Le Monde avec AFP Publié le 26 juin 2021
Le laboratoire américain devra également régler 230 millions de dollars, qui permettront de financer les efforts de prévention, de traitement et d’éducation aux dangers que présentent ces substances dans l’Etat de New York.
Le laboratoire américain était accusé depuis de nombreuses années de favoriser la dépendance de milliers de personnes : Johnson & Johnson (J & J) va finalement suspendre ses ventes d’opiacés aux Etats-Unis, ainsi que l’a annoncé samedi 25 juin la procureure générale de New York, Letitia James. Un accord de 230 millions de dollars qui met fin aux poursuites judiciaires visant le laboratoire.
J & J a annoncé dans un communiqué séparé que cet accord lui permettrait d’éviter un procès qui devait commencer lundi, précisant que le groupe avait pris la décision d’« arrêter tous ses analgésiques sur ordonnance aux États-Unis en 2020 ». Le règlement annoncé samedi « ne constitue pas un aveu de responsabilité ou d’acte répréhensible de la part de la société », a également souligné le groupe, alors que d’autres procédures judiciaires à l’échelle nationale sont en cours, dont un procès en Californie.
Le laboratoire pourrait également avoir à payer 30 millions de dollars de plus la première année, si la nouvelle législation visant à créer un fonds de règlement des opiacés était promulguée par la chambre exécutive de l’Etat.
« L’épidémie d’opiacés a fait des ravages dans d’innombrables communautés de l’Etat de New York et du reste du pays, laissant des millions de personnes toujours dépendantes à ces produits, qui sont dangereux, voire mortels », a par ailleurs déclaré la procureure dans le communiqué.
« Johnson & Johnson a contribué à alimenter cette crise, mais, aujourd’hui, la firme s’engage à quitter le secteur des opiacés, non seulement à New York, mais dans tout le pays », a ajouté Mme James. Dès lors, J & J ne fabriquera ni ne vendra plus d’opiacés aux Etats-Unis.
Financer la prévention
Les 230 millions de dollars doivent permettre de financer les efforts de prévention, de traitement et d’éducation aux dangers que présentent ces substances dans l’Etat de New York.
Johnson & Johnson, Purdue, ainsi que d’autres laboratoires et distributeurs pharmaceutiques sont accusés d’avoir encouragé les médecins à prescrire à grande échelle ces médicaments – initialement réservés aux patients atteints de cancers particulièrement graves – alors même qu’ils savaient que ces derniers généraient une forte dépendance.
A partir de 1999, l’état de dépendance qui était le leur a poussé de nombreux consommateurs de ces médicaments à s’administrer des doses de plus en plus fortes ou à opter pour des drogues illicites telles que l’héroïne et le fentanyl, un opiacé de synthèse extrêmement puissant ayant fait drastiquement augmenter le nombre d’overdoses fatales à travers le pays. Depuis lors, on estime à 500 000 le nombre de personnes qui sont mortes d’une overdose aux Etats-Unis.
Les centres américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC), principales agences de santé publique du pays, avancent le chiffre de 90 000 morts par surdose de drogue pour la seule année 2020. Les trois quarts d’entre eux impliquaient des opiacés.
Baisse de l’espérance de vie
Le ministère de la santé des Etats-Unis estime que cette crise a été responsable de quatre années de baisse de l’espérance de vie entre 2014 et 2017. La crise s’était emballée au point que Donald Trump l’avait décrétée en octobre 2017 « urgence nationale de santé publique ».
Les CDC avaient estimé en 2019 à quelque 78,5 milliards de dollars par an « le fardeau économique » de la crise, incluant frais de santé, productivité perdue et coûts pour le système pénal. Une étude publiée par la Société des actuaires avait, elle, évalué à 631 milliards de dollars le coût pour les quatre années 2015-2018.
La crise semblait s’atténuer avant la pandémie, à la faveur des contrôles renforcés des prescriptions notamment, mais les CDC ont récemment fait part de l’augmentation des morts par surdose de médicaments, dont opiacés.
Alors que les procédures judiciaires se sont multipliées dans le pays, de nombreuses entreprises tentent de trouver des accords. En février, le prestigieux cabinet de conseil McKinsey avait ainsi annoncé avoir accepté de verser 573 millions de dollars pour solder des poursuites judiciaires lancées par une quarantaine d’Etats américains, qui l’accusaient d’avoir contribué à la crise des opiacés par l’intermédiaire de ses conseils aux groupes pharmaceutiques dont Purdue Pharma, le fabricant de l’Oxycontin.
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