Ils n'avaient a priori rien de commun. Ce qui ne les a pas empêchés d'entretenir une solide amitié. Gaston Chaissac (1910-1964), qui vivait isolé dans le bocage vendéen, composait des peintures colorées, à la figuration naïve. Jean Dubuffet (1901-1985), membre de l'avant-garde parisienne, des toiles lourdes de matière, qualifiées d'art brut. Jean Paulhan les a présentés en 1946. Durant dix-huit ans, ils échangeront au moins 448 lettres. Et c'est cette amitié que retrace aujourd'hui le musée de la Poste, mettant en parallèle, selon un parcours chronologique, leur correspondance et leurs oeuvres.
Jimmy P. Psychothérapie d'un Indien des plaines, le nouveau film d'Arnaud Desplechin, est adapté d'un livre de Georges Devereux. Publié pour la première fois aux Etats-Unis en 1951, cet ouvrage, à la croisée de l'anthropologie et de la psychanalyse, a ouvert la voie à l'ethnopsychiatrie. C'est le seul livre qui retranscrive le verbatim exact d'une psychanalyse.
Juif d'origine hongroise, né en 1908 à Lugos, en Transylvanie, Georges Devereux s'installe à Paris au milieu des années 1920. Il se consacre à l'ethnologie et à l'anthropologie. Contemporain de Claude Lévi-Strauss, qui l'aidera beaucoup à la fin de sa carrière, il fait de l'Amérique du Nord son terrain d'étude favori. Il s'intéresse aux Indiens Mohaves, auxquels il consacre une thèse. Il intègre ensuite le Winter General Hospital de Topeka (Kansas), alors l'un des premiers hôpitaux américains à traiter les troubles psychologiques et psychiatriques des vétérans de la seconde guerre mondiale.
Le livre de Georges Devereux et le film d'Arnaud Desplechin racontent l'analyse d'un Indien Blackfoot, Jimmy Picard, qui a combattu en France durant la seconde guerre mondiale. Souffrant de nombreux troubles (migraines, vertiges, perte d'audition...), il est admis à l'hôpital de Topeka. Le diagnostic de schizophrénie est envisagé, mais, dans le doute, les médecins font appel à un psychanalyste spécialiste des cultures amérindiennes, Georges Devereux.
Savant solitaire, sans patrie ni frontières, ce dernier soigne Jimmy Picard en respectant les préceptes de Topeka tels qu'ils sont énoncés par Elisabeth Roudinesco dans sa préface à Psychothérapie d'un Indien des plaines : "Soigner l'homme malade, l'adapter à son environnement, le guérir en prenant en charge son corps, son âme et son bonheur." Après sa mort, le 28 mai 1985 à Paris, les cendres de Devereux ont été transférées, ainsi qu'il l'avait lui-même souhaité, dans le cimetière mohave de Parker, au Colorado.
Pourquoi avoir adapté un tel livre ?
Je l'avais lu il y a longtemps, au moment de sa sortie en France. J'en avais déjà utilisé des bouts dans Rois & Reine, en 2004 - des morceaux de dialogue entre Mathieu Amalric et son analyste, Elsa Wolliaston. Je voulais partir sur autre chose, sur une question politique.