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jeudi 11 juin 2020

Une vaste enquête pour mieux comprendre et améliorer les soins palliatifs en France

Les résultats dévoilés jeudi viendront nourrir la réflexion pour élaborer le prochain plan national d’accompagnement de la fin de vie.
Par  Publié le 11 juin 2020

En entraînant la mort de plusieurs milliers de personnes âgées, l’épidémie due au coronavirus a posé de manière aiguë la question des soins palliatifs. Les structures existant en France pour accompagner ces fins de vie étaient-elles suffisantes ? Ont-elles pu fonctionner correctement ? Sur ce point, l’heure du bilan exhaustif n’est pas encore venue. Mais l’état des lieux des structures et ressources en soins palliatifs rendu public, jeudi 11 juin, par le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPFV), tombe à point nommé, tant ce sujet est revenu dans l’actualité avec la crise sanitaire.
Cette enquête, première du genre, a été réalisée en ligne en octobre 2019, auprès des deux principaux types de structures chargées de l’accompagnement des fins de vie : les unités de soins palliatifs (USP), services hospitaliers constitués de lits alloués aux soins palliatifs ; et les équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP), équipes pluriprofessionnelles qui accompagnent la prise en charge des fins de vie à l’hôpital, en établissement médico-social ou à domicile.

L’étude comporte deux volets : le premier, quantitatif, recense le nombre de lits et de ressources humaines ; le second, qualitatif, reflète le ressenti des équipes quant à leurs conditions d’exercice quotidien. Le taux de réponse est de 85 % parmi les 158 USP, et de 75 % des 408 EMSP que compte le territoire national. Une participation satisfaisante et géographiquement bien répartie, qui permet, précise le CNSPFV, de considérer cet état des lieux comme « représentatif de la situation moyenne française et de la situation moyenne région par région ».

De fortes inégalités départementales

Pour toutes les équipes d’USP et d’EMSP, la difficulté la plus fréquente signalée est un manque de personnel, notamment de médecins. On compte en moyenne 1,5 médecin et 7,5 infirmières pour 10 lits d’USP (une USP dispose en moyenne de 12,5 lits), et 0,7 médecin et 1 infirmière d’EMSP pour 100 000 habitants.
Relativement homogène à l’échelle des régions, cette réalité n’en cache pas moins de fortes inégalités départementales en ce qui concerne le nombre de lits dévolus aux soins palliatifs. Une autre étude récemment publiée par le CNSPFV révèle ainsi que 27 départements ne disposent même pas d’un lit d’USP pour 100 000 habitants, contre 9,4 lits à Paris.
Interrogées quant à la « pression » ressentie dans leur exercice quotidien, les équipes d’USP l’ont qualifiée de « gérable » à 54 %, « limite » à 37 % et « ingérable » à 9 %. La situation est plus délicate dans les EMSP : elle n’est vécue comme « gérable » que pour 42 % des équipes répondantes, alors qu’elle est « limite » pour 52 % et « ingérable » pour 6 % d’entre elles.
« Globalement, les EMSP apparaissent donc comme plus en difficulté de fonctionnement que les USP », souligne le CNSPFV. La raison principale en est l’augmentation récente de leur activité extra-hospitalière. Après que fut promulguée, en 2005, la loi garantissant le droit à l’accès de toutes les personnes en fin de vie aux soins palliatifs, il est apparu que l’accès à cette pratique restait problématique dans les structures médico-sociales, notamment dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).
Les pouvoirs publics y ont donc encouragé l’intervention des EMSP, et certaines de ces équipes mobiles ont passé convention avec plusieurs dizaines d’Ehpad, afin de les aider à gérer les fins de vie de leurs résidents. Soit une nette augmentation de leur activité clinique, alors même que leurs dotations « n’ont guère augmenté depuis 2012 ».

Pistes d’amélioration

« Quand vous êtes une petite équipe de soins palliatifs et que vous avez sous votre responsabilité une centaine d’Ehpad, à quoi s’ajoutent les patients à domicile, et que vous êtes “mobile” mais que vous ne disposez pas de voiture, c’est assez kafkaïen », résume le docteur Véronique Fournier, qui préside le CNSPFV depuis sa création, en 2016.
Et de pointer un autre problème, relatif cette fois aux USP : la diversification de plus en plus fréquente de leur activité. « On leur demande, par exemple, de prendre des personnes en fin de vie en séjour de répit, le temps que la famille se repose », détaille le docteur Fournier. Certaines équipes soulignent le risque de ne plus pouvoir accompagner leurs patients jusqu’à la mort, faute de places suffisantes.
Quelles mesures envisager pour enrayer ces dysfonctionnements ? « La priorité est de mettre autour d’une table les différents acteurs concernés, et de voir ensemble ce qu’il est réaliste de faire », répond prudemment le docteur Fournier.
En tout état de cause, les éléments fournis par cette enquête devraient permettre de poser les jalons d’une réflexion, notamment dans le cadre du prochain plan national d’accompagnement de la fin de vie et des soins palliatifs. Lequel se fait décidément attendre : prévu pour succéder au plan 2015-2018, il devait être lancé en 2019, avant d’être repoussé en 2020… puis d’être à nouveau ajourné du fait de la crise du coronavirus.
A quelque chose malheur étant bon, l’épidémie a peut-être montré quelques pistes d’amélioration. En touchant majoritairement les personnes âgées, notamment dans les Ehpad, elle a mis à l’épreuve les dispositifs existants. Pour certains, ce fut l’occasion de révéler leur efficacité : dans la région du Grand-Est, cruellement atteint par le Covid-19, le réseau de soins palliatifs, qui avait à gérer une bonne centaine d’Ehpad, est ainsi globalement parvenu à maîtriser la situation.
« L’épidémie a aussi permis à de nombreux soignants de vaincre la peur que leur inspiraient les soins palliatifs. Ils ont été mis en demeure d’accompagner leurs patients en fin de vie, et ça s’est plutôt bien passé, remarque le docteur Fournier. Il faut tirer parti de cette expérience, et en dégager les bonnes pratiques. »

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