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vendredi 8 mars 2019

Egalité femmes-hommes : « Nous devons lutter contre l’analphabétisme sexuel »

Bouchera Azzouz et Ouarda Sadoudi, des Ateliers du féminisme, Julia Pietri, du Gang du Clito et Axelle Jah Njiké, administratrice du Gams, dénoncent, dans une tribune au « Monde », la représentation tronquée du clitoris dans la majorité des manuels scolaires de sciences naturelles et ses conséquences.

Publié le 7 mars 2019

Sculpture gonflable représentant un clitoris de 7 mètres de haut sur le parvis du Théâtre Saint-Gervais, à Genève (Suisse), où s’est tenu le festival féministe Les Créatives, en novembre 2018.
Sculpture gonflable représentant un clitoris de 7 mètres de haut sur le parvis du Théâtre Saint-Gervais, à Genève (Suisse), où s’est tenu le festival féministe Les Créatives, en novembre 2018. FABRICE COFFRINI / AFP

Tribune. Le clitoris est l’organe essentiel du plaisir sexuel des femmes. Pourtant, il demeure un organe oublié des manuels scolaires. Selon un rapport sur l’éducation sexuelle rendu public en juin 2016 par le Haut Conseil à l’égalité, un quart des filles de 15 ans ne savent pas qu’elles possèdent un clitoris, et 83 % d’entre elles ignorent sa fonction érogène. Pourtant, elles sont 53 % à savoir représenter le sexe masculin.

Cette méconnaissance n’est pas surprenante. En France, le corps de la femme n’est jamais, ou très rarement, représenté intégralement et correctement par les outils éducatifs à disposition des enseignants.

En 2019, seul un manuel de sciences de la vie et de la Terre (SVT) – celui des éditions Magnard – sur huit représente correctement le clitoris. Les sept autres éditeurs ont conservé leurs dessins erronés. Sur ces planches, on remarque que la vulve et la partie interne du clitoris ne sont jamais dessinées entièrement, alors que le clitoris mesure dix centimètres ! Seule la partie externe est représentée.


Nous devons lutter contre l’analphabétisme sexuel, c’est un enjeu d’égalité ! Le sexe de la femme n’est ni tabou ni honteux !

Répercussions symboliques

Il faut que les nouvelles générations apprennent enfin comment est fait un sexe féminin et en particulier sachent situer et comprendre la conformation de l’organe qui est la source primaire du plaisir sexuel chez la femme, exactement comme l’est le pénis chez l’homme.

C’est une condition sine qua non d’égalité de traitement des deux sexes dans l’enseignement et, au-delà des aspects pratiques, cela a aussi des répercussions symboliques. Penser que le vagin est l’homologue du pénis, et non le clitoris, c’est se tromper au point de croire que les femmes sont dépourvues d’un organe de plaisir.

La reconnaissance du clitoris permet donc de sortir de ce schéma sexuel dans lequel les femmes sont en situation de passivité ou de simple réactivité. Mettre sur un pied d’égalité les sexualités masculines et féminines, c’est lancer les bases d’une sexualité dans laquelle les deux partenaires, dans le cadre d’une relation hétérosexuelle, sont aussi importants l’un que l’autre et ont chacun leur mot à dire et où les femmes ne sont pas systématiquement reléguées à un rôle d’objet mais bien actrices de leur sexualité.

Parler du clitoris et de plaisir féminin s’inscrit aussi dans une lutte contre la culture du viol. En effet, en ne parlant que du plaisir masculin et en faisant du plaisir féminin un tabou ou en le réduisant à un fonctionnement cérébral, on alimente la représentation d’un plaisir masculin prédominant, évident, par rapport à celui des femmes qui serait secondaire, subsidiaire, quasi inexistant.

Savoir que l’humanité tout entière est dotée d’un organe semblable, composé de tissus érectiles qui fonctionnent de la même façon, aide aussi à sortir d’une bicatégorisation de l’humanité qui ne correspond pas à la réalité biologique et donne l’illusion qu’hommes et femmes sont radicalement différents.

Transformer les imaginaires

Reconnaître le clitoris comme un organe de plaisir à part entière, c’est aussi mesurer la portée des mutilations sexuelles dans la volonté de détruire le désir féminin. L’excision est encore très largement pratiquée dans le monde : l’OMS estime à 180 000 le nombre de personnes risquant l’excision chaque année au sein de l’Union européenne ; l’INED décomptait 53 000 personnes excisées résidant en France en 2004.

Nous devons lutter, encore aujourd’hui, pour faire tomber un des bastions du patriarcat : celui de la non-reconnaissance du clitoris comme un organe du plaisir féminin, au même titre que le pénis est un organe du plaisir masculin.

C’est pourquoi nous alertons la secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, Marlène Schiappa, et le ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, sur ce sujet.

Nous leur demandons s’il est acceptable, au XXIe siècle, dans un gouvernement qui a fait de l’égalité femmes-hommes une grande cause nationale, que les élèves de France soient privés d’une éducation à la sexualité où clitoris et pénis sont enseignés à égalité, faisant des femmes et des hommes des êtres égaux en tout point.

Parce que nous sommes convaincus que ça n’est que par l’éducation que nous parviendrons à changer les mentalités et à transformer les imaginaires, nous demandons officiellement de mentionner explicitement le clitoris dans les programmes de SVT, ainsi qu’une formation solide des enseignants pour une éducation à la sexualité sans tabou ni censure.

Appel à l’initiative de : Bouchera Azzouz et Ouarda Sadoudi (Les Ateliers du féminisme populaire) ; Julia Pietri (Gang du clito) et Axelle Jah Njiké (administratrice du Groupe Femmes pour Abolition Mutilations Sexuelles et des Mariages Forcés).

Premiers signataires : Angèle (chanteuse) ; Mouloud Achour (animateur TV) ; Lisa Azuelos (réalisatrice) ; Pénélope Bagieu (autrice) ; Jean-Marc Barr (comédien) ; Daphné Bürki (animatrice TV) ; Ghada Hatem (médecin-chef de la Maison des femmes de Saint-Denis) ; Axelle Jah Njiké (Groupe pour l’abolition des mutilations sexuelles et mariages forcés [Gams]) ; Karine Le Marchand (animatrice TV) ; Lio (chanteuse) ; Clara Luciani (chanteuse) ; Danielle Mérian (avocate militante) ; Guillaume Meurice (humoriste) ; Elie Sémoun (acteur) ; Bruno Solo (comédien)…


Collectif


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