures parallèles comme les gels et la sous-indexation des prestations, qui ont altéré le niveau de vie des plus modestes.

Le comité «constate qu’il n’y a pas d’amélioration des indicateurs d’inégalités en matière de petite enfance et de réussite éducative». Le dispositif de crèches à vocation d’insertion professionnelle, s’il porte ses fruits, reste «d’une ampleur très limitée». Idem pour les personnes en hébergement d’urgence, dont le nombre n’a pas diminué, preuve «des difficultés rencontrées dans la mise en œuvre du plan Logement d’abord» visant à lutter contre le sans-abrisme, lancé en 2018.

Pour le reste, les chiffres manquent. «Les données disponibles ne permettent pas de connaître l’ensemble des effets de la stratégie sur l’évolution de la pauvreté», a souligné Louis Schweitzer. Les effets pourront véritablement être évalués à partir de 2023.

Mesures pour les jeunes

Ce constat fait, l’ancien président de Renault a énuméré la vingtaine de recommandations formulées à l’intention du gouvernement Borne. Parmi elles, la garantie du pouvoir d’achatdes plus en difficulté via une indexation de leurs prestations sur l’inflation, ou la lutte contre le non-recours aux prestations sociales. Aujourd’hui, un tiers des bénéficiaires potentiels ne les demandent pas. Le comité d’experts insiste également sur «les dimensions non monétaires de la pauvreté», qui nécessitent un renforcement de la lutte contre l’inégalité des chances, notamment en prévoyant des mesures pour les jeunes de 11 ans à 15 ans et en favorisant l’accès à l’enseignement supérieur pour les plus précaires.

«On ne peut pas avoir une stratégie fondée uniquement sur le préventif ou le curatif», a rappelé Louis Schweitzer, avant d’alerter sur «la situation problématique» des outre-mer. En 2021, d’après l’Observatoire des inégalités, 77% de la population de Mayotte vivait sous le seuil de pauvreté, 53% en Guyane et 42% à la Réunion. Des chiffres loin de la moyenne métropolitaine, où le taux est de 14,6%.

Interrogé sur le projet de loi sur le pouvoir d’achat, actuellement examiné à l’Assemblée, le président du Comité d’évaluation a assuré : «Le panier des personnes en situation de pauvreté est plus impacté par la hausse des prix. Donc je ne suis pas rassuré sur le fait que la loi la compense complètement. C’est insuffisant, surtout au vu de l’inflation actuelle.»


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