par Nathalie Dray publié le 9 décembre 2022
Freud, qui doutait qu’on puisse faire de ses «abstractions une présentation plastique qui se respecte», aurait probablement eu des réserves sur ce faux biopic (mais vrai thriller mental) du père de la psychanalyse auquel Huston s’attelait en 1962, d’abord avec puis sans le scénario de Sartre, trop long donc inadaptable. On ne le saura jamais et peu importe. L’inconscient ne produit-il pas ses propres images, codées et mouvantes ? Et en épouser les méandres impénétrables se révèle être la plus palpitante des enquêtes, aussi incertaine que terrifiante. D’où l’idée géniale du cinéaste d’affranchir de tout didactisme ce portrait, auquel Monty Clift, incroyablement habité, prête son regard perçant et torturé, pour l’inscrire dans le cinéma de genre, entre film noir et trouées fantastiques, suspense et aventure intérieure, aidé en cela par le noir et blanc soyeux de Douglas Slocombe et les dissonances inquiètes de Jerry Goldsmith.
Le mythe l’intéresse moins que le vertige d’un homme à l’assaut d’un territoire encore vierge, la pensée au travail et la naissance d’une intuition révolutionnaire en train de s’inventer. Des premiers pas auprès de Charcot et son étude sur l’hypnose et l’hystérie, à sa collaboration avec Breuer (sorte de figure paternelle), en passant par les cures de célèbres patients (Cecily Koertner), et le rejet de ses détracteurs, Freud est dépeint comme un explorateur avançant seul dans le noir, mais aussi un névrosé allant jusqu’à affronter ses propres démons pour étayer ses découvertes sur le complexe d’Œdipe, la sexualité infantile, le rêve, la façon dont l’inconscient procède par détours, ruses, indices, déplacements et transferts. Un grand film haletant, où parole et action ne font qu’un. Comme une séance chez le psy, en somme.
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